SAM_527_CR825

C’est mon hIstoIre

« J’ai fini par être décomplexée » Dora MOUTOT

Depuis dix ans, Dora Moutot, 32 ans, est atteinte du SIBO ou maladie des hyperballonnés. Dans son livre À fleur de pet , elle se décrit comme une “machine à gaz”. Armée d’un caractère bien trempé, elle raconte son parcours.

C ontrairement aux pays anglo-saxons, cette pathologie est totalement ignorée en France. À chaque fois que je parlais du SIBO (Small Intestinal Bacterial Overgrowth) à des médecins français, ils n’en avaient jamais entendu parler. Au total, j’en ai vu une quarantaine… Lorsque j’ai vu une explosion de la parole à l’égard de l’endométriose, obligeant les médecins à s’y intéresser, et permettant à des femmes d’être diagnostiquées, j’ai voulu me servir de ce modèle-là. Au-delà de l’errance médicale, j’ai réalisé que j’ignorais le fonctionnement d’un intestin. Je me suis dit : « Stop ! Si les médecins ne comprennent pas ou n’ont pas envie de se pencher sur la question, je vais acheter des livres d’anatomie microbiologique pour comprendre. » On ne me prenait pas au sérieux Avant cela, ma vie sociale était devenue un cauchemar. Mon copain m’a quittée, j’ai dû démissionner ne pouvant plus travailler dans un bureau… Une

PROPOS RECUEILLIS PAR ANA BOYRIE

24 SANTÉ MAGAZINE I novembre 2019 que l’on ne m’ait pas découvert cela avant. Donc, mon plan a vraie descente aux enfers. Sans oublier l’entourage qui ne me prenait pas au sérieux. J’avais le droit à des « tu n’as qu’à pas manger ça », ou « t’en fais tout un plat pour rien ». En réalité, vous mangez, vous ballonnez, vous souffrez et ce, non-stop. Résultat : j’avais un rapport à l’alimentation très angoissé. Le pet faisant plus rire que pleurer, rares sont ceux qui le perçoivent comme le marqueur d’une maladie. Un jour, je me suis rendue aux États-Unis. Là-bas, les librairies abritent des pépites sur la santé. C’est ainsi que j’ai découvert que le SIBO était une vraie pathologie, dont souffrent des millions de gens. Tout d’un coup, je reprenais le pouvoir. Ma maladie était devenue quelque chose de concret, j’étais capable de l’expliquer et de rationaliser la douleur. Et bonus : les médecins ont cessé de me prendre pour une idiote. J’étais reboostée, mais aussi très furieuse

été le suivant : « D’abord, j’essaie de me soigner en adoptant une alimentation qui nourrit le moins possible les bactéries intestinales pathogènes, responsables de mes ballonnements. Et après, j’alerte

tout le monde ! » Aujourd’hui, je préfère en rire

J’ai fini par en être décomplexée. Au fil des années, j’ai commencé à en parler autour de moi, car j’ignorais si ma situation était anormale ou non. J’allais voir tout le monde : « Excuse-moi, est-ce que tu pètes beaucoup ? » Peu à peu, je suis devenue “la nana qui parle caca”. En réalité, je prends un malin plaisir à mettre les pieds dans le plat. Que ce soit à travers mon livre, ou mon compte Instagram « T’as joui ? ». Lorsque tu es atteint d’une maladie comme le SIBO, avoir du caractère est un plus. Il faut être coriace et savoir s’imposer auprès des médecins. Mais, même avec mon caractère, cela n’a pas été facile.