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48 LE REPORTAGE

NOVEMBRE DÉCEMBRE 2020 RÉGAL N° 98 www.regal.fr

« L’oie, c’est l’Alsace. Et sans l’oie, il n’y aurait jamais eu de foie gras de canard. » Marcel Metzler

480 g [le minimum réglementaire est 400 g, NDLR]. À ce buffet ouvert, les volatiles ont leurs exigences. Elles boudent l’unique platée de maïs habituelle. « On a découvert qu’elles adorent la tomate mais pas le pois chiche, raconte l’artisan. Leur ration est un secret de fabrication. Tout ce que je peux révéler est qu’elle contient environ un quart de maïs grains. » Gavage en liberté Ce foie gras que l’on pourrait qualifier de « libre » n’est-il pas une réponse aux contempteurs du gavage traditionnel ? Les autorités ergotent pour lui donner une existence officielle. En effet, au regard de la loi, seuls les foies issus de volatiles « gavés » peuvent prétendre à l’appellation « foie gras» ! «Les nôtres se gavent. Donc le verbe est le même ! », précise avec malice Marcel Metzler. Ce nouveau mode de production pourrait ouvrir la voie au premier foie gras bio. En effet, à l’heure actuelle, dans le cahier des charges de l’agriculture biologique, le gavage forcé est interdit. Les derniers éleveurs d’oie en Alsace observent les travaux de Marcel Metzler avec un intérêt grandissant tandis que la voix des activistes du bien-être animal s’amplifie n

Au sud de Colmar, Marcel Metzler attend les réveillons avec le calme de la vieille garde. Chez lui, on déguste le meilleur de ce que l’oie sait donner. L’artisan est l’un des plus grands connaisseurs (et fabricant) de foie gras « L’oie, c’est l’Alsace. Et sans l’oie, il n’y aurait jamais eu de foie gras de canard », affirme Marcel Metzler qui s’est documenté. Il cite Pline et Apicius. « Songez que les Romains auraient obtenu un foie gras d’oie de 1,2 kg avec seulement du vin et du miel », raconte-t-il admiratif. Les premières traces de foie gras en Alsace date de l’an 800, pas très loin de Gueberschwihr. « À l’époque, on a tenté de gaver de nombreux volatiles car on pensait que le foie était le siège de l’âme. Seule l’oie a donné satisfaction, du moins, du point de vue de son aptitude à faire du gras, poursuit l’artisan. Le gavage n’était pas forcé en ce temps- là, ajoute-t-il, on les nourrissait avec abondance. » Les oies se gavaient en prévision d’une migration chimérique, ces longs vols qu’elles n’accomplissaient plus depuis qu’elles avaient été domestiquées. « Nous avions le point de départ, il ne restait qu’à tenter l’expérience du “sans gavage“, note Marcel Metzler. Nous l’avons menée avec le concours du lycée agricole de Rouffach et nous avons obtenu de beaux foies de

À la lisière du parc naturel des Vosges, dans la bourgade de Gueberschwihr, Marcel Metzler (à gauche) défend un gavage des oies «à buffet ouvert». Le foie gras est une gourmandise attendue sur toutes les tables de fêtes alsaciennes. Beaucoup plus au nord, à Bischoffsheim,

Gilbert Schmitt (à droite) représente

avec Georges Kuntz, à Dachstein, deux des derniers éleveurs d’oie en Alsace.

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