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www.regal.fr RÉGAL N° 90 JUILLET AOÛT 2019

sur une oie. La tradition est aussi ancrée dans la région que la dinde de Thanksgiving chez les Américains. « On raconte l’histoire d’un curé qui ne voulait pas aller à Rome et qui se serait caché au milieu des oies pour échapper à son destin de cardinal » , se gausse Gérard Goetz. Les volatiles affolés auraient démasqué le futur Saint-Martin en s’agitant autour de la robe du curé. À cause de cette affaire, plus croquignolesque que véritable, les oies rôtissent dans les fours des Alsaciens à la mi-novembre chauffant la place pour la dinde ou le chapon de Noël. Elles sont agrémentées de chou rouge ou de « choucroute », ajoute Valentin Weber, fabricant de choucroute depuis trois générations, qui plaide pour sa chapelle. Le fil d’or de la choucroute Le trentenaire est un bon vivant et le plus jeune choucroutier de Krautergersheim, probablement le plus talentueux. Comme son grand-père et son père auparavant, il est devenu Chouvillois, comme on nomme les 1800 habitants de ce village alsacien où beaucoup naissent et vivent autour du chou. « Dans les

années cinquante, dans toutes les fermes du coin, on faisait de la choucroute, maintenant, nous ne sommes plus que cinq choucroutiers à Krautergersheim. » Kraut en Allemand (ou Krüt en alsacien) peut signifier chou. Dans un rayon de dix kilomètres de Krautergersheim, il est impossible d’échapper au légume pommé. Dès la fin de l’été et jusqu’en octobre, à l’approche des grandes manœuvres, l’odeur du chou fraîchement coupé se fait sentir. La choucrouterie des Weber tourne à plein régime. Sur le tapis roulant, le chou juste ciselé défile. D’un geste, un peu comme celui d’une fileuse de laine, Valentin Weber détaille, entre ses doigts, les filaments de la choucroute fraîche, les observe, les jauge à la lumière. Tantôt il sourit, tantôt il grimace. Un morceau de trognon du chou est passé entre les lames des couteaux. « Ce que l’on vise, c’est le cheveu d’ange, le fil d’or comme on l’appelle, une choucroute aux filaments très longs, fins, lumineux et tendres », explique Valentin. Un peu plus tôt, dans l’un des champs de Guy et Nicolas Krauffel, cultivateurs dans le village limitrophe de Meistratzheim, qui lui fournissent les choux, le choucroutier nous a

À gauche, Guy Krauffel, producteur de chou à choucroute

à Meistratzheim. À droite, Valentin

Weber dans sa choucrouterie de Krautergersheim. Fruit d’une lacto- fermentation (comme le kimchi coréen), la choucroute véhicule. Les bactéries à son origine rendent le chou plus digeste et l’acidité préserve ses vitamines. Pendant longtemps, les marins au long cours ont embarqué de la choucroute à bord en prévention du scorbut. On a appris depuis que 200 g de choucroute suffisent à couvrir la moitié de nos besoins en vitamine C. est diététique contrairement à l’image qu’elle

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