SANTE
L’enfant a aussi besoin de jouer, de dormir, de rêver Le temps passé sur les écrans « est du temps perdu, estime le Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre. Il peut parfois être utile – comme un dessin animé qui divertit –, mais cela prend un temps énorme sur d’autres activités : échanger avec ses parents, rêvasser, jouer, dormir... Or, le jeune enfant a besoin de se mobiliser, de toucher les choses qui l’entourent, de les explorer et d’en parler. C’est ainsi que son cerveau se développe. » Quelles sont donc les conséquences d’une surexposition ? Selon Michel Desmurget, des études parlent de problèmes d’hyperactivité, d’attention, de mémorisation ou encore d’apprentissage. Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation, est plus nuancé. « Il est difficile d’adopter une position tranchée sur les effets délétères que peuvent avoir les écrans sur les enfants. » En revanche, tous sont d’accord pour dénoncer l’accès aux contenus non appropriés. « Prenez YouTube ou Facebook, la création d’un compte relève du pur déclaratif, s’exclame Grégoire Borst. Ce n’est pas normal ! » Le numérique change notre intelligence Michel Desmurget l’affirme : « Plus les enfants regardent d’écrans, plus le QI diminue. » De quoi affoler les parents. Certains décident même de bannir le numérique afin de sauver leurs enfants de cette “crétinisation”. Un effet de panique que regrette Grégoire Borst. « Nous travaillons sur de nouveaux outils – développés sur tablettes – aidant les enfants qui ont des troubles de l’apprentissage. Mais depuis la publication du livre de Michel Desmurget, ces écoles refusent d’accueillir ce genre de recherches. » De plus, ces fameux tests de caution intellectuelle ne
montrent aucune diminution, mais bien l’absence de “l’effet Flynn” qui consiste en l’augmentation du QI, de génération en génération. « Cela ne veut pas dire que le score a baissé », nuance Grégoire Borst. Selon lui, ce phénomène peut être interprété de deux manières. La première : nous sommes arrivés au point culminant de l’intelligence humaine. La seconde : notre intelligence est en train de changer, et s’adapte à son environnement. « Notre pensée devient plus rapide, plus agile, parfois plus intuitive, dit-il. Nous ne sommes pas en train de créer des crétins numériques, mais des gens qui ont une intelligence différente de la nôtre. » Le vrai enjeu se trouverait donc dans la réconciliation entre l’intelligence actuelle, académique, délibérative et analytique, et cette nouvelle pensée qui se développe visiblement via le numérique. Instaurer un usage raisonné des écrans À Taïwan, l’État interdit d’exposer un enfant de moins de 2 ans aux outils numériques, sous peine d’amende. « Une mesure radicale pour que les parents comprennent l’importance du sujet, considère
Stéphane Clerget. En France, les parents sont mieux informés. Par exemple, dans le carnet de santé, il est écrit de ne pas laisser trop longtemps son enfant devant l’écran. » Quel serait donc l’usage raisonné ? Le Dr Clerget propose une gradation facile à mémoriser : une heure par semaine, par année d’âge et ce, tout écran confondu. Ainsi, un enfant de 6 ans peut être sur l’écran 6 heures par semaine, maximum. « Même les programmes éducatifs ne remplacent pas l’échange avec un être humain, affirme le pédopsychiatre. D’ailleurs, les enfants qui passent trop de temps sur les écrans ont souvent un retard du développement langagier. » Grégoire Borst rejoint l’idée selon laquelle l’écran doit être utilisé en interaction et se méfie d’une approche d’interdiction. « Je suis toujours réticent à l’idée d’opter pour des solutions simplistes, explique-t-il. Dire “Pas d’écran avant tel âge”, c’est mettre les parents en échec car il y a des écrans partout. En revanche, avoir une politique de santé publique dans laquelle on fait appel à l’intelligence des parents ainsi qu’à celle des enfants, conviendrait mieux. »
FIXER DES LIMITES À CHAQUE ÂGE
Pour un adulte C’est l’occasion pour les parents de s’inscrire au programme familial et de réfléchir à leur propre usage. Quand un parent rentre du travail et que l’enfant l’accueille, il est préférable de poser son portable.
Pour un enfant on décide en
Pour un adolescent on peut utiliser une appli comme actionDash pour calculer le temps passé sur le smart- phone. Le marché : “Je te laisse l’accès au numérique mais j’en surveille le contenu jusqu’à ta majorité”. Règle d’or : jamais le soir.
famille d’un nombre maximum d’usage des écrans. Chacun a son programme, dans lequel il est défini les temps de cours, de repas, les heures de coucher et les temps d’écran. on ne doit pas y déroger.
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57 SANTÉ MAGAZINE I février 2020
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