SANTE MAGAZINE
Perso BIen-être
CONSULTATION EXPRESS
Je ne peux pas m’empêcher de mentir !
En moyenne, chacun ment 1,65 fois par jour. Mais certains dépassent largement le quota. Quand devient-on Pinocchio ? Pourquoi ? Xavier Seron nous dit toute la vérité.
AURORE AIMELET
Quelles raisons nous poussent à mentir ?
parviendra à cacher sa gêne, et un innocent peut très bien manifester des signes d’anxiété. Ainsi, la plupart des mensonges sont découverts bien après leur émission. » Comment réagir si l’on est pris en flagrant délit de mensonge ? « C’est une situation très désagréable, qui réveille des peurs archaïques puisque la survie de notre espèce tient à notre capacité à transmettre les bons messages. » En cas de faute, mieux vaut ne pas nier l’évidence, présenter ses excuses, mais surtout réfléchir à ses motivations. « Mentir à l’autre, c’est souvent se mentir à soi-même, ne pas vouloir reconnaître la réalité, parce qu’elle semble trop désagréable ou difficile à assumer. » Faut-il toujours dire la vérité ? « Toute vérité n’est pas bonne à dire. Chacun a droit à son jardin secret. Par ailleurs, les whites lies , comme les appellent les Anglo-Saxons, sont au cœur des règles de politesse, nécessaires au vivre ensemble. Ainsi, les enfants apprennent à remercier pour un cadeau qui ne leur plaît pas. » Et ça vaut mieux pour tout le monde.
Notre expert
« On distingue deux catégories de mensonges, dit Xavier Seron. Les mensonges prosociaux visent à protéger ou à rassurer les autres (“Comment tu trouves ma robe ? Parfaite !”), quitte à ce qu’ils jouent en notre défaveur (“Je ne te dérange pas ? Non, non”). Les mensonges égoïstes sont, eux, motivés par la recherche d’un profit personnel : on cherche à éviter (une punition, une sanction) ou à gagner (une bonne image de soi), éventuellement au détriment des autres ; ils sont alors qualifiés d’antisociaux. » Quand devient-on “mytho” ? Les menteurs invétérés sont peu nombreux, environ 10 % de la population, et se divisent, eux aussi, en deux profils. « Le psychopathe est un pervers machiavélique qui utilise le mensonge comme une arme de manipulation dans le but de nuire à l’autre. Le mythomane, lui, ment un peu tout le temps, sans objectifs précis : il enjolive le monde, s’invente une existence, sans doute parce qu’il estime sa vie ou sa personnalité insuffisante. Il est conscient du caractère mensonger de ses propos, mais cet imaginaire lui permet de se sentir exister. » Peut-on être démasqué ? C’est statistiquement peu probable ! « On repère la vérité à environ 54 %, soit juste un peu au-dessus du hasard. » La dissimulation n’est-elle pas toujours accompagnée d’émotions flagrantes ? « Pas vraiment : un bon menteur
Xavier Seron docteur en neuropsychologie
À lire
Comment être honnête, sans déplaire, ni blesser ?
Mensonges ! Une nouvelle approche psychologique et neuro- scientifique, Xavier Seron, éd. Odile Jacob, 23,90 €.
« Il s’agit de s’interroger et de bien repérer ce que l’on veut dire, quel est l’objectif, et celui-ci doit être constructif », explique Xavier Seron. Un bénéfice doit être attendu, pour soi, pour l’autre. S’il n’y en a pas, le silence s’impose.
123 SANTÉ MAGAZINE I juin 2020
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