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16 LA SAISON
MARS AVRIL 2020 RÉGAL N° 94 www.regal.fr
à froid. « L’équilibre alimentaire aide à fabriquer la matière première, mais pas encore une bonne viande », renchérit Alexandre Polmard qui défend aussi l’abattage traditionnel à la ferme . Ensuite, il s’agit de passer de l’état de muscle à celui de viande. La chair doit s’attendrir, le goût et le parfum se développer. C’est un processus chimique complexe au cours duquel le glycogène se transforme, ce qui active certaines enzymes. Les unes fragmentent les protéines et attendrissent la viande, d’autres transforment les lipides et font naître la saveur. C’est là que le savoir-faire du boucher intervient. Il s’agit de placer la viande sous une bâche anti-UV, à l’abri des éléments extérieurs durant quatre à huit semaines selon le morceau. Du pH au pourcentage de gras, chaque pièce est suivie jusqu’à satisfaire aux critères d’excellence maison. Un procédé d’hibernation élaboré par François – le père d’Alexandre – et une équipe d’ingénieurs avec la caution de l’Inrae (l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), permet ensuite de figer cet état idéal : la viande placée sous-vide est descendue à une température de -120 °C et ventilée à 120 km/heure pour provoquer une cristallisation intracellulaire qui ne casse pas les fibres contrairement à la congélation. Le sous-vide permet de déguster la viande au stade optimal de sa maturation. Chaque semaine, l’équivalent d’une vache est ainsi fourni en viande millésimée au restaurant parisien Polmard ouvert en 2018 dans le VII e arrondissement de Paris. LA BOUCHERIE DANS LE SANG Chez Polmard, vous pouvez aussi commander d’autres viandes, venues d’ailleurs, qui répondent au même souci d’exigence. Comme ce cochon black and white , nourri en plein air, moins gras qu’un Noir de Bigorre. Alexandre Polmard s’anime une fois de plus : « En mûrissant, sa viande devient goûteuse, herbacée, avec un brin d’acidité et une petite saveur de noisette. » Présent sur tous les fronts pour défendre une autre image de la boucherie, le jeune Alexandre Polmard suit les pas de son père, qu’il cite volontiers : « Il ne s’agit pas de devenir gros, mais d’être bon. » À l’aune de ses projets d’expansion et du buzz qui l’accompagne, les deux objectifs sont atteints n
La viande placée sous-vide est descendue à une température de -120 °C et ventilée à 120 km/heure pour provoquer une cristallisation intracellulaire qui ne casse pas les fibres, contrairement à la congélation.
Qui l’eût cru? Chez Polmard, rumsteck, côte et faux-filet se dégustent cru ou bleu. Une question de savoir-faire et d’éthique pour la nouvelle génération. C’est une manière de respecter le travail du boucher en restant au plus près du produit originel. Cuire à point risque également de détruire le goût et les apports nutritionnels. Alexandre Polmard en est persuadé: « Les enfants savent apprécier, ils ont le palais vierge, il suffit de leur couper la viande à vue, et de leur tendre un morceau cru au couteau » . Chez Polmard, on s’engage également à valoriser tous les morceaux de viande, du groin cuisiné sur un mode bistrot à la côte de bœuf haute couture.
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