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56 LE REPORTAGE
SEPTEMBRE OCTOBRE 2019 RÉGAL N° 91 www.regal.fr
l’impression de travailler », assure-t-il. Vous ne le surprendrez pas à faire la sieste. Ses sorties en pleine nature le reposent et l’inspirent. Il y puise une énergie qu’il retransmet ensuite dans l’assiette. Jean Sulpice raconte par exemple comment sa recette magistrale d’omble chevalier, beurre maître d’hôtel à l’épicéa, lui est venue à l’esprit. Après une nuit neigeuse, lorsqu’un rayon de soleil chauffe les branches de sapin lourdes de neige, un paquet finit par tomber. Le chef est ému par la branche élastique qui remonte et se déploie, provoquant une déflagration de senteurs d’épicéa… Version cuisine, la scène se déroule dans le cocon d’une assiette creuse sous cloche et met à l’honneur un omble chevalier déposé sur un radeau de sarments de vigne en équilibre sur un caillou brûlant (voir page 59). Pour Jean Sulpice, le lac est une inépuisable source d’inspiration. En s’approvisionnant auprès du pêcheur Florent Capretti, il s’assure des prises d’une fraîcheur inégalée, de l’omble chevalier aux écrevisses du célèbre gratin (voir ci-contre). Les goûteux crustacés entrent aussi dans la recette d’un œuf de cane et sabayon de safran, des amuse-bouches, des sauces… Des recettes d’autant plus intenses qu’on y goûte les yeux plongés dans le majestueux lac d’Annecy n
Quand il rachète l’Auberge du Père Bise à la fin de l’année 2016, il s’attaque à un monument de la gastronomie locale. «C’était une maison très réputée, que tout le monde connaissait dans la région » , explique le nouveau propriétaire. Dans ce restaurant, Marguerite Bise fut la deuxième femme française à obtenir trois étoiles au guide Michelin. La reine Elisabeth, Charlie Chaplin ou Fernand Point, pionnier de la gastronomie française, honoraient les lieux de leurs visites. À son tour, Jean Sulpice ambitionne de prolonger l’histoire de cette belle institution. Il refait toute la maison pour y imposer sa cuisine. Le chef et ses 110 salariés sont aujourd’hui sur le pied de guerre. Une cuisine entre lac et montagne Il faut être un peu fou pour se lancer dans pareille entreprise… Jean Sulpice était l’homme de la situation. Il est du genre à se lever à 6 h un jour de pleine lune pour s’offrir un frisson dans l’eau fraîche du lac, sous le regard des montagnes qui s’éveillent. Ou bien il lève toute son équipe au petit matin pour rendre visite à une productrice de bleu de Termignon qui retourne ses fromages à la lampe frontale, au fond de la vallée de la Maurienne. Et quand il est fatigué ? Il fait du sport. « Je n’ai pas
Florent Capretti, qui approvisionne Jean Sulpice, est l’un
des deux seuls pêcheurs professionnels autorisés à pêcher sur le lac d’Annecy. Les restaurants du bord de lac s’arrachent ses poissons de première fraîcheur: féra, lotte, écrevisse, omble chevalier, perche, brochet… Le pêcheur, aux allures de Marcello Mastroianni jeune, est accompagné de son labrador, Cookie, un parfait ambassadeur de la gastronomie locale. Il adore les pommes et engloutit une féra chaque jour. Sans arêtes, s’il vous plaît!
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