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118 AILLEURS

JANVIER FÉVRIER 2020 RÉGAL N° 93 www.regal.fr

LES MYSTÈRES DE LA FERMENTATION Comme le vin, le chocolat commence par une fermentation, celle des fèves de cacao, dans des feuilles de bananier. Longtemps, on a pensé que cette action servait à débarrasser les fèves de leur gaine gélatineuse, sucrée et acidulée (le mucilage, protégeant une amande blanche comme la porcelaine et riche pour moitié, au moins, de beurre de cacao). C’est aussi une étape cruciale sur le chemin de la qualité et des arômes du futur chocolat. Elle n’a pas encore livré tous ses secrets scientifiques. Sur la roça de Diogo Vaz, on ausculte les fèves en transformation et on expérimente pour mieux comprendre. Des essais de fermentation dans des tonneaux en chêne ayant accueilli du porto sont menés.

À la fin du XIX e siècle, São Tomé exporte des fèves de cacao dans le monde entier. Cette économie florissante repose sur un terroir d’exception et une pratique peu glorieuse qui prolonge l’esclavage (officiellement aboli depuis 1875). Des « contractuels » émigrés depuis le Cap-Vert et l’Angola sont embauchés dans des plantations naissantes, baptisées « roças ». Logés, nourris, soignés et exploités sur un même lieu, les ouvriers du cacao à la vie brève ne revoient jamais leur terre natale. «Qui t’a montré ce chemin lointain, ce long chemin pour SãoTomé ? » dit la complainte chantée par la cap-verdienne Cesária Évora. Saudade, saudade ! Mélancolie, mélancolie ! En 1975, les Portugais partent, après la révolution des Œillets. Le système des roças s’effondre, les terres sont redistribuées et l’économie cacaoyère périclite. Les maisons coloniales sont toujours debout, aux couleurs patinées par les vents tièdes de l’Atlantique. Dans la rue, les changeurs de monnaie font le pied de grue, tout comme les vendeurs de cigarettes. La halle semble vouloir s’écrouler, mais à l’intérieur comme aux abords, dans un vacarme indescriptible, les femmes marchandent tout ce que l’île offre de denrées alimentaires. Dans