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www.regal.fr RÉGAL N° 82 MARS AVRIL 2018
ROULENT GALETTES Le Bateau Ivre, sur le port de Portivy à Saint- Pierre-Quiberon, ne désemplit pas les soirs de week-end. Dans ce bar de pêcheurs, on mange à la bonne franquette, surtout des moules-frites (maison) et des crêpes à la farine de sarrasin (le fameux blé noir breton). Elles sont fines comme de la dentelle, imprégnées de beurre et caramélisées. La crêpe la plus réclamée est garnie d’un œuf, de fromage et de rondelles d’andouille. Pas n’importe laquelle ! Celle de Guémené-sur-Scorff, une petite commune loin de la mer, située au nord des terres du Morbihan. On y fabrique depuis des lustres cette andouille aux cercles de boyau concentriques. Les chaudins (gros intestin) de porc sont enfilés, à la main, les uns sur les autres. L’andouille est fumée, puis séchée et enfin cuite.
U n voyage dans le Morbihan devrait toujours commencer ou se terminer chez Paulette et Marie-Paule, au Café de la Poissonnerie, face à la halle aux poissons de Vannes. Le décor n’a pas changé depuis trente-quatre ans. Un vrai film d’Audiard. Marie-Paule, cheveux auburn permanentés, est la reine du croque-monsieur. Ils sont gargantuesques, au lard et à l’andouille de Guémené. Le samedi matin, les clients se bousculent pour les déguster. En face, c’est la frénésie des grands jours de marché. L’ambiance est électrique. «Ne vous inquiétez pas, Madame, j’ai encore 150 kg de coquilles saint-jacques dans le camion. Il y en aura pour tout le monde», s’époumone un marchand de la halle aux poissons. Une vague de fraîcheur en provenance de l’océan Atlantique a déferlé sur les étals. On comprend que les clients trépignent : « C’est d’une beauté!», s’exclame une dame devant les derniers turbots, humides et scintillants. Le bouquet vivant gigote comme s’il était à la fête. «Une minute dans la poêle avec un peu de sel et de poivre. C’est tout ce que ça demande » , nous conseille le vendeur. Il y a les coques, les praires, les palourdes… et les huîtres. Les pouce-pieds sont absents comme il se doit. L’insolite coquillage est aussi mystérieux que les pêcheurs qui les ramassent sur les rochers de la baie de Quiberon. Ils fuient le journaliste et le photographe comme la peste. Henri Gouzer, ostréiculteur et mareyeur à Carnac, connu comme le loup blanc dans la baie, a tout tenté. En vain. « Je ne sais pas ce qu’ils craignent. Cette pêche est tellement contrôlée maintenant. Ils n’ont rien à cacher » , s’étonne-t-il. Il faut dire que le pouce-pied est un peu la poule aux œufs d’or dans le Morbihan, l’un des gisements les plus fertiles en France. Les Espagnols raffolent tellement de ce coquillage aux allures préhistoriques qu’ils font la razzia dans la baie et les prix flambent. C’est aussi l’Arlésienne pour les gens du cru.
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