Les cathédrales de notre histoire
Pillage d’une église pendant la Révolution, de Swebach- Desfontaines (1769-1823). Devant l’ancienne église de Saint- Germain- en-Laye, des sans-culottes athées parodient les offices en brandissant des objets pillés dans l’église.
Photo Josse / Leemage
On dit, mais ce n’est pas avéré, que certains, tel celui de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, sont achetés par le peintre Martin Drolling pour en extraire une substance donnant au vernis un éclat incomparable. C’est dans la nécropole royale de Saint-Denis, que la fureur iconoclaste devient, à travers tableaux et gravures du xix e siècle, une scène fondatrice du roman national. Officiellement, il s’agit de récupérer le plomb des cercueils et, à l’appel de Barère, de commémorer la chute de la royauté le 10 août 1792 par une opération radicale. Celle-ci commence le 6 août, sous les yeux de dom Poirier, archiviste de Saint-Denis, chargé d’en dresser le procès-verbal. Une quarantaine de personnes y ont assisté dont quelques enfants, et non des hordes de tricoteuses et de sans-culottes en furie. En trois jours, une cin- quantaine de tombeaux du chœur sont démontés et leur contenu jeté dans une fosse de chaux vive creu- sée derrière l’église. Les restes desMérovingiens, Carolingiens ou Capétiens ne suscitent pas grande curiosité. En revanche, François I er , est admiré pour sa grande taille et ses fémurs sont dûment mesu- rés: dix pouces! … jusqu’à la fièvre iconoclaste Deuxmoisplus tard, dans lacryptedesBourbons, l’atmosphèreest tout autre. Le spectacle, à la lueur des torches et dans une odeur pestilentielle, fait vomir les plus endurcis. Ici, point de tombeaux sculp- tés mais des cercueils de plomb posés sur des tré- teaux. Des noms, des dates, mais aucune épitaphe
élogieuse pouvant susciter l’ire de la foule. Tous veulent voir les visages honnis des tyrans et savou- rer ce que la mort en a fait. Et si possible en préle- ver quelques reliques. Un certainBrulay a constitué
une incroyable collection avec la bénédiction des commissaires présents. Le 12 octobre 1793, le cercueil d’Henri IV est ouvert. Stupéfaction! Le corps est bien conservé et les traits recon- naissables. Dressé contre un mur, il est exposé pendant deux jours. Une femme le soufflette et un soldat sabre une mèche de sa barbe pour s’en faire une moustache. D’autres injurient le cadavre de Marie de Médicis et lui arrachent les cheveux en l’accusant d’avoir tué son époux. En 1844, Jean-Baptiste Mauzaisse peint la violation du cercueil comme une annonce de la résurrection du bon roi Henri. Reste que sa tête aurait disparu,
Tous veulent voir les visages honnis des tyrans et savourer ce que la mort en a fait. Et si possible en prélever
quelques reliques.
mais c’est une autre histoire…Hélas pour les nécro- philes, la plupart de ses descendants sont décom- posés. Louis XIV n’a plus rien du Roi-Soleil tant sa face est noire d’encre. Quant à Louis XV, domPoirier décrit un corps en bouillie quand d’autres lui ont vu la peau fraîche, le nez violet et les fesses rouges comme celles d’un nourrisson!
SECRETS D’HISTOIRE
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