Les cathédrales de notre histoire
Intérieur du dôme du Panthéon. Le monument, initialement gardien de la châsse de sainte Geneviève, a, depuis la Révolution française, vocation à honorer les personnages marquants l’Histoire de France.
JACQUES RAVENNE : « ROBESPIERRE S’OPPOSE À TOUS CEUX QUI VEULENT UNE RÉPUBLIQUE ATHÉE » ENTRETIEN Romancier et essayiste, auteur de La Chute. Les derniers jours de Robespierre, (éd. Plon/Perrin).
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Naissanced’unepolitiquepatrimoniale L’affaire se termine le 11 novembre par la raz- zia du fabuleux trésor de l’abbaye. 17 charrettes le convoient jusqu’au siège de la Convention, où les meneurs, revêtus de chapes et de mitres, déposent sur la tribune la « relique puante » de la tête de saint Denis. Depuis le séquestre des biens du clergé, le 2 novembre 1789, la Nation, proprié- taire entre autres des cathédrales, a en charge d’en assurer l’entretien et de payer un salaire aux des- servants. En 1794, les rapports de l’abbé Grégoire à la Convention montrent les contradictions dans lesquelles s’enferrent les révolutionnaires, procla- mant que « la même main doit ouvrir le temple des arts et montrer les ruines du despotisme ». Quoi qu’il en soit, Alexandre Lenoir, « gardien général » du dépôt d’œuvres d’art religieux créé dans le cou- vent des Petits-Augustins, est bien décidé à leur arracher leurs proies. Dès le 6 août, il est présent en permanence à Saint-Denis. Il a embelli dans son Journal son héroïsme à remplir sa mission, mais il a incontestablement sauvé un grand nombre de tombeaux sculptés, notamment ceux de Louis XII, de François I er et d’Henri II, grâce à la réquisition de convois militaires. Sans compter qu’il a subti- lisé une omoplate d’Hugues Capet, des côtes de Philippe le Bel, des poils de barbe d’Henri IV ou encore la mâchoire inférieure de Catherine de Médicis… À chacun ses petites manies, dans le grand élan patrimonial qui saisit bientôt tous ceux pour qui les monuments français et, singulière- ment, les cathédrales, sont l’expression du génie d’un peuple tout entier.
Robespierre était-il anticlérical ? Contrairement à une idée répandue, Robespierre
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est de ceux qui voient d’un mauvais œil la campagne de déchristianisation violente que lancent certains révolutionnaires. Convaincu que le peuple a besoin de croire en une divinité, il s’oppose à tous ceux qui veulent une république athée. En particulier, un certain Sade, qui réclame l’éradication de toute religion, et que Robespierre va envoyer illico en prison. Quelle part a-t-il prise dans les destructions d’édifices religieux ? Robespierre est d’abord un politique avisé qui a compris que le peuple, jusque-là ignoré et méprisé, serait un acteur essentiel dans la Révolution. L’Incorruptible va donc jouer le rôle dangereux du vent, en attisant les braises ou en accompagnant la tempête quand il ne peut la contrôler. Quand on commence à piller et démanteler des églises, s’il se montre réticent au début, il justifie ces actes a posteriori. Un jeu risqué, mais politiquement rentable. Qu’attendait-il du culte de l’Être suprême ? Robespierre a une conviction profonde : le genre humain ne peut se passer d’une divinité. Seule la foi en un principe supérieur peut garantir le règne de la vertu dans la société. Inspiré de Rousseau, dont Robespierre est un disciple intransigeant, ce nouveau culte transforma de fait la République française en une théocratie. Cette révolution culturelle ligua contre lui de nombreux révolutionnaires, ulcérés par ce retour du religieux, et fut une des causes de sa chute violente en juillet 1794.
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