Les cathédrales de notre histoire

chantier de samaison. Ces restes sont retrouvés en 1977... Lahaine du luxe et lemépris pour l’artmédié- val dit « gothique » – l’église Sainte-Geneviève fut « panthéonisée » grâce à son style néoclassique –, focalisent la hargne des jacobins sur les jubés. Ces clôtures de pierre ou de bois surmontées d’une tribune séparent les paroissiens du chœur. Une offense au principe d’égalité! Ce vandalisme légal est baptisé ambonoclasme. Les jubés de Noyon, Senlis ou Vézelay furent pulvérisés! Le monastère royal de Brou, la cathédrale d’Albi, des églises bre- tonnes, ou encore la très rare tribune romane en marbre rose du prieuré de Serrabone, témoignent de ce que fut leur splendeur. La destruction des symboles… Vient la curée macabre. Le saccage des tom- beaux de l’abbaye de Saint-Germain des Prés où reposaient Childebert et Frédégonde n’af- fecte pas beaucoup les Parisiens, ni les Lochois lorsque l’effigie funéraire d’Agnès Sorel, favorite de Charles VII, est défigurée parce que prise pour une sainte! Les rois de Navarre, eux, ne sont pas inquiétés dans leur nécropole de Lescar où reposait la sœur de François I er , la célèbre « Marguerite des Marguerites ». Tout le monde les a oubliés, même les rois de France qui portent leur titre depuis Henri IV. La tensionmonte lorsque laConventions’en prend aux restesmaudits des Bourbons. Les cœurs momifiés des membres de la famille royale, dépo- sés au Val-de-Grâce, sont brûlés en place de Grève.

Selva / Leemage

dont l’abbé Grégoire a popularisé le terme, fait des émules. Les têtes volent sur la porte royale de la cathédrale Saint-André à Bordeaux, où les des- tructions religieuses furent importantes, moins par idéologie que par le désir d’édiles et d’architectes de continuer l’œuvre d’urbanisme du xviii e siècle. De nombreuses anecdotes évoquent des sauve- tages improbables. À Amiens, la statue de sainte Geneviève doit sa survie à son travestissement en déesse de la Raison. Quant au saint Étienne ago- nisant d’Auxerre, il continue d’agoniser mais sous les traits de Marat! Un exemple célèbre est celui des 28 rois de Juda ornant la façade occidentale de Notre-Dame. Confondus avec « les gothiques simulacres des rois de France », ils sont décapités, puis vendus commematériaux de remblais en 1796. Jean-Baptiste Lakanal, frère du célèbre conven- tionnel, en acquiert une partie qu’il enterre sous le

La Salle des sculptures du xiv e siècle au musée des Monuments français (1810), de Charles Marie Bouton. Au premier plan, Alexandre Lenoir (1761-1839) abrita dès 1795 les œuvres sauvées des destructions révolutionnaires dans cemusée installé dans l’ancien couvent des Petits- Augustins. Dalles funéraires de la chapelle des Bourbons dans la crypte de la basilique Saint-Denis.

Manuel Cohen

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