Hors-série Régal : la cuisine du soleil

PASSION ESPAGNE

Jurassiens. Il assèche le palais plus qu’il ne désaltère et ses presque seize degrés frappés sont d’une délicieuse fourberie. LES DESSOUS DES VINS MUTÉS « La spécificité du vin de Jerez tient autant à son cépage, le palomino, qu’à son élevage en fût ouvert selon le principe de la solera », explique Raphaël en ajustant le niveau de notre verre. En soi, cette variété de raisin n’a pas grand intérêt. Mais les Andalous ont su en tirer le meilleur parti. Ils commencent par stopper la fermentation avant l’heure en ajoutant de l’alcool aux moûts, c’est ce qu’on appelle le mutage. Un geste qui a pour but de faire cesser instantanément la transformation du sucre en alcool. Le vin se révèle donc plus sucré que si la fermentation avait été conduite à son terme. Le moût est versé dans des foudres en bois de 500 litres disposés dans l’endroit le plus froid de la cave. Les tonneaux sont remplis à 80 % seulement pour laisser le vin en contact avec l’air. Les levures naturelles du vin entrent alors en action : se nourrissant de l’oxygène et du sucre rési- duel, elles tissent un voile protecteur à la surface du vin, qui s’oxyde lentement sans tourner au vinaigre. Au bout d’un an, une partie de la barrique est versée dans un fût plus petit et elle est mise à niveau avec le vin de la nouvelle vendange. Et ainsi de suite selon la tech- nique de la solera où les tonneaux s’empilent dans la cave, des plus volumineux aux plus petits. La dernière barrique, celle située près du sol (la racine de solera ), renferme le mélange de neuf ou douze millésimes. « Le vin vieux éduque le jeune, c’est le principe », résume Vicente Martinez Robles, vigneron à Montilla, dans les environs de Cordoue. De ce côté de l’Andalousie, dans les vignes, le palomino a cédé la place au pedro ximénez (PX). Ce cépage, originaire du Rhin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, ne craint pas les canicules terrifiantes du sud de l’Espagne. Il en ressort ivre de sucre, si bien qu’il n’est pas nécessaire d’additionner son moût d’alcool fort pour stopper la fermentation. Élevé en solera comme le vin de Jerez, le pedro ximénez révèle des notes balsamiques et sucrées que seuls les desserts peuvent affronter. Ce qui l’exclut de la tournée des tapas, à moins de la conclure.

CHOISIR ENCONNAISSANCE DECAUSE Pour mettre fin à la confusion dans les appellations et prévenir les fraudes et la contrefaçon, les Espagnols ont adopté un code de couleurs permettant de distinguer les différentes qualités de jambon ibérique. On repère le nec plus ultra au bracelet noir scellé autour du sabot. C’est le jambon d’un cochon 100 % ibérico , élevé en liberté et nourri uniquement de glands pendant les derniers mois de sa vie. Pour toutes les autres étiquettes, le cochon est issu d’un croisement de races (entre 50 et 75 % ibérico ) et la couleur désigne le mode d’élevage. Rouge pour les cochons élevés en liberté et nourris aux glands ; verte s’ils sont nourris à l’herbe et au fourrage, avec complément de glands possible ; blanche pour ceux qui ne quittent pas leur grange (les Espagnols disent cebode campo ).

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“Le vin vieux éduque le jeune, voilà le principe de la solera”, explique Vicente Martinez Robles, producteur de Jerez près de Cordoue.

RÉGAL HORS-SÉRIE N°21 – JUIN JUILLET AOÛT 2021 – 69

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