Echappées Belles en Bretagne

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Ce bout du monde si proche de nous. Lorsque le soleil décline sur Quiberon, les soirs d’été, les roches de la Côte sauvage semblent s’embraser. L’écume des vagues de l’Atlantique se pare d’or. Les collines d’eau salée, poussées par le vent, se fracassent sur le littoral en 1 000 gouttelettes qui ressemblent à autant de diamants projetés dans l’air. C’est un spectacle bruyant et magnifiquement violent. La nature à l’état brut. Au loin, se dessinent les contours de Belle-Île, magnifique îlot porteur de rêves. N’imagine-t-on pas que, dans son sillage, on pourrait atteindre Marie-Galante en bateau ? Non loin de là, s’élève l’archipel des Glénan, petit paradis perdu dont les lagons translucides font écho aux eaux turquoise de la Polynésie… même si les températures de baignade ne sont pas exactement les mêmes ! Ce coin de Bretagne m’a toujours profondément touché. C’est ici, en marchant sur les sentiers côtiers, que j’ai pris tant de grandes décisions. La presqu’ île de Quiberon fut mon refuge, lorsque je retrouvais la France après de longues et lointaines pérégrinations. Je repense à ce jour où je revins d’Antarctique, terre de glace où j’étais alors guide-naturaliste. Abasourdi et agressé par le brouhaha parisien, je décidai de rejoindre mon refuge breton pour me confronter à nouveau à cette nature dont j’avais une tenace nostalgie. Je crois que cette semaine-là, j’ai fait tout le tour de la presqu’ île à pied, chaque après-midi. Étonnamment, je retrouvais ici un peu de l’ambiance si singulière du pôle Sud. Nous étions en hiver et il faisait beau. La mer changeait de couleur au fur et à mesure de la journée. Le ciel se parait de nuages noirs et chargés de pluie qui laissaient filtrer les rayons du soleil, une fois les averses passées. Les oiseaux marins se délectaient du vent, comme le font les albatros dans les mers du Sud. La nuit, je m’endormais au son du déferlement des vagues. Les paysages n’avaient rien à voir mais l’ambiance, le calme, la prééminence de la nature sur l’œuvre humaine, cette espèce d’accord entre les deux, si rare de nos jours, la sensation qu’au bout de l’horizon se cachaient mille trésors… Tout cela me renvoyait aux sensations que je pouvais ressentir dans mes voyages polaires. Je pense pouvoir dire que j’ai dédié ma vie à la découverte des bouts du monde les plus emblématiques de notre planète. Le Groenland, l’Antarctique, le Sahara ou la Patagonie. Pourtant, à chaque fois que je reviens en Bretagne, je me dis que le golfe du Morbihan doit être le bout du monde fascinant de quelqu’un, à l’autre bout de la Terre. Ce territoire a quelque chose de rassurant. Il rappelle qu’il y a encore, près de chez nous, les ingrédients pour s’émerveiller de la nature dans toute sa grandeur. Perché sur mon rocher de la Côte sauvage, face à l’Océan, je regarde passer au loin la voile blanche et tendue d’un voilier qui navigue vers le sud. Quelle est sa destination ? Je suis à quelques heures de chez moi. Et pourtant, j’ai la sensation d’être ailleurs, dans un autre univers. Pour les esprits rêveurs, chaque voyage, ici, a tout d’une épopée. L A B R E TA G N E V U E P A R … I S M A Ë L KH E L I FA

Chet_W (Fond) et Nathalie Guyon

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