Echappées Belles en Bretagne

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5 heures du matin à l’ouest de la Côte d’Émeraude dans la baie de Saint-Brieuc. Erquy, capitale de la coquille Saint-Jacques, s’éveille… Sur leur chalutier, Richard Gaudu, marin- pêcheur, et ses coéquipiers sont déjà à pied d’œuvre pour draguer la Pecten maximus ! La coquille Saint-Jacques est reine ici. Sa pêche est réglementée et ses gisements sont très protégés ! J’oublie la rétrograde tradition qui prétend que les femmes porteraient malheur à bord d’un bateau, pour prêter main-forte à ces robustes pêcheurs. Mon enthousiasme va être douché ! Après un passage à la barre dans la cabine du navire, une fois le port franchi, la houle a vite raison de moi. Direction le fond de cale pour le marin d’eau douce que je suis ! Le mal de mer n’atteint pas Richard et son équipage, rodés aux caprices de la Manche ! Le temps est compté, aussi je reprends mes esprits. Nous voilà partis au large pour une heure de trajet : une éternité quand on ne peut plus fixer la côte pour éviter la nausée ! La saison de pêche est réduite : de début octobre à avril, parfois jusqu’à mi-mai. Les quelque 250 licenciés autorisés à intervenir sur le gisement de la baie de Saint-Brieuc doivent se partager 3 000 tonnes de Saint-Jacques sur une saison. Alors, il ne faut pas rater sa campagne de pêche ! Objectif : rentrer avec les plus belles pour les vendre, ultra-fraîches, à la criée. On peut draguer pendant 45 minutes chrono, pas une de plus ! Pour les esprits mal placés, je m’explique ! « Draguer », cela veut dire pêcher avec une drague, un énorme râteau complété d’une poche métallique qui sert à racler les fonds et ramasser les coquilles ! Il s’agit de récolter le maximum de Pecten en un minimum de temps ! À bord, l’agitation est à son comble. À la barre, Richard connaît parfaitement la zone. C’est sur un secteur sablonneux, avec de la roche et des courants constants, que les Saint-Jacques s’épanouissent… On met les dragues à l’eau, on les remonte avec le treuil. On trie les coquilles : on rejette les petites, on garde les plus belles. On les rince, on les met en sac et, hop, on recommence l’opération ! Le contrôle de conformité est strict, la réglementation aussi : les spécimens inférieurs à 10 centimètres doivent retrouver leur milieu naturel. Les 45 minutes sont déjà écoulées ? Ouf, on va pouvoir rentrer à quai ! Sur le chemin du retour, mon esprit vagabonde, le mal de mer s’est estompé… Symbole religieux ou de fécondité pour les uns, porte-bonheur pour les autres, la Saint-Jacques fut une monnaie d’échange. C’est aussi un mets des plus raffinés. L’appétit m’est revenu, j’ai hâte de la déguster ! Sur le quai, la nouvelle est arrivée avant nous, les moqueries sur mon compte (à juste titre !) fusent après ma piètre participation ! Je vais sauver mon honneur avec un bon coup de fourchette ! Accompagné par la confrérie des Chevaliers de la coquille Saint-Jacques, le sympathique chef Thierry Danglard m’attend de pied ferme ! Il tient à me rappeler que la symbolique de la coquille prend toute son importance avec les pèlerins sur le chemin de Compostelle, qui s’en servaient pour boire, manger ou mendier. Ce rappel historique étant fait, me voilà prête pour savourer des noix en carpaccio, avec des fraises ! Un mélange frais et subtil. Cuisiner la Saint-Jacques en sauce est un sacrilège, me dit le chef. Délicate et charnue, elle se marie bien avec une fondue de poireaux ou d’endives, voire des crosnes. Ces drôles de petits légumes au goût de noisette sont parfaits pour l’accompagner. L A B R E TA G N E V U E P A R … SO PH I E J OV I LLARD

En guise de promenade digestive, je mets cap au nord pour admirer les paysages sauvages et grandioses du cap Fréhel. Au sommet de son emblématique phare, en regardant au large, je ne peux m’empêcher de penser aux courageux terre- neuvas. Ces valeureux marins, entre les XVI e et XX e siècles, partaient pêcher la morue, parfois au péril de leur vie, au large du Canada sur les Grands Bancs de Terre-Neuve… Hissez haut !

Chet_W (Fond) et Nathalie Guyon