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88 DÉCRYPTAGE

Riche en gisements salifères, la Franche-Comté fut, au moins dès le haut Moyen Âge, un haut lieu de l'exploitation du sel – un élément vital, précieux et… lourdement taxé. Témoignages de cette fascinante épopée industrielle, la saline royale d'Arc-et-Senans ainsi que celle de Salins- les-Bains, dans le Jura, sont toutes deux inscrites au patrimoine de l'Unesco. SEL ET SALINES L' O R B L A N C D E F R A N C H E - C O M T É T E X T E D E H U G U E S D E R O U A R D

P O U R E N SAVOIR +

Si loin de la mer… la Franche-Comté est pourtant bel et bien une région très riche en sel. Pour expliquer la présence de ses nombreux gisements salifères, il faut remonter… à l’ère secondaire. « Il y a quelque 215 mil- lions d’années, l’océan recouvrait la région. Il a déposé des couches de cal- caire et de marne qui se sont fossili- sées : les cours d’eau qui les traversent se chargent de sel et ressurgissent en des sources salées naturelles ou en puits », explique Isabelle Sallé, res- ponsable Culture et Patrimoine de la Saline royale d’Arc-et-Senans. C’est ce qu’on appelle le « sel gemme » – témoin de continents anciennement immergés – qui repose, ici, sur le rebord occidental du Jura enfoui à 240 m environ sous les sédiments. Extraction ancestrale Élément vital, indispensable, entre autres, à la conservation des ali- ments, le sel est extrait localement depuis au moins le vii e millénaire avant J.-C. C’est, selon les traces écrites, au xiii e siècle, sous le seigneur local Jean de Chalon l’Antique que son exploitation prend une ampleur consi- dérable. On compte trois puits d’ex- traction à Salins – un site proche des forêts qui fournissent en bois le com- bustible nécessaire. « C’est un sel dit ignigène, qui est produit grâce à l’action du feu », précise Isabelle Sallé.

Sel et feu Au Moyen Âge, l’eau salée était pom- pée dans des galeries voûtées aux allures de cathédrale souterraine. À Salins – comme plus tard à Arc-et- Senans ou à Montmorot – la saumure était mise à cuire dans de grandes poêles en cuivre, chauffée jusqu’à l’évaporation de l’eau. Un temps de cuisson qui pouvait durer jusqu’à plus de 24 heures, selon la qualité de sel désirée. Dans des conditions extrêmement difficiles, souvent suf- focantes, les sauniers veillaient à la cuisson et à la cristallisation du sel, avant de procéder à son tirage à l'aide de râbles – outils similaires à de grands râteaux. Égoutté, sé- ché, transporté dans les seilles, le

D É C R Y P T A G E

À LIRE La Fabuleuse Histoire du sel. Sur les chemins de l'or blanc, d'André Besson. Collection Archives vivantes, Cabedita, 140p., environ 12€.

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212 / Décembre 2018 - Janvier 2019 / www.detoursenfrance.fr

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