À chacun son menu de fête!
Produit d'exception
LA PATATE DU SUD À L'HONNEUR Si 10% des fruits seulement ont la taille requise pour prétendre devenir le saint des saints, c’est qu’il y en a, des étapes, avant de finir minutieusement rangé dans un écrin doré ! Dans le bâtiment ultra-moderne qu’est désormais la confiserie Sabaton, à quatre kilomètres du petit atelier d’origine, un nouveau site créé en 2019 est dédié à la réception quotidienne des châtaignes d’Ardèche. « Le réchauffement climatique, qui a des conséquences néfastes sur la météo automnale, donc sur les fruits, impose de réduire les délais de stockage , commente Christophe Sabaton. Les fruits se dégradent plus rapidement qu’auparavant. La création du nouvel entrepôt permet de traiter plus confortablement et plus vite les différents lots, notamment ceux sous signe de qualité, AOP et bio. » Quid des marrons italiens, également réputés? « Nous n’avons recours à l’importation que comme alternative, dans les années déficitaires. » Au quotidien, c’est donc la « patate du sud » locale, longtemps restée une nourriture de miséreux, qui est ici transformée en produit de luxe. Pas moins de trente salariées sont préposées à sa métamorphose. DANS LA DENTELLE Première étape : le trempage. Quatre à huit jours sont nécessaires pour éliminer les fruits contaminés par les larves (qui seront donnés à manger aux cochons) et assurer la conservation ultérieure des fruits sains. Ceux-là passent à l'inciseuse mécanique, puis à la vapeur thermique pour assouplir leur peau. À partir de là, tout est 100 % fait main. À commencer par l'épluchage, qui nécessite la présence de dix personnes le long du tapis de tri, armées d'un couteau pointu, pour un travail ultra minutieux. Étape suivante : chaque ouvrière place les fruits deux par deux dans des poches de tulle. Pas n’importe comment : une face plate contre une face bombée, afin d’éviter que les châtaignes ne se collent l’une à l’autre quand elles seront plongées dans le sucre. Les décoller deviendrait alors impossible. S’ensuit la cuisson dans des paniers vissés au fond des autoclaves, puis un bain de 48 heures dans un sirop de sucre vanillé bouillonnant pour imprégner en douceur tout
Une fois pour toutes : marron = châtaigne Qu'on l'appelle châtaigne ou marron, c'est en fait un seul et même fruit comestible : celui du châtaignier. Pourquoi porte-t-il deux noms? La différence tient à sa taille et à son histoire. La bogue contient toujours trois fruits. S'ils sont de volume égal, on a coutume de les appeler châtaignes. Si l'un des trois s'est beaucoup développé au détriment des deux autres, on lui donne plutôt le nom de marron, par analogie avec le gros marron d’Inde de nos cours d’école (attention à ne pas les confondre : ceux-là ne sont absolument pas comestibles). L'utilisation de ces deux noms pour un même fruit ne date pas d'hier. Le botaniste Olivier de Serres écrivait déjà vers 1600 : « Les chastaignes Sardonnes sont celles qu'on appelle à Lyon marrons. » En clair, lorsque les meilleures châtaignes, un fruit assimilé à une nourriture de pauvres venue d'Ardèche, arrivaient à Lyon – ville bourgeoise – pour y être confits, elles s'ennoblissaient en devenant marrons ! Les confiseurs du XVII e siècle n'allaient tout de même pas envoyer à la cour de Louis XIV, qui en était friand, des châtaignes, fussent-elles glacées. C'est le regain d'intérêt pour le retour à la terre et l'authenticité du produit brut qui ont redonné, ces dernières décennies, sa noblesse à la châtaigne mal-aimée.
peuvent être débarrassés de leur enveloppe de tulle, et séparés. C’est fini ? « Ah non, sourit Christian, là, vous n’avez que des marrons confits ! » Beaucoup d'entre eux sont vendus tels que aux professionnels. Reste encore à glacer les plus beaux rescapés en les passant sous un sirop de sucre de canne bio et à les sécher au four pour fixer leur brillance. « À l’atelier, c’est une minute trente à 150 °C. Mais petit conseil si vous souhaitez vous lancer à la maison (bon courage !) : avec du matériel non
ce petit monde. Compter un impressionnant bouquet de 1,2 kg de gousses de vanille pour 500 kg de marrons ! « Au fil des heures, le sirop devient de plus en plus concentré et pénètre au cœur des fruits », détaille Christophe Sabaton. Encore une semaine à patienter dans le sirop de confisage à température ambiante « pour que le goût de sucre soit parfaitement équilibré par rapport à celui dumarron : ni trop, ni trop peu » , puis le lent séchage pour laisser les gouttes de sirop s’écouler une à une. Enfin, les fruits
Régal hors-série n°20 – novembre décembre 2020 – 79
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