À chacun son menu de fête!

Produit d'exception

faciliter le choix des consommateurs et encadrer les pratiques, le gouvernement espagnol vote une loi qui définit quatre niveaux de qualité dans l’AOP pata negra, représentés par quatre couleurs indiquant la race et le type de pâturage (voir encadré Le pata negra en 4 couleurs ) . La création de la catégorie «cebo de campo» met en valeur une technique d’élevage mixte (céréales et glands), qui n’était pas reconnue jusqu’ici et qui donne aussi de très bons résultats. C’est sur la base de ces nouveaux critères que les industriels français (Labeyrie, Fleury Michon, Aoste…) proposent désormais un jambon ibérique abordable, vendu en grandes surfaces. Grâce à cette loi, le patrimoine génétique du cochon 100 % Ibérico est protégé en même temps que l’écosystème de la dehesa . Les races croisées ont également leur label et le consommateur sait où il met les pieds. Mais si l’étiquette informe, le vrai juge de paix reste le palais.

C’est en Andalousie, au cœur d’une des zones d’élevage historiques du porc ibérique, que nous sommes partis à la rencontre de ces specimens d’exception à 1000 € l’unité. L’hacienda Juan Pedro Domecq, est l’une des maisons les plus réputées pour ses cochons de race 100 % Ibérico depuis 1970. Leur dehesa de 3 000 hectares, située dans la province de Huelva, abrite un élévage de 3 000 têtes. Il faut une bonne vingtaine de minutes de safari à bord d’un solide 4x4 pour apercevoir les premiers cochons. Ils se promènent en bandes, oreilles tombantes et groin devant, noirs de la tête aux pattes jusqu’au sabot, d’où le nom de la race « pata negra » (patte noire). Dans ce paysage protégé à l’herbe moussue, on entend la drôle de mélopée à deux tons du porquero qui les guide d’une pâture à l’autre. La bête, habituée à l’homme, reste sauvage. Pas envie de se trouver seul, nez à nez avec son groin… TEMPLES DU JAMBON Restent quelques étapes cruciales qui feront de ces cochons des pata negra d’exception. L’abattage des bêtes, le profilage des jambons avec la couenne taillée en V typique des jambons ibériques, la salaison en usine avec du sel de mer, à laquelle se mêle une certaine proportion de sel recyclé aux arômes de jambon… jusqu’à l’étape finale du séchage dans les secaderos (caves d’affinage, ci-contre). Dans ces temples au parfum entêtant,

le séchage est entièrement naturel et le degré d’hygrométrie se règle en ouvrant et en refermant les fenêtres… L’affinage est un art qui repose sur tous les sens : la vue, le toucher, l’odorat et même l’ouïe. Pour savoir si le jambon est prêt, le maître affineur tâte les creux et les bosses et fait sonner les chairs. Un son de tambour signale que ça commence à fermenter à l’intérieur. Le bon jambon doit sonner mat. Lorsqu’il est prêt, une dernière vérification s’impose. L’affineur utilise la cala , un os de vache en forme de grosse aiguille, il pique le jambon en quatre points précis et hume la pointe. Le degré de maturation a un parfum… Selon la taille de la pièce, l’affinage peut varier de trois à cinq ans. une timide percée dans les années 2000 avec l’ouverture d’un comptoir Bellota-Bellota à Boulogne-Billancourt. La marque française était la première à commercialiser auprès des chefs et d’un public averti le meilleur du jambon ibérique. D’autres acteurs sont arrivés ensuite sur le marché français, en particulier l’iconique Cinco Jotas, la maison espagnole fondée en 1879, à l’origine de la sauvegarde de la race 100 % Ibérico à Jabugo. L’année 2014 marque un tournant : pour À LA CONQUÊTE DES CONSOMMATEURS En France, le pata negra a commencé

Kesako ? MONTANERA : la glandée, période de maturité des glands. La qualité et la durée de la production varie selon les années. BELLOTA : « gland », en espagnol, devenu à tort synonyme de pata negra. DEHESA : vaste pâture où poussent les chênes, lieu d’élevage des cochons ibériques. JABUGO : ville d’Andalousie réputée pour la qualité de ses jambons (berceau de Cinco Jotas). JAMÓN : jambon en espagnol. MAESTROCORTADOR : professionnel de la découpe du jambon.

© CINCO JOTAS

Régal hors-série n°20 – novembre décembre 2020 – 41

Made with FlippingBook PDF to HTML5