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Je suis tombé follement amoureux, d’un amour filial qui me procurait un sentiment d’invulnérabilité. Jacques, papa de Joseph, 6 ans.

J ’ai vécu la grossesse de ma conjointe à 100%. On peut dire que je suis de ces hommes qui font une couvade. Je vivais à son rythme, je mangeais comme elle… Je me sentais en symbiose, en lien avec mon fils dès le départ, que j’avais réussi à consolider grâce à l’hap- tonomie. J’entrais en communication avec lui et lui chantais toujours la même comptine chaque jour. D’ailleurs, à la naissance de Joseph, je me suis retrouvé avec cette petite chose toute rouge criant dansmes bras etma première réaction a été de chanter à nouveau. Il s’est automatiquement apaisé et a ouvert les yeux pour la première fois. On avait créé notre lien. Encore aujourd’hui, j’ai envie de pleurer quand je raconte cette histoire tant l’émotion était forte. Cette magie au premier coup d’œil m’a projeté dans une bulle d’amour. Je suis tombé follement amoureux, mais d’un amour que je ne connaissais pas avant, différent de celui que j’ai pour ma conjointe; d’un amour filial qui me procurait un sentiment d’invulnérabilité. Je ne pouvais pas le quitter des yeux. Rapidement, je me suis rendu compte autour de moi que les autres papas tenaient leurs bébés d’une main et pianotaient sur leur smartphone de l’autre. Çam’a profondément choqué et pourtant je suis relative- ment accro à mon portable, mais là, pour le coup, j’étais totalement déconnecté ou plutôt totale- ment connecté à LUI. Elle a eu une énorme poussée de tension, notre enfant était en danger et elle aussi. J’ai eu peur de les perdre tous les deux. À un moment, je me suis senti perdre connaissance, jeme suis assis dans un coinpour reprendremes esprits et j’ysuis retourné. J’étaisfocalisésurlemonitoring,àl’affûtdumoindre signeet j’ai coachéAnna jusqu’àcequeJosephsorte. Jeme souviens de la sage-femme qui a appuyé sur sonventreet de lapressionautourdenous: il fallait qu’il naisse rapidement. Après tout ce stress, la L’accouchement a été vraiment éprouvant pour Anna et le petit.

tension est retombée… Côté ambiance et lumière, comme je suis éclairagiste sur des tournages de cinéma, pourmoi la lumière a une importance pri- mordiale. Je ne concevais pas que mon fils naisse sous la lueur froide des néons. J’avais installé des guirlandes pour donner une atmosphère plus cha- leureuse, c’était magique. J’en ai mis aussi dans la chambre à la maternité et les infirmières nous disaient qu’elles ne voulaient plus partir tellement l’ambiance était feutrée, détendue. Joseph aimait regarder ces petites lumières, ça le calmait. Par contre, je n’ai pas du tout apprécié qu’à la nuit venue, onme dise de partir. Commentm’arracheràcecoconalorsquetoutétait d’une si forte intensité? J’ai protesté et on m’a dit que si jedormais sur le fauteuil àcôtédu lit et que je tombaisparmégarde, l’hôpital n’étaitpasassuré. Je nesaispas cequim’aprisparceque jenesuispasdu genreàmentir,mais faceà cette situationsi injuste, j’ai dit que j’étais reporter de guerre et que dormir sur un fauteuil, j‘en avais vu d’autres. Rien n’y a fait et j’ai bien compris que c’était peine perdue. Je suis parti, déçu et penaud quand une femme m’a ac- costé dans le couloir. Un couple demamans venait d’avoir unbébé à côtédenous et l’uned’ellesm’adit m’avoir entendu, qu’elle était elle aussi reporter de guerre et voulait savoir dans quelle agence je tra- vaillais. Je lui ai avouémonmensonge et ona rigolé ensemble avant de quitter l’hôpital. Je connais des hommes qui m’ont confié avoir été très impressionnés par l’accouchement de leur conjointe, voire un peu dégoûtés. Et qu’ils auraient du mal à la regarder comme “avant”. Ça me semble incroyable. Moi j’ai l’impression que ça nous a soudés encore plus, qu’on a livré ensemble une incroyable bataille dont on est sortis plus forts et plus amoureux. On aime d’ail- leurs raconter à notre fils de 6 ans aujourd’hui l’histoire de sa naissance, de cet accouchement, dont est né cet amour éternel. » PROPOSRECUEILLISPARDOROTHÉESAADA

PARENTS Décembre 2020 37

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