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CONSULTATION EXPRESS

Je ne jette jamais rien

Faire place nette peut être un crève-cœur ! Si on n’est pas tous atteints de syllogomanie, ce trouble d’accumulation compulsive, on peut vraiment avoir du mal à jeter.

des décisions et le lien sentimental aux objets. À l’origine, les conserver peut avoir du sens – comme se laver les mains pour éviter la contagion. Puis, peu à peu, on va répéter ce comportement qui fait du bien, dans des circonstances qui ne sont plus adaptées. C’est alors qu’on parle de réaction compulsive : on ne peut pas s’empêcher de garder – comme de se laver les mains. » L’accumulation vient combler un vide. « C’est apaiser deux peurs fondamentales. D’abord, celle de manquer de contrôle : plus on a, plus on maîtrise, du moins on en a l’illusion. Et puis, l’angoisse de mort : l’objet est immuable, le conserver suspend le temps. Le souci vient des conséquences que la thésaurisation engendre : les relations peuvent se tendre, la maison est envahie, un sentiment de honte surgit. » Quand on est à ce point encombré, il devient nécessaire de se libérer de ses peurs, pour retrouver une forme de liberté. Peut-on apprendre à jeter sans paniquer ? Pour Lionel Dantin, une thérapie compor­ tementale et cognitive peut aider chacun à libérer son espace physique et psychique. « Il s’agira de travailler sur les pensées toxiques qui sont à l’origine des trois comportements inadaptés : l’acquisition des objets, l’incapacité à les trier, et la difficulté à s’en défaire. Je propose à mes patients de commencer par le tri, moins anxiogène, en classant par exemple ses magazines (selon la date de parution, la thématique…) ou ses vêtements (les pièces que l’on aime, celles qui peuvent servir…). Cette réorganisation a un effet de distraction (la personne est trop occupée pour acquérir) et de changement de perception (nécessaire à la séparation ultérieure). » Encombrer sa maison, c’est s’encombrer soi ?

Notre expert

AURORE AIMELET

D’où vient la difficulté à se séparer de certains objets ? « C’est essentiellement la valeur sentimentale que l’on accorde aux objets qui empêche de les jeter, de les vendre ou de les donner, explique le Dr Lionel Dantin. Ils ont un sens pour chacun, symbolisent un souvenir, un lien affectif ou encore son existence. Tout le monde est un peu collectionneur dans l’âme, même si certains sombrent dans la “syllogomanie”, la thésaurisation pathologique, voire le syndrome de Diogène, qui engendre par ailleurs une négligence de l’hygiène corporelle. » Qu’est-ce qu’on accumule le plus ? Pourquoi ? Très souvent, on garde des magazines, des livres, des brochures, mais aussi des sacs, des vieux vêtements, son courrier, ou de la nourriture. « À la différence de la collection, motivée par la recherche du plaisir et la valorisation de l’objet, ce collectionnisme vise à éloigner des émotions négatives, liées à des croyances limitantes : ″On ne sait jamais, ça peut servir″, ″Ce n’est pas bien de gaspiller″. » En conservant, on évite de ressentir la peur, la culpabilité ou la tristesse.

Dr Lionel Dantin psychiatre, spécialiste des troubles obsessionnels compulsifs

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Dr Lionel Dantin, éditions In Press, 11,90 €.

GUILLAUME LAURENT

135 SANTÉ MAGAZINE I avril 2020

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