REGAL 116
82 RÉGAL EN BOUTEILLES
NOVEMBRE DÉCEMBRE 2023 RÉGAL N° 116 www.regal.fr
Avec le dérèglement climatique, la Champagne est à un tournant de son histoire. En s'y adaptant rapidement et en optant pour des pratiques durables, elle pourrait même en tirer parti ! PAR SÉBASTIEN DURAND-VIEL Un champagne toujours plus vert
© ANGELO CHIARIELLO / ADOBE STOCK
acides. Le champagne tel qu’on le connaît, vif, léger, stimulant, serait-il en sursis ? « Non, assure Florent Collet, on a de la marge. Notre climat tend à s’aligner sur celui du nord de la Bourgogne, on conserve de belles acidités. » Ce supplément de soleil est même le bienvenu dans une région où faire mûrir le raisin n’avait rien d’une évidence. « Le réchauffement proprement dit, c’est plutôt une bonne chose pour la qualité de nos vins », ajoute Hugo Drappier, le fils de Michel. Vigneron dans l’Aube, Michel Jacob (Champagne Serge Mathieu) ne dit pas autre chose : « C’est bénéfique pour l'équilibre du raisin, mais aussi pour les récoltes. On a de meilleures floraisons depuis 10 ou 15 ans. On arrive à faire des récoltes exceptionnelles. » Des champagnes meilleurs ? Au passage, les champagnes s'améliorent ils ? Difficile de généraliser, mais des raisins plus mûrs ce sont, en moyenne,
À quelques jours des vendanges, Florent Collet inspecte ses rangs de pinot noir, goûte ses raisins, peste contre une nuée de drosophiles. Quelques grappes sont atteintes de maladies mais la vigne a belle allure. « On y travaille toute l’année » , souligne le vigneron, avant de s’extasier sur la taille phénoménale des grappes (220 g en moyenne en Champagne, un record !). « C’est une année compliquée mais généreuse, il faut que ça tienne jusqu’à vendredi. » Ce qui devrait être le cas : le ciel est azur, le thermomètre est bien calé sur les 27 °C et devrait allègrement dépasser les 30 °C toute la semaine. Début septembre, entre Épernay et Troyes, ça n’est pas exactement la norme. Mais la norme climatique, cette génération de vignerons ne sait pas trop ce que c’est. « J’ai rejoint le domaine familial en 2010, on était déjà dans l’époque du réchauffement, donc je n’ai pas le recul du passé. » Ce qui n’est pas le cas de Michel Drappier, 65 ans, à la tête de la maison éponyme située dans
l’Aube. « En 49 vendanges, je n’ai jamais connu des températures aussi élevées en septembre. » Même son de cloche chez David Pehu dans la Montagne de Reims : « C’est du jamais-vu. » C’est là l’une des formes que revêt le changement climatique. Vigneron en Champagne, il faudrait être sacrément gonflé pour se dire climatosceptique : les changements sont évidents, rapides. Les vertus du réchauffement Un marqueur est spectaculaire : les dates Roffiaen les a étudiées : « On a gagné près de 28 jours par rapport à la décennie 1980, et ça s’accélère. Les raisins que l'on cueillait dans les années 90 et 2 000 ne sont plus du tout ceux que l'on a aujourd'hui. » On vendange désormais volontiers fin août-début septembre, et ça n’est pas sans conséquence : des étés plus chauds, ce sont des fruits plus vite sucrés, moins de vendanges. Chef de cave des champagnes Feuillatte, Guillaume
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