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www.regal.fr RÉGAL N° 116 NOVEMBRE DÉCEMBRE 2023

FUMEUR ET BRASSEUR Peter Curtin est une légende à Lisdoonvarna. Son pub, The Roadside Tavern , est dans la famille depuis 1865. C’est un haut lieu de la musique traditionnelle irlandaise. La bière issue de sa propre brasserie y coule à flots. On y mange le saumon fumé de sa production dans des plats simples de taverne.

fumer des saumons dans un petit village dans l’ouest d’un pays où tout m’était étranger. J’étais jeune, folle et amoureuse. » Ainsi va

les traits affirmés, un sourire franc et des yeux hésitant entre le bleu et le vert. Le maître fumeur, puisque tel est son titre, explique que la méthode emprunte à la technique scandinave d’un fumage à froid (comprendre selon une chaleur douce). Ce faisant, la fumée du bois n’écrase pas le goût originel de la chair du saumon. DES SAINT-JACQUES AU BOUDIN NOIR Sur les hauteurs de Lisdoonvarna, l’ambiance change radicalement au Sheddy’s Hotel . Dans la salle à manger, des groupes de voyageurs sont installés et, d’une table à l’autre, on échange les souvenirs de la journée. Les parquets cirés de la maison victorienne, les nappes blanches immaculées, un service affable et attentionné évoquent une pension de famille comme savait les décrire Agatha Christie dans son cher Devon. Mais la comparaison s’arrêtera là au risque de fâcher nos hôteliers irlandais, toujours prompts, en souvenir du passé, à se démarquer en tout point de leurs voisins britanniques. Le pain dans la corbeille exhale des parfums de levain et, dans l’assiette, la cohabitation audacieuse des noix de saint jacques poêlées dans du beurre et des tranches de boudin noir agréablement poivrées, sonne comme une évidence. L’auteur de ce plat est John Sheedy , dont la famille possède

l’Irlande quand le voyage débute à Lisdoonvarna. LA FIN DES SAUMONS SAUVAGES ?

Une petite route en pente raide conduit à la fumaison de Birgitta et Peter. Le méandre des normes sanitaires européennes ne laisse aucune chance à la magie du décor. Les poissons sont salés dans une salle aussi enthousiasmante qu’un bloc opératoire. « J’ai commencé dans ma cuisine, raconte Birgitta. C’était l’appel du pays, la nostalgie de la Suède. Quand j’étais jeune, je pêchais l’anguille et le maquereau avec mon père et après on les fumait. » Salaison et fumaison sont les deux mamelles de la Scandinavie. Peter a, de son côté, le pied marin. Il a un bateau et il pêche. Mais depuis que les saumons sauvages se font aussi rares dans les eaux irlandaises que les esturgeons dans la mer Caspienne, les Curtin fument des poissons d’élevage. « Ils sont bio et bien nourris », précise Birgitta en empoignant un sujet d’au moins quatre kilos, « il n’y a pas mieux que les eaux turbulentes et pures de la baie de Galway pour les faire grossir. » Derrière les fumoirs, Mark Flynn alimente le four en sciure de bois. Son visage rougi par la chaleur est une carte postale de l’Irlande :

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