PARENTS LCL
« Arrête de pleurer, t’es vilaine (ou t’es méchante) ! »
« Regarde ta sœur, elle y arrive, elle ! »
A lors qu’elle pleure, la petite fille entend « tu pourrais bien nous fiche la paix » et l’enfant se ressent comme un gêneur. Il voit qu’il n’est pas le bienvenu dans sesmanifestations d’enfance, qu’il ne répond pas aux attentes de ses parents.Même s’il ne parle pas encore, il comprend l’aspect négatif de ces paroles. Dites plutôt… « Je comprends que tu pleures parce que tu es fatiguée…» C ette phrase révèle un problème de temporalité. On devrait essayer de laisser à l’enfant le temps de l’expérience. Et pour le laisser faire ses expériences, on devrait s’organiser avec son rythme, même si c’est difficile car on est pressé ou impatient. Cette phrase lui dit aussi qu’il n’a pas les capacités de faire par lui-même. Dites plutôt… « Tu pourras continuer ton jeu de construction ce soir (ou après le repas). »
C ette comparaison sur unplannégatif suggèreque le but à atteindre est d’être comme l’autre, aussi bienque l’autre. Or, l’enfant est unique. Si par exemplemême tout petit, il n’aimepas lire, onpeut l’encourager endisant «ok, je sais que la lecturen’est vraiment pas ton “truc”,mais tout à l’heure, onva faireunepetitepagede lecture ensemble ». Ainsi on l’aprévenuet onpartagera cemoment avec lui. Dites plutôt... « Tout à l’heure, on pourra lire (ou dessiner) ensemble. »
« Laisse, je vais le faire à ta place ! »
« Oh lala, tu manges comme un cochon ! »
C ettephrase exprime l’idéequ’onveut quenotre enfant soit tout de suiteperformant, sans passer par le stadedu “mal faire”. Le fait que l’enfant soit “parfait”, se tiennebien, parlebien…c’est ceque les psys appellent une “nourriturenarcissique” pour leparent. Surtout actuellement, où lapression scolaire, sociale est très forte! Dites plutôt… « Tu peux prendre tout ton temps pour attraper et approcher la cuillère de ta bouche. »
« Tu as l’air de quoi, coiffé, habillé ou barbouillé comme ça ? »
À l’âgedes grandes questions (pourquoi, comment on fait les bébés…) le tout-petit fait des récits sur cequ’il croit comprendre dumonde. C’est loind’être raisonné et raisonnablemais aucontraire très imaginaire, surprenant! Il est important de le laisser quitter tout doucement ses illusions et appréhender la réalité. Bien sûr, il ne s’exprimepas comme l’adulte, mais saparolen’est pas pour autant unebêtise. Onpeut lui dire «Ah bon, tucrois que c’est comme ça… Cen’est pas tout à fait comme ça…» Dites plutôt… « Ce que tu dis me surprend (ou m’amuse) beaucoup! »
« Tu dis toujours des bêtises ! »
L à, il est question de l’image de l’enfant. Si c’est dit avec humour, ça va. S’il s’agit de lui dire qu’il est ridicule, on atteint sa dignité, sa valeur, son image. S’il a fait des taches sur son tee-shirt par exemple (et c’est normal qu’un enfant se tache!), on lui dira plutôt « Je n’ai pas envie que tu sortes comme ça. Que tu sois bien habillé quand tu pars à l’écoleme fait plaisir ». Dites plutôt… « J’aimerais que tu sois bien habillé pour aller à la crèche. »
*Psychologue-psychanalyste, directrice du service PPSP et de son lieu d’accueil “Les Pâtes au Beurre” à Nantes.
SYLVIANE DEYMIÉ
PARENTS Avril 2020 73
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