Les cathédrales de notre histoire
naissance à la chapelle Notre-Dame-Sous-Terre située dans la crypte. L’esprit du monarque ne vagabonde pas si loin. Son regard glisse sans doute sur les éléments d’architecture gothique. Si la première église de Chartres a été éri- gée dès 350 après J.-C., elle a connu plusieurs incendies et maintes reconstructions. Chanoines et évêques avaient à cœur de faire de leur église un lieu prestigieux. La cathédrale que contemple Henri IV a été construite après l’incendie de 1194 sous la direction de l’évêque Renaud de Bar. Elle s’appuie sur le portail occidental monumental préexistant et les fondations de la crypte. La nef est érigée entre 1210 et 1221. Le gros œuvre est achevé en 1225. Les yeux d’Henri IV s’attardent sur le jubé, le portail qui sépare le chœur et la nef, l’espace sacré réservé aux clercs et l’espace ouvert aux profanes. Il a été détruit en 1793 pen- dant la Révolution française. Le souverain n’a certainement pas contemplé la forêt, l’incroyable
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charpente de bois qui soutient la toiture. Celle-ci a brûlé en 1836 et a été remplacée par une struc- ture enmétal. Mais lors de ses prières, Henri IV se soucie peu du patrimoine. Il attend que ses regalia (ornements royaux) soient terminés! La couronne, la main de justice et le sceptre sont à Reims, il faut donc en fabriquer de nouveaux afin que tout soit prêt pour le jour fatidique. « Vive le roi ! » Enfin, le 27 février, Henri, majestueux, pose un genou à terre devant le curé de Saint-Eustache. Benoist est venu de Paris encore favorable aux Guisards pour soutenir son souverain. Le fils de Jeanne de Navarre a remonté la nef aux côtés de ses plus fidèles soutiens. Il a choisi pour pairs laïques Conti-Soissons, Montpensier, Luxembourg-Piney, Retz et Ventadour. Le conné- table de Montmorency a l’honneur de le précéder, l’épée hors du fourreau. Pour les pairs ecclésias- tiques, Henri a distingué les évêques ralliés à sa cause : ceux de Chartres, Nantes, Maillezais, Orléans, Angers et Digne. Assise dans la tribune, Gabrielle d’Estrées frémit d’aise. Elle est la favo- rite de l’homme le plus puissant du royaume mais déjà son amant disparaît de sa vue. Le sacre aura lieu derrière le jubé, sous le regard de Dieu, pas sous ceux des mortels. Lors du sacre, le roi est oint par le contenu de la Sainte Ampoule. Celle-ci renferme un mélange d’huiles sacrées et de saint chrême, une résine odorante. Hélas, le récipient est conservé à l’abbaye de Reims. Pour l’occasion, les acolytes d’Henri IV sont allés quérir la Sainte Ampoule de Marmoutier. Le petit vase de verre (disparu en 1792 lors de la Révolution) contient un baume rougeâtre d’origine céleste utilisé jadis par saint Martin. Avant le coucher du soleil, en ce jour d’hiver 1594, Henri IV ressort de la cathédrale de Chartres officiellement roi de France. Son sacre est un subtil mélange d’éléments traditionnels et de petites accommodations destinés à lui donner la légitimité nécessaire pour en finir avec la ligue catholique et restaurer l’unité du royaume.
Le Sacre d’Henri IV à Chartres, le 27 février 1594, par l’évêque de Nicolas de Thou (1614), peinture anonyme. À l’intérieur du chœur, le maître-autel monumental en marbre (1772) sculpté par Charles- Antoine Bridan représente l’Assomption de la Vierge Marie.
Patrick Forget / Sagaphoto
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