Les cathédrales de notre histoire

nouvelle fois ses traits à saint Thomas (un apôtre incarnant l’incrédulité religieuse). Il reconstitue la galerie des rois avec l’aide du sculpteur et orfèvre Geoffroy-Dechaume. Ce dernier exécutera égale- ment le bestiaire, en pierre ou en plomb, d’après les dessins dumaître. Viollet-le-Duc est tellement pointilleux sur l’âge d’or à retrouver qu’il annule, en ce qui concerne les fenêtres supérieures, cer- taines modifications trop modernes à son goût, car datant de… 1225, pour revenir à l’état de la fin du xii e siècle! Dressez haut la flèche maîtresse On oublie un peu trop que Viollet-le-Duc n’a pas été le seul artisan à dresser haut la flèche dans le ciel de Paris. Il a su s’entourer de deux maîtres- charpentiers de grand talent. Le premier a été l’entrepreneur du chantier, Auguste Bellu, dont la réputation dans l’art de concevoir des écha- faudages était reconnue de tous les architectes et maîtres d’œuvre. Le second était son « gâcheur » (chef de chantier) : Henri Georges dit Angevin, l’en- fant du Génie, compagnon du Devoir de Liberté. Les compères ont à leur tableau d’honneur les flèches de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, de la Sainte-Chapelle et du Mont-Saint-Michel ! Celle de Notre-Dame de Paris propulse ses tonnes de plomb et de cuivre martelé à 96 mètres de hauteur. Dévorée par les flammes lors du dra- matique incendie dont a été victime Notre-Dame les 15 et 16 avril 2019, la cathédrale est à nou- veau orpheline de sa flèche. Quand renaîtra-t- elle de ses cendres? Sera-t-elle une réplique à l’identique du chef-d’œuvre de Viollet-le-Duc et de maître Bellu…

Flèche de Notre-Dame de Paris, 1862, photographie de Charles Marville (1813- 1879). Ce chef-d’œuvre de charpente a été construit en 1859 sous la direction du compagnon Georges dit l’Angevin (1812-1887).

LA CATHÉDRALE D’AMIENS, LE « PARTHÉNON FRANÇAIS » Pour Viollet-le-Duc, Notre-Dame d’Amiens n’était autre que le « Parthénon français ». Par ses dimensions, son élévation, son caractère aérien, elle synthétise pour lui l’âge d’or de ces édifices. Elle date pour l’essentiel de la première moitié du xiii e siècle, son époque fétiche, celle du gothique primitif. Engagé sur sa restauration pendant vingt- cinq ans, de 1849 à 1874, il en accentue les caractères distinctifs. Sous le regard sourcilleux de la société savante locale, il multiplie les motifs trilobés, les arcs en ogive, les frises végétales, notamment dans la galerie dite des Sonneurs. Ce n’est pas la cathédrale idéale telle que la concevait l’architecte: il aurait aimé profusion de pinacles et statues, et non moins de sept flèches!

Charles Marville / Vergue

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