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I L L E - E T - V I L A I N E

telle sorte que l’intra-muros semble tout droit sorti

du

xvii

e

siècle. Mais s’il bénéfcie aujourd’hui d’une

pareille aura, Saint-Malo le doit moins à son passé

prestigieux qu’à la façon dont elle entretient cet état

d’esprit tourné vers le grand large, l’aventure et la

découverte. En témoignent des événements embléma-

tiques tels la Route du Rhum (course transatlantique

en solitaire) et les festivals consacrés à la littérature

de voyage (Étonnants Voyageurs) ou à la bande dessi-

née (Quai des Bulles). Pour leur atmosphère tonique,

pour ne pas dire «décoifante», ces derniers se sont

placés d’emblée en tête des rendez-vous d’écrivains

à ne surtout pas manquer, drainant par là même des

foules de lecteurs passionnés.

Une excursion efectuée en 1890 entre Saint-Malo et

Cancale inspira, dit-on, l’appellation Côte d’Émeraude

au Malouin Eugène Herpin, avocat et auteur proli-

fque de monographies consacrées à son pays natal.

Les plages qui s’y succèdent, bien abritées des vents

d’ouest par des pointes escarpées, sont autant de

trésors de la nature. Et leur charme ne s’arrête pas à

leur beauté, car chacune d’entre elles a son anecdote

à raconter. Ainsi Rothéneuf et les rochers sculptés par

l’abbé Fouré dans les années 1900. Curieuse histoire

que celle de ce curé qui, afigé de surdité, trompa

sa solitude en composant dans le granit, au marteau

et au burin, l’épopée de la famille Rothéneuf et les

voyages de Jacques Cartier, entre autres... Depuis,

l’érosion, le vandalisme et le piétinement des visi-

teurs ont eu raison de la plupart de ces fresques

d’autant plus hallucinantes qu’elles étaient à l’ori-

gine peintes de couleurs vives. Mais impossible de

ne pas céder à une petite émotion lorsque, au détour

du chemin des douaniers au sommet de la falaise,

vous découvrez ce chevalier représenté en gisant,

au pied d’un calvaire…

Roz Ven, cette propriété

où Colette écrivit

Le Blé en herbe

Au pied de la pointe du Meinga, la Touesse

est une immense plage de sable doré au pied des

dunes. À son extrémité, là où le sentier des doua-

niers monte vers la pointe des Grands Nez, le par-

fum des tamaris se mêle à la senteur balsamique

qui exhale des grands pins de Roz Ven. C’est dans

cette élégante propriété que Colette écrivit son sul-

fureux roman

Le Blé en herbe.

Et un nouvel instant d’émotion attend le promeneur

de l’autre côté de la pointe, lorsque au large d’une

autre longue plage apparaissent l’îlot Du Guesclin

et sa villa. Léo Ferré y passa de nombreux étés,

et en marchant sur la plage au ras des vagues, on

se surprend à fredonner les paroles de

La marée…

Curieuse histoire que

celle de ce curé qui,

afigé de surdité, trompa

sa solitude en composant

dans le granit, au

marteau et au burin,

l’épopée de la famille

Rothéneuf et les voyages

de Jacques Cartier.