Echappées Belles - Un été dans les Alpes

Cheminée jaune et noire, coque profilée, moteur à vapeur actionnant une roue à aubes, chadburn (transmetteur d’ordres) en cuivre: bienvenue à bord de La Suisse! Construite en 1909 par le chantier Sulzer Frères, à Winterthur, elle a été rénovée avec soin pour son centenaire.

marqueteries nickels, salon première classe grand confort, parquets cirés et cuivres lus- trés. Dès 1910, ce bateau-ami- ral propre comme un sou neuf embarquait déjà l’aristocratie locale. « Et les passagers d’au- jourd’hui revivent les traversées qu’ ils ont connues lorsqu’ ils n’étaient que des enfants », éclaire le caissier de bord, en fonction depuis plus d’une quinzaine d’années. Avant-guerre, rejoindre Thonon par la route depuis Lausanne relevait de l’expédition. Le rôle des bateaux sur le Léman s’avé- rait alors vital. Depuis la timonerie (qui abrite les appareils de navigation), où le capitaine français Alex Beauval nous a convié, le paysage non plus n’a pas beaucoup changé. Sur la rive française, le village de Meillerie se découvre bientôt, dominé par les mon- tagnes du Chablais. Un cas, ce village. La pierre de ses carrières, transportée naguère sur des barges à voile, a servi à construire Genève. On prétend éga- lement que c’est la seule commune de France où, lorsqu’un chasseur rate un chamois, sa balle risque fort de frap- per une mouette… À côté, c’est Saint- Gingolph, un bourg poste-frontière aux maisons claires, tapi sur la berge, au pied de versants boisés. Un pont sur la Morge signale la « Douane », tandis qu’un train régional, à l’arrêt, siglé d’une double flèche blanche sur fond rouge, confirme si besoin de quel côté se trouve la Suisse…

un œil au Musée olympique, consacré à l’Histoire des Jeux, que La Suisse s’annonce à grand renfort de sirène. À lui seul, ce bateau est un voyage dans le voyage. Magnifique vapeur cente- naire, restauré au détail près comme seuls les Helvétiques savent le faire, La Suisse se visite comme un musée de la Marine. Machinerie et vérins d’origine huilés au poil, boiseries et

emplois plus précaires dans le com- merce ou la restauration. Les salaires sont confortables certes, mais l’inté- gration est parfois difficile, entend-on dire du côté de Thonon-les-Bains. UN VOYAGE DANS LE VOYAGE Moins d’une heure plus tard, nous arrivons à Lausanne, où il faut chan- ger de navire. À peine le temps de jeter Joseph Di Mizio, pilote. À l’approche de l’escale à Chillon, le capitaine Alex Beauval prendra la barre pour faire une « nagée », une sorte de dérapage contrôlé qui place le navire exactement là où il faut, au juste moment.

Hors-série / Détours en France / www.detoursenfrance.fr