Echappées Belles - La Côte Atlantique
L A M E R À L’ É TAT B R U T V U E P A R … I SMAËL KHEL I FA
C’était un soir de février, à l’orée du xxi e siècle, au large des Sables-d’Olonne. Vincent Riou, marin au long cours, remportait le Vendée Globe devant une nuée de bateaux, qui poursuivaient son embarcation comme un essaim d’abeilles frénétiques. J’avais la chance d’en être. Nous accompagnions le héros du jour dans un déluge d’émotions électriques, écrasés par le bruit assourdissant des cris, des moteurs, des sirènes hurlantes. Je me souviens de l’instant précis où nous avons vu la voile de son monocoque trancher le noir de la nuit. Quelle image puissante ! Près de trois mois après son départ, il revenait à terre, les yeux sans doute chargés d’une beauté, d’une expérience, qu’il était le seul à pouvoir comprendre. Cet homme avait eu la chance de croiser sur sa route tant de contrées où il était l’unique être humain présent. Que ressent-on lorsque la foule idolâtre vous entoure de sa chaleur, de son envie de vous toucher, de vous serrer dans ses bras, après tant de jours en solitaire ? Je me souviens qu’il montrait une joie intense doublée
par les embruns et par la sensation de réaliser quelque chose par moi-même. Avec, toujours cette simplicité si bien partagée dans le monde de la course au large. Quelle belle philosophie de vie nous livraient-ils ! Je vous conseille fortement de vous rendre hors saison dans les petites villes côtières de l’Atlantique. Quel bonheur de marcher sur la bande côtière. S’asseoir sur un banc face à l’océan. Écouter le ressac lancinant et le cri des mouettes, admirer le ciel changeant et les voiliers au large, sentir le sable froid sous ses pieds et noyer son regard dans cet océan que rien n’entrave… On comprend mieux, dans ce décor spectaculaire, comment cette partie de notre pays peut produire autant de voyageurs au long cours. Il faut écouter les gens parler dans les bistrots, sur les marchés ou sur les promenades en bord de mer. Sortir un livre de Bernard Moitessier et se plonger dans le lointain. Je fais le pari qu’après une telle expérience, vous aussi, vous aurez envie, peut-être malgré vous, de devenir
d’une pudeur qu’on imagine propre aux marins, lorsqu’on grandit loin du littoral. Cette façon d’être alimente le mythe de ces femmes et hommes amoureux d’un océan grandiose, qui leur donne pourtant si souvent du fil à retordre. C’est en tout cas la façon romantique dont je percevais les gens de mer, dans mon imaginaire bercé par Thalassa et Georges Pernoud, grand-messe du vendredi soir que mes parents et moi ne rations jamais. Cette fenêtre ouverte sur l’océan, qui nous faisait En ce jour d’arrivée du Vendée Globe, j’étais âgé de 26 ans. Je commençais seulement ma vie de voyageur. Pour moi, cette rencontre avec le monde des marins fut une source d’inspiration décisive. Je ne partageais pas leur goût de l’aventure solitaire. J’aime trop échanger et partager mes émotions dans l’instant pour voyager seul ! Je n’étais pas fasciné par leur capacité à braver le danger. Je savais déjà que j’en étais incapable et que cette adrénaline-là n’était pas mienne. Mais je me sentais empli du même désir de lointain, de cette volonté d’aller voir ce qui se cache derrière la ligne d’horizon, de me sentir pleinement exister, fouetté rêver autant qu’il nous paraissait inaccessible.
marin. Pas forcément de prendre la mer mais
d’épouser l’esprit de voyage, de découverte et la force de caractère des gens d’ici.
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