CA Mag n°175 - octobre 2022

Des territoires à l’Europe Pour Pierre Sabatier, économiste et entrepreneur, la réconciliation entre l’économie et la transition écologique est notamment affaire de géographie. En faisant cohabiter global et local, les territoires ont de nombreuses solutions à offrir, à condition d’être attractifs en étant bien connectés, en maintenant des écoles, en rénovant des logements anciens et en développant une politique de l’esthétique… Alors ils favoriseront l’emploi privé tout en offrant des conditions de vie agréables. Comment l’Europe, en 2050, avec ses 500 millions d’habitants sur les 10 milliards dans le monde, pourrait-elle encore avoir de l’influence? Face à la pression démographique des pays en développement et au poids économique en baisse de ceux de l’Europe, Enrico Letta, ancien président du Conseil italien, ne voit qu’une issue: une Europe unie par la coopération. La crise énergétique, conséquence de la guerre en Ukraine, est une opportunité pour tendre vers cet objectif au nom de la solidarité, de la décarbonation et de l’indépendance. Il faut une transition juste, au risque de générer des conflits sociaux à la manière des «gilets jaunes». Comment atteindre la neutralité carbone en 2050? En pensant autrement, répond Geneviève Férone, vice-présidente de The Shift Project. C’est pourtant un scénario «mission impossible» qui est écrit pour les agriculteurs, avec des logiques paradoxales. Trois dimensions interagissent : anticiper et prévenir ; changer les modèles et repenser les filières ; compenser. Elle livre ses convictions vis-à-vis des «soldats du climat», selon l’expression de l’ancien ministre de l’Agriculture et de l’Ali mentation, Julien Denormandie: en pratiquant une agriculture régénérative, ils peuvent accélérer la transition écologique, tout en étant des pivots des territoires. Alors, quelles solutions? Les présidents des organisations professionnelles agricoles ont fait part, avec passion, des solutions qu’offre l’agriculture pour faire face au changement climatique. Christiane Lambert (FNSEA) a d’abord salué la considération dont bénéficie désormais ce secteur d’activité après la crise sanitaire et le conflit en Ukraine. Grâce à la confiance recouvrée, l’agriculture doit maintenant faire l’objet d’une planification écologique, ce qui suppose une vraie vision. Dans la lutte contre le changement climatique, l’agriculteur est victime, cause et, surtout, solution. Les puits de carbone, l’agrivoltaïsme et la méthanisation valorisent les agriculteurs, développe Sébastien Windsor (président des chambres d’agriculture France) pour qui il est grand temps d’arrêter d’opposer agriculture et environnement. Pour renforcer la résilience, seules des combinaisons de solutions permettront de régler les problèmes de l’exploitation: l’assurance, la génétique, les pratiques culturales, etc. L’investissement devra donc permettre la mise en œuvre de ces solutions tout en prenant en compte le bien-être des exploitants. Ceux-ci devront être accompagnés de manière personnalisée pour retrouver la maîtrise complète de leur exploitation. Une politique ambitieuse passe aussi par la lutte contre l’artificialisation des sols, une gestion renforcée du stockage de l’eau et de l’irrigation. Le changement climatique est pris en compte dans la viabilité de l’exploitation. Pour Samuel Vandaele (alors président de Jeunes Agriculteurs), le diagnostic carbone est le meilleur élément pour parler autonomie, résilience, économie et technique. La promotion de la polyculture et de l’élevage est le modèle le plus durable. Il faut aussi créer l’enjeu de la fierté, car agriculteur c’est, avant tout, un métier de passion. Mais comment demander aux agriculteurs de respecter des normes qui ne le sont pas par d’autres ? Revoir les accords de libre-échange est indispensable afin d’avoir des règles précises qui s’appliquent à tous . Pour leur part, les présidents des composantes (1) de la CNMCCA ont exposé la manière dont leurs entreprises relèvent le défi. Pour Dominique Lefebvre, les injonctions qui sont adressées aux entreprises, et notamment aux banques, obligent à mettre une intelligence supplémentaire dans les projets des clients et d’avoir les expertises nécessaires pour les aider. Reprenant les termes d’Enrico Letta, il n’y a pas d’avenir sans coopération, il faut donc gommer les différences pour faire mieux, ensemble. Faire consensus. n (1) FNCA: Dominique Lefebvre ; La Coopération agricole : Dominique Chargé ; Groupama : Jean-Yves Dagès ; CCMSA: Pascal Cormery.

Je suis convaincuque lemodèlemutualiste et coopératif est trèsmoderne et qu’il reste, auregardde tous les défis et enjeuxqui se dressent devant nous, plus que jamais perfor

mant et adapté. DOMINIQUE LEFEBVRE,

PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION NATIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE ET DE CRÉDIT AGRICOLE SA

19

Crédit Agricole Magazine n°175

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online