À chacun son menu de fête!
Menus classiques C
Grande tradition classique
LE CONTE DE NOËL DE MICHEL GUÉRARD SAVOURER LE GRAIN DE CHAQUE ÉPOQUE
copains et moi, on s'est payé pour Noël un repas de langoustes au restaurant !
Tous au restaurant Je suis né en 1933, alors mes tout premiers souvenirs de Noël sont ceux de cette époque : dans les meilleures années, on avait une orange ; dans les pires, on espérait juste que la guerre se termine et qu'on en sorte vivants. Adolescent, j'ai fait mon apprentissage chez un pâtissier-traiteur à Mantes-la-Jolie. Autant dire qu'à Noël, on travaillait encore plus dur que d'habitude ! L'écrivain Bernard Clavel a décrit très fidèlement cette ambiance dans son roman La Maison des Autres , où il raconte son apprentissage de boulanger. C'était très dur, façon XIX e siècle, mais on apprenait bien. Et surtout, on avait la grande fierté d'être récompensé : après les fêtes, le patron nous emmenait tous déjeuner dans un restaurant deux étoiles. Ces grandes tablées joyeuses, on les vivait comme une noblesse. Échange café contre langouste J'ai fait mes 28 mois de service militaire dans la Marine. Au mess des officiers, à Cherbourg, j'étais chargé entre autres de broyer le café à la main. Il fallait deux kilos de grains pour obtenir un résultat potable… Mais j'ai réussi à mettre la main sur l'un des tout premiers moulins électriques. Soudain, il ne me fallait plus que 200 g pour un résultat nettement meilleur. Alors je suis allé vendre le surplus de grains aux commerçants du coin, et avec l'argent gagné, les
Noëls à thème Mes restaurants ont toujours été ouverts à Noël. Quand j'avais le Pot-au-Feu à Asnières (deux étoiles Michelin), le réalisateur John Frankenheimer et l'acteur-chanteur Danny Kaye sont venus dîner un 24 décembre. C'étaient des fans de jazz, on a fait une sacrée fiesta ! À Eugénie, il y a chaque année un thème à Noël. On a fait «Un Tango en Hiver » avec un orchestre argentin, «Les Jardins du Roy Soleil » l'an dernier… Caviar et tarte aux pommes En famille, nous avons toujours fait le réveillon deux ou trois jours après les autres. C'est moi qui m'en occupe. Le menu est immuable : du caviar que j'affine depuis le mois de mai en retournant les boîtes deux fois par semaine, une côte de bœuf grillée dans la cheminée sur des sarments de vigne, et des frites à la graisse d'oie. Pour le dessert, c'est soit une tarte feuilletée aux pommes rubinette, soit une marquise au chocolat réalisée d'après une recette de ma maman. Dans les verres, c'est d'abord champagne, puis le vin rouge du vignoble que j'ai planté en 1983, et une lichette d'armagnac. On s'arrête juste avant l'ivresse absolue.
© CELINE CLANET
MICHEL GUÉRARD Il est l'homme qui a su concilier les mots manger et maigrir. « Inventeur » de la cuisine minceur en 1974, à Eugénie-les-Bains dans les Landes, il a obtenu trois étoiles coup sur coup en 1975, 1976 et 1977. À 87 ans, ce père heureux travaille avec ses filles dans un lieu magique qui, comme son enthousiasme, n'a pas pris une ride.
6 – Régal hors-série n°20 – novembre décembre 2020
© FOCUSPHOTOART / ISTOCK
Made with FlippingBook PDF to HTML5