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www.regal.fr RÉGAL N° 87 JANVIER FÉVRIER 2019

INSPIRATION DIVINE Liqueur de plantes centenaire, vieillie des décennies dans des foudres gigantesques, la chartreuse, née dans le massif du même nom au pied des Alpes, fait rêver les amateurs du monde entier. Pour les cuisiniers locaux, elle est incontournable. Stéphane Froidevaux, le chef du Fantin-Latour, à Grenoble, (ci-dessus), la célèbre dans une recette de homard sauce à l’orange et chartreuse. Au restaurant L’Ô, à Voiron, Stéphane Goud la propose en profiteroles. Le pâtissier Thierry Court en parfume ses macarons aux noix. Elle est devenue aussi symbolique de la région que le ski, le gratin dauphinois ou Stendhal. Né à Grenoble, l’écrivain décrivait ainsi sa ville : « Au bout de chaque rue, une montagne. » C’était avant l’arrivée du téléphérique !

0 uand je sors un nouveau bonbon de chocolat ou un nouveau gâteau, je mets trois ans à en vendre. Et quand je le retire, on m’en réclame pendant trois ans! » , s’amuse Stéphane Bonnat. Le chocolatier de Voiron, réputé dans le monde entier pour son travail autour des crus de cacao, connaît bien les usages locaux: sa famille est implantée dans le Dauphiné depuis deux siècles. Il sait qu’ici, on observe d’abord, on goûte ensuite. Et on en parle seulement après. Secret mais prometteur, à la façon des noix. «Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix? Qu’est-ce qu’on y voit?» , s’interrogeait déjà Charles Trenet. Le parallèle entre comportements et fleurons régionaux est tentant: le Dauphiné est la première région de l’histoire à avoir obtenu une appellation d’origine contrôlée pour un fruit, la noix de Grenoble, en 1938. L’aire du verger s’étend sur 7000hectares, des frontières de Chambéry aux confins de Valence. Les autochtones ont beau être taiseux dans l’âme, ils en sont sacrément fiers. Mais pas question pour autant de se gargariser de mots compliqués: «Je ne suis pas nuciculteur, je suis paysan», indique paisiblement Bernard Gaillard. Et qu’importe si cet agriculteur ne produit que des noix. Trois tonnes par an, en moyenne. Bonnet rouge enfoncé jusqu’aux yeux bleu azur, il trie en souriant la récolte 2018, « plutôt bonne» , avec l’aide de Samir, ouvrier agricole. Ses 25 hectares de noyeraies sont situés entre Cras et Tullins, un coin décrit par Stendhal, dans Mémoires d’un touriste , comme «une des plus belles vues dumonde, un immense paysage, comparable aux plus riches du Titien. Cette plaine [est] la plus magnifique peut-être dont la France puisse se

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