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124 AILLEURS

JANVIER FÉVRIER 2019 RÉGAL N° 87 www.regal.fr

SUIVEZ LE FIL DES SÔMEN À Nagasaki, les pâtes sont les sômen, à base de farine de blé. Dans la fabrique de Kengo Jinkawa (ci-contre), on se croirait dans une filature. De machine en machine, le pâton originel semble se dérouler en un filament qui s’affine au fil du procédé et se torsade pour acquérir de la résistance. Il est graissé avec de l’huile de camélia. Les pâtes sont suspendues et forment un rideau de fils. Elles sèchent pendant quinze heures. Pour parfaire leur séchage, elles sont vendues au minimum six mois après leur mise en boîtes. À la fin, elles sont taillées sur une longueur de 19 cm. La différence entre sômen et udon? Le diamètre: 1,3 mm pour les premières, 1,7 mm pour les secondes.

secondes. Le marché n’est pas bien achalandé : « Les pêcheurs ne vont pas loin en mer, à cause de la lune, les poissons se terrent ! », explique Takei San, qui n’a pas obtenu de ses caisses de poissons le prix qu’il en espérait. UNE DÉCHIRURE ENCHANTÉE Depuis le sommet des montagnes, à l’aube comme au cré- puscule, Nagasaki est sublime. La lumière trouble atténue les stigmates de la modernité et on pense aux premières pages de Madame Chrysanthème de Pierre Loti, dont la statue est érigée à proximité du sanctuaire de Suwa-Jinja. «Nous entrions maintenant dans une espèce de couloir ombreux, entre deux rangées de très hautes montagnes. [...] On eût dit que ce Japon s'ouvrait devant nous, en une déchirure enchantée, pour nous laisser pénétrer dans son cœur même. » Par la suite, l’écrivain se gausse des «miè- vreries » et des «bizarreries » de ses hôtes du XIX e siècle. Les Japonais le détestent. À Nagasaki, l’histoire est très présente. Dejima, la petite île artificielle transformée en musée dans le port de Nagasaki, a été pendant la période isolationniste d’Edo (de 1 600 à 1 688) le seul point de contact entre l’Occident et le Japon. Certains événements ont marqué la ville au fer rouge : la bombe dont on ne peut pas faire le deuil, la persécution des Chrétiens au XVII e siècle, crucifiés et brulés avant la fermeture du pays.