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www.regal.fr RÉGAL N° 87 JANVIER FÉVRIER 2019

En novembre, les bœufs de Matsusaka paradent. La fête se termine par des enchères qui atteignent jusqu’à 200000 euros pour l’animal gagnant.

LES POIDS LOURD DE MATSUSAKA Le bœuf de Matsusaka, comme celui deTakayama (appellation Hida) ou de Kobe, se caractérise par un marbré de gras jusqu’à l’extrême, et les prix de certains morceaux dépassent 200 euros le kilo! C’est la particularité de la raceTajima commune à tous ces bœufs. Elle est originaire des montagnes de Hyogo. De petite taille, rustique, le pelage noir profond, c’était un animal de trait réservé aux charrettes et au carrosse impérial. À l'époque, les Japonais ne mangeaient pas de viande rouge. En 1868, quand le Japon s’ouvre aumonde, on découpe le bœuf pour satisfaire les occidentaux, et l’on découvre une viande très persillée. L'élevage n’a pourtant rien d’extensif. Les bœufs de Matsusaka ou de Kobe ne s’égayent pas dans les vertes prairies (rares au Japon). Pour que le gras soit d’un blanc quasi immaculé, l’herbe leur est interdite. Le carotène qu’elle contient jaunirait la graisse. Ils sont élevés en stabulation, dans des enclos individuels. «L’important est deveiller à leur bien-être, qu’ils puissent grossir sans stress», expliquent Urata et Nanpei à la foire deMatsusaka où elles ont décroché le premier prix. Les bêtes sont nourries de foin, de blé, de maïs… et de tourteaux! Les veaux acquis auprès de naisseurs de la préfecture de Hyogo sont engraissés pendant 38 à 40mois. Les carcasses seront adjugées selon le poids et la proportion de gras intramusculaire. Ce bœuf particulier ne se déguste qu’en très fines tranches sur le gril au centre de la table ou plongé dans un bouillon, ce que les Japonais appellent s habu-shabu .

a été récoltée à Rausu, le cru préféré des chefs au Japon pour exalter le goût de leur dashi . Le terroir de cette algue d’excep- tion se niche à plus de 1500 kilomètres de Takayama, dans le nord de l’île d’Hokkaido, près de la frontière maritime avec la Russie. À lamesure de l’étendue de l’archipel japonais et il faudra parcourir presque autant de kilomètres vers le Sud- Ouest pour atteindre Nagasaki, l’étape finale de ce voyage, sans encore apercevoir les confins de l’Archipel. UN BŒUF RARE À 200 000 EUROS Changement d’atmosphère à Matsusaka. La ville, parfaite- ment rangée, elle aussi, a sombré dans une modernité pri- vée de tout romantisme. Tout ne semble qu’utilité. N’étaient les petits sanctuaires qui émaillent la cité ou cette maison qui a échappé aux foudres du temps… la tradition résiste ailleurs, dans l’assiette ou dans le geste de Marunaka Hon- ten, un boucher comme on l’entend chez nous, un métier plutôt rare au Japon. Matsusaka partage avec Takayama, la passion du bœuf. En la matière, chaque ville revendique une supériorité sur l’autre, et surtout sur Kobe dont le nom nourrit bien des fantasmes chez les carnivores occiden- taux. Massé pour faire pénétrer le gras, nourri à la bière et pourquoi pas au saké, que n’a-t-on entendu! Giro Toghigi se marre: «Si je les masse, c’est pour que mes vaches aient le poil luisant, plus aguicheur. Et si je leur donne, parfois, de la bière, c’est pour réveiller leur panse fatiguée!» . Àquatre-vingt- cinq ans, l’éleveur court encore comme un gamin. «J’espère bien élever des bœufs jusqu’à la fin. Cela fait soixante-huit ans que cela dure.» Les douces montagnes qui l’entourent n’ont guère changé. Elles sont étagées de terrasses de thé vert et les érables rougeoient quand les sakura (cerisiers) hibernent. Deux femmes se promènent avec une ombrelle. La carte postale serait parfaite sans une maison d’un bleu insolent

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