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se faire plaisir 14

Le jour où… j’ai lancéunclubde lecture Le plaisir de bouquiner se partage. En adhérant à un club littéraire, on lit plus, on lit mieux, on échange et on se fait des amis pas seulement de plume. Par AliceKerguelen U n dimanche soir, dans un café au centre de Paris. Huit participants discutent vigoureusement autour d’un essai sur le “nouveau roman” des années

réunion, elle ne s’offusque pas : « Moins il y a de contraintes et d’obligations, mieux celamarche. » La preuve : en un petit mois, deux autres clubs, un sur les classiques, un autour de la poésie, se sont montés sur la plateformeMeetup. L’essor des clubs littéraires le prouve : le bon vieux débat n’est pas mort. Aucun échange demails ne remplace un dialogue sur le vif, autour d’un livre. Viviane, directrice financière, orga- nise à tour de rôle, avec quelques amies, un déjeuner “bou- quin”. Parmi elles, une Iranienne, une Russe, une Suédoise, aux cultures différentes... Cette pause entre filles est pour Viviane l’occasion de sortir de sa zone de confort en lisant des livres vers lesquels elle ne serait pas allée spontané- ment. Sans ce rendez-vousmensuel, jamais elle n’éteindrait la télé pour se plonger dans les réflexions du spécialiste de l’Islam et du monde arabe contemporain, Gilles Keppel, ou Le Lambeau , de Philippe Lançon. « Finalement, jeme prends au jeu, et ça me passionne. » À en croire les habitués, fré- quenter les clubs de lecture fait réfléchir et rassure : on découvre que l’on n’est pas seul à aimer les mots et la com- pagnie des livres. Et l’on éprouve aussi ce délicieux frisson d’être un peu à part dans une époque dominée par l’image. À part, mais à la page.

1950. Étudiante, médecin, épicière, psychanalyste, ils- elles ont de 20 à 70 ans. L’ouvrage entre leurs mains, L’Ère du soupçon , de Nathalie Sarraute, n’est pas si simple. Mais Jelila, 56 ans, l’organisatrice de l’événement, tient à sélec- tionner desœuvres un peu pointues pour réfléchir ensemble, sans snobisme, sur l’écriture. Et ça fonctionne ! Tour à tour, chacun prend la parole. Une explique pourquoi ce petit Poche lui est tombé desmains – car il faut argumenter, pas question de s’en tirer avec un “j’aime pas”. Un autre a été séduit, contre toute attente : d’ailleurs, il s’est inscrit au Club littéraire pari- sien pour découvrir des auteurs. « C’est si rare de sortir de son cercle et de parler d’autre chose que de travail ou de vie quotidienne. » L’échange dure deux heures : il semble parfois que les participants n’ont pas tourné les mêmes pages, car chacun a ressenti des choses différentes. « Habituée à lire seule, j’ai découvert qu’on peut lire ensemble » , se réjouit Jelila. Ses groupes, aumaximum25personnes, sont souvent com- plets. Un rendez-vousmensuel sur la BD s’est ajouté à ceux sur les fictions et les essais. Quand des inscrits “sèchent” la

EMIR MEMEDOVSKI / GETTYIMAGES - PIERRE ELMERICH - DR

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