PARENTS
J Comment est-ce que j’ai pu passer à côté de ça? Sabrina, maman d’Eliot, 9 ans
epensequenosenfants se font chahu- ter tous les jours par deux garçons de leur classe. Et d’après mon fils, Eliot est leur bouc émissaire. Il doit même parfois rester enfermé dans les toi- lettespendant larécréation, sinon il se fait taper!” Quand la mère d’un ami d’Eliot m’a appelée pourme raconter quemon fils de 9 ans se faisait harceler, je n’y ai pas cru. Comment moi, sa maman, et de surcroît enseignante, j’aurais pu passer à côté de ça? Je suis atten- tive et toujours prête à écouter mes enfants qui partagent leurs histoires, leurs joies, leurs cha- grins. “C’est pas vrai,maman.Onest copains, on s’amuseetparfoisonsedispute, c’est tout.”Eliot aminimisé, voire étouffé l’affaire. Il revenait sur ses déclarations… À cette époque, nous nous séparions avec son papa, et mon fils avait toutes les raisons d’être perturbé. Alors, quand il prétextait un mal de tête ou de ventre pour éviter l’école, je me di- sais qu’il vivait une période difficile… Un jour, la mère de l’autre petit garçon harcelé a pris rendez-vous avec la directrice de l’école. Sa so- lution face au problème a été de convoquer les enfants et de leur dire de régler entre eux leurs problèmes de cour de récréation. La directrice avait dumal à y voir clair.Mon fils revenait sans cesse sur ses déclarations, accusant les enfants tout en leur trouvant des excuses; les défendant finalement. On nemesurait pas l’emprisemen- taleque ces deux garçons avaient surEliot. Un soir, j’ai appris qu’un des harceleurs avait poursuivi mon fils dans la cour, un cutter à la main, le menaçant de lui couper la gorge. Il a fallu en arriver là pour que je me réveille et fonce porter plainte. Il fallait qu’Eliot change d’école. J’ai rencontré la directrice qui m’a juste dit qu’une demande de dérogation allait être compliquée. Je voyais tous les matins les deux enfants mais, comme on me l’avait appris en formation sur le harcèlement, je ne leur ai pas
parlé pour ne pas envenimer les choses. J’ai compris que ce n’était que deux pauvres gosses endifficultésocialeetscolaire.Entantqu’ensei- gnante, je sais que ce sont des profils d’enfants attachants, qu’on a envie d’aider, mais, du coup, personne n’avait perçu les répercussions sur mon fils. J’ai alors contacté l’inspectrice d’aca- démie, qui m’a assuré qu’elle trouverait une place dans un nouvel établissement. Le lende- main, il changeait d’école. Des pleurs et beau- coup de colère ont suivi. Eliot ressentait de l’in- justice. “C’est eux, les méchants, pourquoi c’est moi qui dois partir?”Puis il a eupeur de se faire à nouveau harceler. Peur de se retrouver tout seul. Pour lui, ces deux garçons avaient été des copains avant qu’il ne comprenne que ce rap- port de force n’était pas de l’amitié. Il a fallu lui expliquer que ceux qui abusent des autres, qui veulent les dominer et les humilier, ne sont pas des amis, car unami apportedubien-être. Difficile de faire la part des choses Aujourd’hui, Eliot est content d’aller à l’école. Il est calme et détendu. Je ressens une énorme culpabilité, parceque jeme rends compte après coup, qu’il était anormalement colériqueàcette période. Jemesuisaussi souvenuequ’il rentrait parfoisavecdesbleussur lecorps. Ildisaitqu’un copain l’avait poussé sans faire exprès. Com- ment j’ai pu ne pas voir, ne pas comprendre plus tôt? On sait que ça existe et on nous mar- tèle de campagnes sur le harcèlement. Comme toutemaman,jeluidemandaissionl’embêtaità l’école,maismonfilsneparlaitpas.Enprimaire, ils sont trop petits pour faire la part des choses, et pour eux, c’est dur de distinguer la différence entre un “t’es plusmon copain, je joue plus avec toi” et des petites bandes qui font pression sur certains enfants demanière violente. » PROPOSRECUEILLISPARDOROTHÉESAADA
PARENTS Mai 2020 103
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