PARENTS LCL 01
« Le but n’est donc pas d’organiser des moments pour avoir des rapports sexuels, mais des moments pour être avec l’autre. La tendresse, la sensualité et l’érotisme passent avant la sexualité. »
Est-ce fréquent qu’un couple délaisse sa sexualité quand il est dépassé par le rythme de sa vie? Laura Beltran: Bien sûr! Un des premiers ingrédients nécessaires pour avoir une sexualité, c’est d’être dispo- nible–psychologiquement et dans le temps. L’argument le plus fréquent mis en avant par les couples pour expli- quer l’absence de rapports sexuels demeure la fatigue. Il fautavoirdel’énergiepouravoirunesexualité.Travailler sur la sexualité revient à travailler sur la qualité de vie. On parle d’ailleurs de santé sexuelle qui est une compo- santedenotre santé. Faut-il obligatoirement de l’espace et du temps pour avoir du désir? L.B.: Oui. Mais nous devons dissocier deux types de dé- sir: ledésir spontanéet ledésir réactif. Le “spontané” est celui qui arrive au début d’une relation. On vit une pé- riodededécouverteoùtout se fait rapidement sansavoir besoindegrand-chose.Aufuret àmesureque larelation s‘installe, ce désir spontané se transforme en désir réac- tif,c’est-à-direqu’ilvientenréponseàuncertainnombre de stimulations. Je rentre du boulot, je suis fatiguée, j’ai envie deme vautrer dans le canapé, mais pas forcément d’avoirunrapport sexuel. Par contre, si j’ai unesoiréequi changeunpeudelaroutine,j’aiuncomplimentdelapart demoncompagnon,onnesecouchepastroptard,onari ensembleetunemainaglissédans lebasdes reins…là, je suis venue stimuler ledésir.Mais pour ce typededésir, il faut du temps et de ladisponibilité. Quand on rentre du boulot, qu’on attaque la deuxième journée avec les enfants, on va au lit épuisés! Alors, on fait comment? L.B.: Onfait commeonpeut! Il yadespériodesoùonest moins disponibles pour la sexualité et il faut aussi l’ac- cepter. On subit un discours social où il faut être dispo- nible tout le temps, en forme, jolie, prête à faire l’amour à tous moments. C’est faux! Dans l’histoire de vie d’une personne et d’un couple, il y a des périodes où la sexua- lité prend une place importante et d’autres pas du tout, parce qu’on vient par exemple d’avoir un enfant. Il est important d’accepter cet aspect cyclique de la sexualité. Maintenant, on peut aussi faire attention à partager des petits moments sympas à deux parce que, parfois, pris dans le quotidien, on ne se parle plus que de choses très concrètes liées la logistiquedu foyer. Programmer ses relations sexuelles en le mettant dans le calendrier serait une solution? L.B.: On peut imaginer organiser des moments agréa- bles à deux qui n’aboutissent pas obligatoirement à un rapport sexuel.Onsedégagedesmoments dedisponibi-
lité. On organise tous notre quotidien etmême quand on alaflemmed’allerlejeudisoiràsoncoursdesport,onyva etc’estcequinouspermetdemettreleschosesenplaceet delesfaire.Lebutn’estdoncpasd’organiserdesmoments pour avoir des rapports sexuels, mais des moments pour être avec l’autre. Plus on est bien ensemble, plus on laisse de la place à la sexualité. On prévoit donc des moments dans sonagendapour recréerdu lienà l’autre. Parfois le désir et le plaisir sont coupés par la peur de faire du bruit vis-à-vis des enfants ou alors qu’il y en ait un qui débarque dans le lit. Comment gérer ces barrières au quotidien? L.B.: Il faut instaurer certaines règles… La chambre des parents doit avoir des règles. Les enfants doivent com- prendre qu’on ne rentre pas comme ça dans l’espace intime des parents. On peut installer un verrou ou dire, quand les enfants sont en âge de comprendre, qu’on ne rentre qu’après avoir frappé et que les parents aient répondu. C’est essentiel de créer des limites et des bar- rières pour que la sexualité puisse exister. On peut aussi expliquer que le jeudi soir, c’est “soirée parents”, qu’on ne les dérange pas et qu’on se couche plus tôt, ou que le dimanche matin, on les laisse un peu plus dormir… On créedes espaces et des lieuxprivés pour le couple. Comment retrouver un désir spontané? L.B.: Il ne sera pas spontané, mais réactif, alors on va le créer,lesusciter,lestimuler.Çanécessite10ingrédients: 1. De l’énergie pour avoir envie d’aller explorer sa sexua- lité. 2. Une bonne ambiance pour désirer se retrouver sous les draps: un bon dîner, une soirée complice… 3. Unbon imaginairecar le fantasmeest lemeilleur aphro- disiaque. 4. De la séduction, se sentir sexy et virer le pyjama en polaire pour être dans un jeu d’échange avec l’autre. 5. De la sensualité car les zones érogènes ne sont pas focalisées sur les organes génitaux, mais dissémi- nées sur l’ensemble du corps. On réveille le corps! 6. Se mettre en accord sur le bon moment. Certains sont du matin, d’autres du soir, on peut couper la poire en deux et s’octroyer une sieste. 7. Une ambiance rassurante: on fermelaportedelachambrepourcréeruneambianceoù on est à l’aise. 8. Créer un contexte intime: une lumière tamisée,unebougie… 9. Etparfoislaisserl’imprévunous surprendre: l’autre s’approche, on n’a rien prévu et on se laisse embarquer. 10. La tendresse, la sensualité et l’érotisme passent avant la sexualité. Ce sont sur les pre- mières étapes qu’onpeutmettre enplace des choses. On doit avoir une vision large de la sexualité et se dire que la pénétrationn’est pas une finalité. On peut avoir desmo- mentsdanslavieoùonesttendres,sensuels,érotiqueset on s’arrête là. l PROPOS RECUEILLIS PAR DOROTHÉE SAADA
PARENTS Janvier/Février 2020 113
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