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MA TRIBU / Monhistoire

Je l’ai vécu... “Mon combat pour ma fille atteinte de la maladie de Sanfilippo.”

Maman d'Ornella, atteinte d'une maladie rare et dégénérative, Karen Aiach a décidé de faire avancer la science ! Coûte que coûte ! Pour metttre au point un traitement.

dait, lemédecinaparlédesonespérancedeviede douze à treize ans, et de l’absence totale de traite- ment. Passé l’étatdechocqui nousa littéralement anéantis, nous ne nous sommes pas vraiment de- mandéquelleattitudeavoir, nous l’avonseue. Avec toute la volonté du monde, nous avons décidé de trouver le traitement pour sauver notre fille. Socialement, j’ai choi- si. Lavieàcôtéde“ça”n’aplusexisté. J’ai tissédes liens exclusivement avec des gens pouvant m’ai- der à comprendre les maladies rares. Je me suis rapprochéed’unepremièreéquipemédicale,puis d’une équipe scientifique, australienne… On s’est relevé lesmanches.Mois aprèsmois, annéeaprès année, nous avons trouvé des acteurs publics et privés qui pouvaient nous aider. On a bien voulu m’expliquer comment développer un médica- ment, mais personne ne voulait se lancer dans ce programmede traitement de lamaladiedeSanfi- lippo. Il faut dire que c’est une maladie souvent sous-diagnostiquée, que les cas sont au nombre de 3000à 4000 dans le monde occidental. En 2006,alorsquemafilleavaitunan,j’aicrééuneas- sociation,l’AllianceSanfilippo,pourporterlavoix des familles d’enfants atteints par cette maladie. C’est ainsi, entourant et entourée, que j’ai pu oser monter mon programme, tracer ma route vers LEtraitement. Et puis je suis tombéeenceintede Salomé, notre deuxième fille que nous voulions tant. Je peux dire que sa naissance a été le plus grand moment de bonheur depuis l’annonce de la maladie d’Ornella. Alors que j’étais encore à la maternité,monmarim’aannoncéque500000€ étaient tombés dans la trésorerie de l’association. Nos efforts pour trouver des fonds étaient enfin récompensés! Mais pendant que nous courions aprèsunesolution,Ornelladéclinait. En collaboration avec un médecin, j’ai pu, dé- but 2007, monter le projet de thérapie génique,

Quand on attend un enfant, on se fait du souci, on songe à la maladie, au handicap, à la mort accidentelle parfois. Et si j’ai eu des craintes, je n’ai jamais pensé à ce syndrome-là, car je ne le connaissais évidemment pas. Que ma première fille, ma belle petite Ornella qui a 13 ans aujourd’hui, puisse souffrir d’une ma- ladie incurable n’a pas été audible. La maladie a fait son ouvrage. Un jour, alors qu’elle avait 4 ans, nous avons constaté qu’elle avait subrep- ticement et complètement perdu le langage. Sa dernière phrase a été une question adressée à Gad, sonpère. Cettephrase, c’était: «Mamanest là? ». Il vivait encore ànos côtés à l’époque. Quandj’étaisenceinted’Ornella,jenemesuispas sentietellementchoyéeouparticulièrementdor- lotée. J’ai même eu quelques chocs importants, quand l’échographie, par exemple, a révélé une nuque un peu épaisse, puis que le diagnostic de trisomie a été écarté. Ouf, ai-je sans doute pensé, alors qu’unemaladie bienpire dévorait déjàmon enfant. Aujourd’hui, je vois comme un signe ce manque de légèreté et cette absence de vraie joie durant ma grossesse. Je ressentais un sentiment dedistanceavec lesmèresqui compulsent lesou- vrages sur les bébés et décorent les chambrettes dans l’euphorie…Je gardequandmême le souve- nird’unmoment de shoppingavecmamèreet de l’achatderideauxdelinbeigeparsemésd’abeilles. Peu de temps après, j’ai accouché. Et puis, assez vite, devant ce bébé qui pleu- rait beaucoup, qui ne faisait décidément pas ses nuits, Gadetmoi-mêmenous sommes inquiétés. Nous sommes allés à l’hôpital. Ornella souffraitd’un“déborddufoie”.Asurveiller.Rapi- dement, il a fallu faire des examens complémen- taires qui ont conduit au verdict. Ornella souffre d’une“maladiedesurcharge”,lamaladiedeSanfi- lippo. Après nous avoir décrit ce qui nous atten-

“Après nous avoir décrit ce qui nous attendait, le médecin a parlé de son espérance de vie de douze à treize ans, et de l'absence totale de traitement.”

"Maman est là" de Karen Aiach. Éditions Harper Collins

98 PARENTS Mars 2019

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