Les cathédrales de notre histoire

ENTRETIEN

Valérie Toureille : « Pour Jeanne d’Arc, la légitimité du roi vient de l’onction à Reims »

La vie de Jeanne d’Arc est liée aux églises et aux cathédrales de France. Elle a prié dans de nombreux lieux de culte entre Domrémy, sa ville natale, et la chapelle du château de Bouvreuil à Rouen où se tient son procès. Selon l’historienne Valérie Toureille, Jeanne s’est fait un devoir d’emmener Charles VII à la cathédrale de Reims afin qu’il reçoive l’onction de la Sainte Ampoule lors de son sacre. Propos recueill is par Virginie Girod

À l’époque où Jeanne d’Arc est née, les cathédrales et les églises sont- elles nombreuses en France? Jeanne d’Arc est née vers 1412 à Domrémy, un village du Barrois dans l’actuelle région de la Lorraine. Dans sa paroisse, il y a un lieu de culte, comme dans toutes les paroisses de France. D’ailleurs, sa mai- son jouxte l’église Saint-Rémy. Celle-ci est alors au centre de la vie de la commu- nauté. Les gens n’ont pas de montre et se repèrent dans le temps grâce aux différents offices pour lesquels les clercs sonnent les cloches. Jeanne se rend aussi souvent qu’elle le peut dans la maison de Dieu. Elle a probablement tissé un lien étroit avec le curé de sa paroisse et doit communier régulièrement. En général, on se confesse au moins une fois par an, pour Pâques, mais Jeanne le fait sans doute plus souvent. Elle devait rechercher desmoments d’exaltation chris- tique et de spiritualité intense, comme les per- sonnes les plus ferventes de son temps. La paroisse sert d’ancrage territorial et spirituel pour les gens du Moyen Âge. Jeanne prie de pré- férence dans son église mais on sait qu’elle s’est rendue chez unmaître d’école dans le village voisin deMaxey. Elle a pu prier aussi dans l’église de cette paroisse. En revanche, il est peu probable qu’elle ait eu un autel domestique à demeuremême si la piété privée se développe à la fin de l’époquemédiévale. Dès le début de l’adolescence, Jeanne avoue entendre des voix. Comment le clergé perçoit alors les prophétesses ? Priait-elle uniquement à l’église de Domrémy dans son enfance ?

L’Église n’est pas hostile aux prophétesses au xv e siècle. Entendre des voix n’est pas considéré comme une pathologie. Ce phénomène est certes extraordinaire mais pas anormal. On interprète alors les signes divins partout jusque dans les rêves. Les rois eux-mêmes cherchent à être rassurés sur leur avenir et reçoivent volontiers les personnes inspirées par Dieu. Le théologien Jean de Gerson (1363- 1429) donne d’ailleurs un avis favorable sur le cas de Jeanne d’Arc. En revanche, le clergé veut connaître l’origine des voix. Sont-elles divines ou infernales? Il est capital pour les religieux d’identifier les fausses prophé- tesses, celles qui seraient dirigées par le Malin. D’emblée, la parole des femmes aux mœurs légères est discréditée. Seules les prophétesses à la vie irréprochable sont dignes d’être écoutées. C’est pour cela que Jeanne d’Arc sera examinée à plusieurs reprises. Si son corps est pur, son mes- sage l’est aussi. Où Jeanne d’Arc rencontre-t-elle le dauphin, le futur Charles VII ? Passe-t-elle du temps en prière avant de le voir ? Elle rencontre le dauphin à Chinon en 1429. Les historiens n’ont que peu d’éléments sur leur rencontre mais elle a vraisemblablement prié un certain nombre de fois depuis son départ de Domrémy. Avant de quitter Vaucouleurs, une forteresse proche de sa ville natale, on lui fait rencontrer un exorciste. Si elle est une fausse pro- phétesse, elle reculera face à lui. Jeanne accepte et rit de voir arriver devant elle un curé qu’elle connaît parfaitement. Elle n’a évidemment aucune raison d’avoir peur de lui. Bruno Klein

Valérie Toureille est historienne et professeure d’université, spécialiste du Moyen Âge.

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