Les cathédrales de notre histoire
DANS LE SECRET DES CATHÉDRALES
Les bâtisseurs de cathédrales sont des ouvriers spécialisés qui excellent dans différents corps de métier. Sur les chantiers médiévaux, on trouve des pierreux, des charpentiers, des ornementistes et des maîtres verriers placés sous la direction du maître d’œuvre. Saint-Denis, véritable bijou gothique, sert de modèle à de très nombreuses cathédrales. Par François Gruson Les bâtisseurs de cathédrales
abbé de Saint-Denis, Suger, peut se féliciter: il lui aura fallu déployer beaucoup d’efforts pour que son rêve de lumière devienne réalité. Il a notamment réussi à réunir les meilleures compétences de son temps pour parvenir à une telle perfection. Sa basi- lique est d’ailleurs devenue un exemple pour toutes les grandes cathédrales gothiques construites en France et dans l’Europemédiévale, aussi bien dans son esthétique élancée que dans l’organisation des corps demétier nécessaires à sa réalisation. Il est bien ici question de « bâtisseurs » de cathédrales, et non de simples constructeurs, car seule la par- faite conjugaison de leurs talents a permis de réa- liser ces chefs-d’œuvre qui, encore aujourd’hui, suscitent la fascination dumonde entier. Ces bâtis- seurs se répartissaient en trois catégories : les pierreux qui travaillaient la pierre, les charpentiers qui travaillaient le bois, et les artistes ornema- nistes en charge des décors. Chaque métier était organisé en corporation, placée sous la protection d’un saint patron, et dans laquelle il était coutume de passer sept années d’apprentissage avant de pouvoir prétendre devenir un « compagnon fini », c’est-à-dire un professionnel autonome dans sa pratique du métier. Tous étaient sous l’autorité du maître d’œuvre, c’est-à-dire littéralement du maître du chantier, figure ancestrale de l’archi- tecte, en charge à la fois de la conception de l’édi- fice et de la coordination des différents métiers sur le chantier. Le plus souvent, le maître d’œuvre était « maître maçon », c’est-à-dire le patron des maçons intervenant sur le chantier. Ceux-ci étaient considérés comme appartenant à une catégorie L’
supérieure, car c’est à eux que revenait la charge d’édifier les murs, les piliers et les voûtes, en assemblant les pierres travaillées à la carrière ou au sol par les tailleurs de pierres. À la suite desmaçons, une fois la structure édifiée, on faisait intervenir les sculpteurs en charge des éléments d’ornementation: chapiteaux, frises, gargouilles, Contrairement à ce que l’on pense souvent, les charpentiers, de leur côté, n’intervenaient pas uniquement pour la réalisation de la charpente, cette structure en bois qui supporte la couver- ture et que l’on plaçait au-dessus des voûtes. Ils avaient également en charge la réalisation de tous les échafaudages et les machines permettant aux maçons d’élever les murs et les piliers, et sur- tout de franchir le vide avec les arcs et les voûtes, grâce aux « mannequins » démontables installés par les charpentiers. Les ornemanistes, enfin, réalisaient toutes les finitions. Les plus impor- tants d’entre eux étaient sans doute les maîtres verriers, en charge de la réalisation des vitraux. Cet art, encore balbutiant à la période romane, va trouver son âge d’or avec la construction des cathédrales. La polychromie générée par les vitraux est exaltée par le travail des peintres déco- rateurs, qui vont couvrir les piliers et les murs de décors géométriques, et les voûtes d’un beau ciel étoilé. Ainsi, les cathédrales constituent encore aujourd’hui des œuvres d’art, à la fois architec- ture, sculpture et peinture, et combinant, pendant quatre siècles, la ferveur la plus admirable aux techniques les plus exceptionnelles. pinacles et enfin sculptures. Des artistes à l’œuvre
En page de droite, Chantiers dans la ville de Saint- Denis pour la construction de 12 églises en l’honneur des 12 apôtres, miniature tirée de La Vie du très noble comte Girart de Roussillon, (1448).
SYMBOLES DE BÂTISSEURS ET SYMBOLES MAÇONNIQUES La tradition des bâtisseurs de cathédrales s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui dans deux branches cousines : le compagnonnage et la franc-maçonnerie qui conservent les techniques de construction et la symbolique des outils. Ainsi, l’équerre servant à vérifier la rectitude des murs représente la droiture, et le compas, outil de mesure et de comparaison, évoque la capacité à s’ouvrir, à comparer et à faire la part des choses. La pierre brute symbolise l’individu dépourvu de toute réflexion, et la pierre taillée celui qui, à force de travailler sur lui-même, a su se défaire de ses aspérités.
Bertrand Rieger
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SECRETS D’HISTOIRE
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