GUIDE VERT MICHELIN TOURAINE POITOU
DÉCOUVRIR LA RÉGION 170
La cité du cardinal En 1621, lorsque ArmandduPlessis (1585-1642), évêque de Luçon , rachète Richelieu, fief de ses ancêtres, il n’y a sur les bords duMâble qu’un village flanqué d’unmanoir. CONSTITUTION D’UN DOMAINE
Devenu cardinal de Richelieu et principal ministre de Louis XIII, l’ambitieux prélat constitue une petite principauté autour de la ville en se faisant céder, bon gré mal gré, des châteaux qu’il s’empresse de démanteler, en tout ou partie, afin d’asseoir son pouvoir. À Bois-le-Vicomte, déjà en sa possession, il ajoute Champigny-sur-Veude, L’Île-Bouchard, Cravant, Crissay, Mirebeau, Faye- la-Vineuse et même Chinon, propriété royale qu’il néglige. Puis c’est au tour de Loudun de voir sa forteresse détruite, tandis qu’Urbain Grandier, ennemi de Richelieu, est accusé de sorcellerie et condamné à périr sur le bûcher. LE DUCHÉ-PAIRIE En 1631, Richelieu charge l’architecte Jacques Lemercier d’établir les plans d’un château neuf et d’un bourg clos de murs, construits sous la direction de Pierre et Nicolas Lemercier, frères de Jacques. L’homme fort du régime veut loger sa cour près de son immense château, alors que le roi érige le fief en duché-pairie. La ville qui entoure le château surgit ex nihilo , à la façon des cités romaines en terres conquises. Inscrite dans un plan carré modulaire, elle est taillée au cordeau et ses rues rectilignes mènent à de grandes places. LE CARDINAL COLLECTIONNEUR Deux vastes cours encadrées de communs précèdent l’édifice en quadrila- tère, à pavillons saillants et grande entrée à dôme, défendu par des douves. Richelieu prend soin de remplir son palais d’œuvres d’art en une collection qui comptera parmi les plus prestigieuses d’Europe. La façade du pavillon central est ornée des deux Esclaves de Michel-Ange, exécutés en 1513-1515 pour le tombeau du pape Jules II. Les appartements, la galerie, les chapelles sont ornés de peintures de Poussin, Le Lorrain, Philippe de Champaigne, Mantegna, Le Pérugin, Bassano, Caravage, Titien, Jules Romain, Dürer, Rubens, Van Dyck… Les parterres des jardins et les berges du canal sont parsemés d’antiques, tandis que les grottes cachent des pièges hydrauliques, fort appré- ciés à l’époque ; on y plante les premiers peupliers d’Italie. L’ensemble ainsi formé par la ville, le château et son parc est considéré au 17 e s. comme une merveille. Perspicace, La Fontaine, en 1663, notemalicieusement : « Les dedans ont quelques défauts,/Le plus grand, c’est qu’ils manquent d’hôtes. » LES LAMBEAUX DU POUVOIR Aujourd’hui, il ne reste presque rien de la prestigieuse demeure du cardinal. La dispersion de ces richesses inouïes commence dès 1727 et s’amplifie après la mise sous séquestre du château en 1792. Après la Révolution, ses héritiers le cèdent à un nommé Bontron qui le démolit pour en vendre les matériaux. Quant à la célèbre collection d’œuvres d’art, on peut en découvrir une par- tie au Louvre – en particulier les Esclaves de Michel-Ange et les œuvres du Pérugin –, et dans les musées de Tours et d’Orléans. T Voir Richelieu, La ville et son château de Marie-Pierre Terrien, Editions Pays et Terroirs Cholet, 2016.
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