Extrait Régal

12 LA SAISON

NOVEMBRE DÉCEMBRE 2020 RÉGAL N° 98 www.regal.fr

ALAINDUTOURNIER ET JULIENDUBOUÉ, IL ÉTAIT UN FOIE GRAS, PAR DEUX CHEFSVENUS DU SUD-OUEST Quand deux chefs landais se rencontrent, qu’est-ce qu’ils se racontent? Des histoires de foie gras. Nous les avons réunis au restaurant Le Carré des Feuillants pour savourer leurs conseils et leurs recettes phares. P R OP O S R E C UE IL L I S PA R HÉ L È NE P IO T

« Le foie gras est rompu à toute complicité. Il se marie formidablement bien aux produits les plus simples. Essayez-le avec des artichauts, des lentilles, des châtaignes ou même un expresso en marinade : ça marche à tous les coups. » Alain Dutournier Un conseil de préparation? J. D. Avant la cuisson, il faut toujours être généreux en poivre noir du Cambodge. Et j’aime bien mettre aussi de la noix de muscade, pour sa note chaleureuse. Que pensez-vous du foie gras poêlé? A. D. Que c’est délicieux, à condition d’être acheté et mangé ultra-frais, c’est-à-dire dans le Sud-Ouest, ou en tout cas sur le lieu de production. Partout ailleurs, on sert du foie gras chaud, gluant et qui sent la plume, acheté déjà escalopé et surgelé, et qui a perdu 60 % de son gras à la cuisson. A. D. Quasiment aussi longtemps que vous voulez ! Mieux vaut attendre, d’ailleurs, parce qu’il est souvent un peu trop dur les premiers temps, avant de gagner en moelleux. Je garde précieusement – et je mange encore – quelques conserves cuisinées par ma mère dans les années 90… C’est encore mieux que Combien de temps peut-on garder les conserves ?

Alain Dutournier est le chef étoilé de deux restaurants parisiens, Le Trou Gascon depuis 1973 et le Carré des Feuillants depuis 1986.

Julien Duboué dirige le restaurant-boulangerie Boulom, à Paris. Il vient de publier Un plat, trois repas pour toute la famille (éditions Larousse).

les sardines, parce qu’il n’y a pas besoin de retourner les boîtes tous les deux mois !

Si on veut le cuisiner maison, où acheter son foie gras frais ? Julien Duboué. Le top du top, c’est directement chez le paysan. À défaut, la famille Paris, un producteur de Pomarez, dans les Landes, en vend de très bien sur Internet et dans plusieurs magasins du Sud-Ouest. Alain Dutournier. L’incontournable, c’est la maison Barthouil. Ils sélectionnent les meilleures souches de canard, ils cultivent eux-mêmes le maïs… Ils travaillent tellement bien qu’on ne peut pas les mettre dans le même panier que les grandes marques comme Labeyrie qui appartiennent à des énarques. Appeler Barthouil du foie gras, c’est comme si on appelait Yquem du vin ! Comment le choisir ? A. D. Pas forcément en raison de son label, ou en tout cas pas l’IGP Sud-Ouest. Ça ne veut rien dire, il suffit d’être implanté là-bas pour l’avoir ! Mieux vaut se fier à son aspect, notamment la couleur de la graisse, qui doit être la plus orangée possible.

Quel pain lui convient le mieux? A. D. Le plus simple ! Sans graines, sans fruits secs… Au Trou Gascon, j’ai proposé pendant un temps un pain au maïs avec des grains, mais j’en suis revenu : rien ne vaut une baguette juste toastée. Un pain vivant, au levain, avec une croûte. Avec quel vin le servir ? A. D. Pas de champagne ! Comme il est servi très froid, il va figer le gras. Mieux vaut choisir un vin, blanc de préférence, pour éviter qu’il y ait une bagarre entre les tanins et le gras. Un vouvray moelleux ou un coteaux-du-layon, un très joli gewurztraminer, un muscat-de- saint-Jean-de-minervois… Sinon, un porto ou un Maydie, vin de liqueur rouge de madiran. J. D. Moi j’ai été « piqué » aux vins blancs sucrés très jeunes, c’est ce que je continue à préférer avec le foie gras : un jurançon en vendanges tardives, c’est top n

© CHRISTOPHE SAVELLI (4)

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