Détours Villages 2021

Publication animée

HORS SÉRIE C O L L E C T I O N

S P É C I A L e 10 ANNIVERSAIRE

É D I T I O N 2 0 2 1 DÉCOUVREZ LES VILLAGES PRÉFÉRÉS DES FRANÇAIS DU NORD À LA PROVENCE DE L’OCCITANIE À L’OUTRE-MER. . .

NUMÉRO SPÉCIAL DE L’ÉMISSION DE FRANCE 3 2021

L 12263 - 13 H - F: 6,95 - RD

A V E C STÉPHANE BERN

HORS SÉRIE

CAP SUR LA CÔTE ATLANTIQUE

Des Sables-d’Olonne au Bassin d’Arcachon, de l’île de Noirmoutier à l’île de Ré... 20 idées pour s’évader

ACTUELLEMENT EN KIOSQUE

Disponible aussi sur notre boutique :

store.uni-medias.com Rubrique « Nos hors-série »

LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Stéphane Bern à Villerville, village situé dans le Calvados, pendant le tournage de l’émission.

Stéphane Maurice / Détours en France

D O M I N I Q U E R O G E R – R É D A C T E U R E N C H E F L A R E V A N C H E D E S V I L L A G E S ?

On peut se prendre à imaginer un réé- quilibrage géographique et territorial. Un scénario probable et de bon sens reposant sur une tendance identifiée avant notre crise, mais que celle-ci va sûrement encourager, démultiplier en s’orientant vers une sorte de « contre- urbanisation », selon l’expression du sociologue Jean Viard. Donc, direction nos campagnes! Cela tombe bien car dans ce hors-série, nous vous emmenons dans un nouveau tour de France des villages. Depuis 2012, date de la première édition de l’émission Le Village préféré des Français (diffusée sur France 3), nous avons grand plaisir à repartir sillonner les routes de France en compagnie de Stéphane Bern. En dix ans, ce grand voyage dans les 18 régions françaises vous a fait découvrir 70 vil- lages sur nos 36000 communes. Il a mobilisé des dizaines de milliers de vil- lageois, participants actifs à cette élec-

Si la pandémie, qui touche au cœur et à l’âme de notre pays depuis de nom- breux mois, a sûrement eu, au moins, uneffet positif, c’est dedécouvrirque la France n’était pas réductible à Paris et ses métropoles régionales. Il n’y a qu’à allumer la télévision et regarder n’im- porte quel journal télévisé pour s’aperce- voir que, bien soudainement, journalistes et reporters se passionnent pour cette France profonde, imitant un Jean-Pierre Pernaut qui n’eut pas toujours l’heur de plaire à l’intelligentsia. Et de lire et d’en- tendre « les urbains urbanistes et des pen- sifs penseurs » nous asséner voici venu le temps de La Revanche des villages (Éric Charmes), de la « périurbanisation », des « néoruraux »… Certes, la situation sani- taire inédite que nous vivons, avec ses dégâts collatéraux sur le plan social, éco- nomique, humain, rebat singulièrement les cartes de la perception de ce qu’est un village, de ce qu’est la campagne.

tion, et a donné rendez-vous à quelques millions de téléspectateurs. En retissant un lien avec la réalité villageoise la plus concrète, Le Village préféré des Français met la France au rythme de la vie…de vil- lage. Complicités avec les saisons, viva- cité des traditions, respect de l’héritage des anciens, valorisation du collectif et attachement profond pour un art de vivre unique… Et Stéphane Bern de souligner que « nous avons des raisons d’être fiers de nos villages et de cette France rurale riche de son patrimoine historique, culturel et humain, qui n’est pas un musée mort, ni même un album de cartes postales suran- nées, mais une mosaïque de trésors qui fondent notre richesse nationale ». Jules Verne rêvait d’un Village aérien, André Breton cherchait « l’Or du temps » à Saint-Cirq-Lapopie, Renoir puisa une grande partie de sa force créatrice à Essoyes… Et vous, dites-nous, quel est donc votre village préféré?

2021

Sur France 3 : retrouvez vos « Villages préférés », le mercredi 30 juin 2021 à 21 heures. Sur www.france.tv :

Vous n'avez pas pu regarder Le Village préféré des Français en première diffusion, ou vous souhaitez revoir l'émission? Connectez-vous sur France.tv pour accéder gratuitement à son visionnage jusqu’à 7 jours après son passage à l'antenne: www.france.tv/france-3/le-village-prefere-des-francais/

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S O MM A I R E

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ÉDITO

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SECRETS DE TOURNAGE

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AUVERGNE-RHÔNE-ALPES HÉRISSON, UNE CITÉ QUI NE MANQUE PAS DE PIQUANT

FRESNAY-SUR-SARTHE

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BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ CHÂTEAUNEUF, LA PERLE CACHÉE DE L’AUXOIS

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BRETAGNE L’ÎLE D’HOUAT : VILLAGE EN MER

ÎLE D’HOUAT

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CENTRE-VAL DE LOIRE SANCERRE : BERRICHON ET FIER DE L’ÊTRE CORSE SAINT-FLORENT : GOLFE AVEC VUE GRAND EST ROCROI, L’ÉTOILE DES ARDENNES HAUTS-DE-FRANCE LONG : UNE SOMME DE DÉCOUVERTES ÎLE-DE-FRANCE SAMOIS : BUCOLIQUE MISE EN SEINE NORMANDIE VILLERVILLE : UN SECRET ENCORE BIEN GARDÉ NOUVELLE-AQUITAINE DOMME, UNE ACROPOLE SUR LA DORDOGNE OCCITANIE AUVILLAR : TRÉSOR DU GRAND CHEMIN PACA SAINT-VÉRAN : LA TÊTE DANS LES ÉTOILES PAYS DE LA LOIRE FRESNAY-SUR-SARTHE : LA BELLE NATURE DES ALPES MANCELLES

LA DÉSIRADE

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G U A D E L O U P E

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OUTRE-MER LA DÉSIRADE : LA VIGIE DES ANTILLES

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QUIZ

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LONG

ROCROI

VILLERVILLE

SAMOIS-SUR-SEINE

SANCERRE

CHÂTEAUNEUF

HÉRISSON

DOMME

SAINT-VÉRAN

AUVILLAR

SAINT-FLORENT

RENCONTRE

L’émission Le Village préféré des Français revient le 30 juin 2021, à 21 heures, sur France 3. Stéphane Bern et toute son équipe ont repris la route afin de vous faire découvrir les villages en lice pour remporter le titre.

Secrets de tournage Cerné par les stations huppées, Villerville détonne dans le paysage de la Côte Fleurie. Le village n’a pas renié ses origines modestes et forme avec ses habitants une petite société protectrice, rebelle et gouailleuse, très attachante. Immersion avec le tournage du Village préféré des Français à Villerville.

T E X T E E T P H O T O G R A P H I E S D E S T É P H A N E M A U R I C E

ncien cette situation dominante vous place aux premières loges pour observer la procession des porte-conteneurs qui s’avancent vers Port 2000. De l’autre côté de l’estuaire, Le Havre scintille la nuit, telle une guirlande de fête foraine, et les torchères des raffine- ries empourprent le ciel. Les flammes démesurées n’impressionnent que les gens de passage. Villerville, comme un ermitage qui se tiendrait au bord du monde, observe le spectacle avec détachement. Sans forcer sa nature, le village a toujours cultivé sa différence, esseulé entre Honfleur et Trouville. A village de pêcheurs comptant moins de 700 âmes hors saison, Villerville est solidement ancré sur son balcon. À ses pieds, la falaise s’avance en pente douce vers la plage. Ce n’est pas vrai- ment un nid d’aigle, mais

Stéphane Bern et la Villervillaise Corinne Drouant, qui l’accompagne devant le parvis de l’église Notre- Dame-de- l’Assomption de l’ancien village de pêcheurs. Autrefois, ceux-ci séchaient leurs filets en les suspendant à des anneaux sur leur façade. Aujourd’hui, les filets tendus décorent les rues avec originalité.

Villerville existait bien avant 1850. Enserré dans une sorte de valleuse perchée, il est devenu une curiosité pittoresque pour les estivants et les peintres.

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un casino se sont ajoutés aux maisons de pêcheurs, mais sans bouleverser la vocation maritime du village, conser- vée jusque dans les années 1950. MOBILISATION GÉNÉRALE Si la discrétion a ses vertus, les Vil- lervillais veulent aussi leur part de lumière. Cette année, ils se sont mobi- lisés pour représenter la Normandie et espèrent devenir le Village préféré des Français. Ce matin de fin avril, la circulation est interrompue dans une partie du bourg qui paraît désert. Sur la plage, le tournage a déjà commencé. Stéphane Bern est parti à la rencontre des pêcheurs de crevettes chaussés de waders et armés de haveneaux. Les séquences sur la plage s’enchaînent à bon rythme car dans une heure, la marée viendra battre le pied de la digue. Voilà un étrange paradoxe : si Villerville est un village préservé, c’est aussi à cause de la mer. À chaque marée, le

les estivants et les peintres, mais n’a jamais aiguisé l’appétit des promoteurs qui ont préféré aménager les marais et les dunes du côté de Deauville. Quelques villas, des hôtels et même

A-t-il manqué le train du tourisme bal- néaire? Pas vraiment car Villerville existait bien avant 1850. Enserré dans une sorte de valleuse perchée, il est devenu une curiosité pittoresque pour

Photo du bas : L’hôtel Le Paquebot a redonné vie à l’ancien casino. En 1894, le chanteur lyrique Simon Max y avait aménagé une salle de théâtre dans le squelette d’une baleine échouée à Cricquebœuf.

Cadreur, pilote de drone, réalisateur, assistants de production, maquilleur… la cohorte se déplace dans le sillage de Stéphane Bern, au gré des rencontres. Ci-contre, à droite : Des pêcheurs à pied, bien

MONSTRES SACRÉS Cet épisode a dû influencer Antoine Blondin dans son choix de Villerville (rebaptisé Tigreville) pour planter le décor de son roman Un singe en hiver. Porté à l’écran par Henri Verneuil en 1962, ce film culte a rassemblé dans sa légende trois monstres sacrés du cinéma populaire : Audiard pour les dialogues, Jean-Paul Belmondo et Jean Gabin pour leur seul duo à l’écran. Gabriel Fouquet, publicitaire alcoolique, incapable d’assumer son rôle de père et l’échec de sa vie sen- timentale, rencontre Albert Quentin, un hôtelier devenu abstinent et suceur de bonbons depuis le Débarquement ! La confrontation se solde par deux jours d’ivresse mémorables où Fou- quet joue les matadors dans la cir-

équipés, en quête de moules et autres

coquillages, sur la plage de Villerville.

lades. Est-ce un héritage de cette his- toire de navire naufragé qui avait perdu sa cargaison de rhum sur la plage en 1900? Sur les 10000 fûts échoués, les douaniers n’en auraient récupéré que 2000 à peine. Le reste aurait été stocké dans les jardins et bu en deux ans !

flux montant recouvre la totalité de la plage, ce qui oblige les baigneurs à plier les serviettes et regagner les hau- teurs en attendant le jusant. Un pré- texte pour s’accouder aux comptoirs des cafés? En tout cas, de quoi favori- ser la convivialité dans les rues qui se remplissent d’un coup lorsque, partout sur la côte, elles sont désertées pen- Avec son atmosphère de village gau- lois, Villerville affirme une culture singulière. Marie Lecoq et Nicolas Jambon ont acheté une maison à Vil- lerville en 2017 et confirment avoir été séduits par le tempérament des villageois : « Des personnalités riches et entières ! » Leur vie intime mêle les grandes amitiés… et les belles engueu- dant les heures de baignade. UNE LÉGENDE ÉTHYLIQUE

Stéphane Bern en pleine conversation avec le président de la confrérie du Singe en hiver, Didier Pleux, âgé de 10 ans à l’époque du tournage du film, qui a profondément marqué le village et ses habitants.

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Le Cabaret normand – l’hôtel Stella dans Un singe en hiver – s’apprête à rouvrir ses portes avec ses nouveaux propriétaires.

qui accueille Stéphane Bern sur le parvis de l’église Notre-Dame-de- l’Assomption, la nostalgie des temps anciens perdure encore avec la Fête de la mer. Fille d’un marin qui a exercé jusqu’à la fermeture de la moulière en 1954, elle se remémore les chevaux qui remontaient les paniers de moules de 15 kg, ramassées par les femmes et les enfants. Chaque famille pratiquait également la pêche au guideau avec des filets tendus depuis la plage. La pêche représentait plus qu’une éco- nomie de subsistance car les hommes partaient en mer sur une trentaine de plattes. Des femmes (encore elles !) s’occupaient de remonter les embar- cations sur la plage à l’aide d’un cabestan, tandis que les autres obser- vaient le retour des pêcheurs depuis le Guettoir. Jusqu’au début du xix e siècle, près de 400 Villervillais vivaient de la pêche. Pour Corinne Drouant, l’espoir de figurer en tête du palmarès n’est pas essentiel. « Ce qui compte, c’est la nostalgie de ces ambiances du passé que nous essayons de préserver… »

les répliques du film, dont Jean Che- valier, vice-président de l’association, est la mémoire vivante. LA FÊTE DE LA MER Villerville, village de soûlographes ou de marins? Pour Corinne Drouant,

culation, et Quentin revit ses années glorieuses de fusilier-marin sur le Yang-Tsé-Kiang. L’épicentre du film, c’est bien sûr le Cabaret normand, où les membres de la confrérie du Singe en hiver attendent Stéphane Bern pour évoquer les anecdotes de tournage et

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RENCONTRE

Stéphane Bern se réjouit de cette 10 e édition de l’émission Le Village préféré des Français, qui devrait contribuer à encourager le tourisme en France, affecté depuis plus d’un an par la crise sanitaire.

STÉPHANE BERN « UNE 10 e ÉDI T ION PLUS UT ILE QUE JAMA IS »

Que vous inspire Villerville où vous tournez aujourd’hui ? Je connaissais le village surtout de réputation. Je suis conquis, la côte normande est magnifique, mais Vil- lerville est avant tout un village qui a su garder son âme. Nous choisissons les candidats pour leur authenticité, selon un cahier des charges qui exige un patrimoine architectural, des tra- ditions locales, souvent culinaires… Mais la vraie richesse de ces villages, ce sont les habitants qui font vivre

Le Village préféré des Français est diffusé après plus d’un an de crise sanitaire. Fallait-il maintenir cette édition ? Absolument. L’année dernière, le tourisme a terriblement souffert de l’épidémie. Cette année encore, nous aurons besoin du hashtag #CetÉtéJe- VisiteLaFrance. Nous sommes frap- pés par la pandémie depuis un an. Il est urgent de valoriser ce patrimoine. Il faut comprendre que s’il n’y a pas de tourisme, les villages meurent. C’est un principe économique. Si les sites patrimoniaux ne sont pas visités, il n’y a pas de billetterie. Donc pas de tra- vaux effectués, plus d’entretien. C’est important pour le moral des Français ? L’émission fait du bien, elle valorise

ce que l’on a de mieux : nos trésors, la richesse de nos traditions, notre patrimoine, notre histoire… Ce monde est complètement bouleversé, violent, parfois méchant et dangereux. C’est assez rassurant de penser qu’il existe des havres de paix, ces villages préfé- rés des Français…

Stéphane Bern aime aller à la rencontre de celles et ceux qui font vivre leur village : Corinne Drouant, fille de marin, évoque avec lui les préparatifs de la Fête de la mer, qui rassemble les Villervillais chaque année en juillet.

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les lieux. Ici, c’est la Fête de la mer, la pêche à la crevette, l’histoire de ce casino et son théâtre aménagé dans une baleine… C’est cela qui cimente un village, c’est le vécu commun. D’où vient votre attachement pour les villages à l’heure de cette 10 e édition? J’adore Secrets d’histoire, mais j’ai une vraie passion pour le Village pré- féré des Français. J’y trouve une cer- taine vérité de ce qu’est la France. Souvent, on en a une vision déformée par les réseaux sociaux qui laissent penser que c’est la guerre civile à tous les coins de rue. Quand vous êtes dans un village où il y a cette douceur de vivre, cette convivialité, on a le senti- ment d’une autre France qui vit à un autre rythme. Les choses ont un écho un peu assourdi. Le confinement a-t-il redistribué les cartes? Je le crois. Les gens redécouvrent au fond cette possibilité de retour- ner aux racines, de retrouver le goût du village. On vient de là. Certes, il y a des fleurs de bitume, mais on n’est pas citadins par nature. Ce que j’aime depuis dix ans, c’est retrouver une sorte de France éternelle, qui a gardé son âme. Et puis « Small is beautiful ». La vérité est dans les villages, beau- coup plus que dans les grandes villes. Ça me fait du bien de faire cette émis- sion. J’espère que c’est le cas pour ceux qui la regardent aussi. La mission que vous menez pour le patrimoine passe donc par les villages? C’est indispensable. Ce travail autour des villages m’a aidé dans ma prise de conscience. J’y ai rencontré un patri- moine extrêmement riche, menacé par la modernité ou le manque de moyens. L’essentiel de notre patrimoine n’est pas dans les villes. 52 % du patrimoine national est situé dans des communes de moins de 2000 habitants. C’est le seul facteur d’égalité entre les villes et les campagnes !

Avec bonheur, Stéphane Bern découvre le patrimoine de Villerville, l’un des 14 villages en lice pour devenir le Village préféré des Français.

AUVERGNE-RHÔNE-ALPES HÉRISSON

Petite cité médiévale traversée par la rivière l’Aumance, Hérisson est une ancienne place forte des ducs de Bourbon, située au cœur d’un patrimoine naturel classé Natura 2000. Ses trésors architecturaux remarquables, son charme pittoresque et sa riche vie culturelle en font une destination

touristique très prisée.

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Mille ans d’histoire pour ce fief des ducs de Bourbon, lové dans un méandre de l’Aumance, à vingt kilomètres de Montluçon. Les ruines imposantes d’un fier château, une rivière sauvage, des maisons rousses et robustes sont la signature de cette Petite Cité de caractère qui a su attirer musiciens et comédiens. HÉRISSON : UNE CITÉ QUI NE MANQUE PAS DE PIQUANT

T E X T E D E S O P H I E D E N I S

Luc Olivier

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Une promenade dans le dédale de ses ruelles et venelles suffit à dévoiler tout le charme de ce village de pierres ocre, harmonieusement habillé de verdure.

ne rivière, un château et un village médiéval… Hérisson est le seul dans l’Allier à posséder ces trois atouts », se réjouit Bernard Faureau, son ancien maire. La com- mune, labellisée Petite Cité de caractère en 2019, a une longue his- toire, faite de périodes heureuses et d’épisodes d’affrontements avec l’en- vahisseur anglais, les frondeurs ou les troupes royales. Le poète Valery Larbaud (1881-1957), vichyssois de naissance et hérissonnais de cœur, écrivait : « Pas une faute de goût, rien de ce pittoresque facile [...] » U

LE CHÂTEAU DU PRINCE IDÉAL L’histoire de Hérisson a commencé voici plus demille ans, en même temps que la construction du château primitif au-dessus du gué sur la rivière. Son nom vient de erectio (forteresse érigée), sans lien avec le petit mammifère! Le site était bien choisi, à deux pas de l’oppidum gallo-romain de Cordes-Chateloy, sur l’ancienne voie qui reliait Bourges (Ava- ricum) à Gergovie en passant par Néris- les-Bains (Aquae Nerii) . Au x e siècle, les sires de Bourbon bâtissent un premier gros donjon pour surveiller la rivière et le passage du gué. Trois siècles plus tard, Hérisson fait partie des 17 châ- tellenies du Bourbonnais et se voit en première ligne pour défendre le terri-

toire contre l’Aquitaine aux mains des Anglais. Il va tenir cette position délicate pendant toute la guerre de Cent Ans. Au xiv e siècle, Louis II de Bourbon, conscient des enjeux stratégiques du lieu, fait fortifier et agrandir le château. Surnommé le « Bon Duc », il est consi- déré par ces contemporains comme le modèle du prince idéal. Lui qui a été retenu en captivité en Angleterre en échange de la libération de Jean II le Bon ne trouve rien de mieux, à son retour dans le Bourbonnais où règne l’anarchie, que de pardonner leurs crimes à tous ses vassaux. C’est donc avec le soutien de tous qu’il met fin aux exactions des compagnies de merce- naires qui faisaient régner la terreur dans le duché. Le château de Hérisson s’en trouve fortifié, le village se blottit au pied de ses tours – on en dénombre alors huit – bientôt protégé par une seconde fortification ceinte de 23 tours et trois portes fortifiées. Anne de France, fille aînée de Louis XI et duchesse de Bour- bon, y séjourne quand elle vient régner dans sa cour de Moulins. À l’époque, le château comprend une chapelle et un beau logis seigneurial.

La rivière de l’Aumance traverse la dynamique petite cité, sublime sa beauté authentique faite de belles pierres, et lui donne un caractère paisible qui flirte avec le romantisme.

Luc Olivier x 6

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Les remarquables ruines « rousses » du château de Hérisson – les tours, les courtines, le donjon et le reste du logis du xiv e siècle – dominent la vallée de l’Aumance et l’ancien bourg fortifié, encore entouré de murailles percées et de portes, qui abrite de splendides maisons en pierre des xv e , xvi e et xvii e siècles.

AUVERGNE-RHÔNE-ALPES HÉRISSON

d’une association. Un donjon, des tours écornées, un souvenir de courtine et quelques éléments de logis seigneurial… même blessées, les ruines de Hérisson ont fière allure et résonnent encore des combats du passé. Il faut grimper dans la tour sud pour bénéficier d’une vue irremplaçable sur les toits en contrebas et en distinguer les points importants. Au centre du village émerge une flèche, celle du clocher Saint-Sauveur, dernier élément d’une collégiale fondée par les ducs de Bourbon. Recouvert de tavail- lons, le clocher du xvii e siècle privé de son église ressemble plus à une tour de ville, UNE ÂME D’ARTISTE Hérisson attire les artistes. Outre le festival de musique en Bourbonnais, le théâtre y a sa place depuis qu’Olivier Perrier, natif du village, a organisé des rencontres théâtrales avec ses deux copains, Jean-Louis Hourdin et Jean-Paul Wenzel, des anciens de Peter Brook. Une aventure qui a permis la création du centre dramatique de Montluçon en 1985 et celle du Cube studio Théâtre à Hérisson, spécialisé dans la production de spectacles de théâtre et de films. Olivier Perrier, qu’on a pu voir entre autres dans Des Hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois (rôle de frère Bruno), a raccroché les gants, à plus de 80 ans, et vit désormais dans un autre village près de Montluçon.

Bernard Lorette / La Montagne / MaxPPP

DÉMANTELÉ PIERRE PAR PIERRE Le siècle suivant sera fatal au château. Pendant la Fronde (1648-1653), les partisans du duc de Condé, alors basés au château de Montrond, s’emparent brièvement du fief, avant d’en être chas- sés par le gouverneur du Bourbonnais. Mazarin, qui n’a pas aimé ces change- ments de main, décide de faire déman- teler la forteresse, trop dangereuse, en laissant les habitants piller les pierres.

Les propriétaires successifs n’ont pas empêché la dégradation du site: du duc d’Aumale (1822-1897), en 1830, à l’évêque de Moulins Pierre-Simon de Dreux-Brézé (1811-1893), puis Louis Bignon (1816-1906), natif du pays et res- taurateur, propriétaire du Café Riche à Paris. Seul le Touring-Club de France, au milieu du xx e siècle, a entrepris des travaux de restauration. La municipalité a depuis repris le flambeau par le biais

Café associatif, auberge à l’ancienne avec terrasse, mais aussi distillerie qui produit son propre whisky, le Hedgehog… à Hérisson, on peut aussi s’offrir une pause contemplative au soleil, ou une conviviale séance de dégustation.

Luc Olivier x 3

LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Loin d’être un village-musée, Hérisson n’est pas seulement attractif pour sa grande richesse patrimoniale: vivant, tourné vers la culture, à l’image de sa jolie librairie destinée aux publics de tous âges, c’est une cité d’artistes, où peinture, musique et théâtre rayonnent.

+ Bureau d’information touristique Parc de la Mairie, 03190 Hérisson. 0470068223 ; paysdetroncais.fr Mairie, 2 avenue Marcellin-Simonnet. 0470068045 ; mairie-herisson.fr SAUVÉE PAR LAMUSIQUE Une escapade s’impose au hameau voisin de Châteloy. Acquise par Héris- son au xix e siècle, l’église Saint-Pierre est perchée sur un éperon au-des- sus de l’Aumance. Ancienne dépen- dance d’un prieuré bénédictin, elle est soutenue par de larges contreforts. Le clocher est carré à deux étages, la nef voûtée en berceau, les chapiteaux décorés de feuillages et d’oiseaux. Elle s’enorgueillit de peintures murales du xv e siècle, qui sont des repeints sur de plus anciennes, sans doute du xiii e siècle. On peut voir un Christ en majesté dans le cul-de-four de l’abside, et le martyre de saint Principin, un sujet du royaume des Goths décapité par l’envahisseur. L’édifice doit son salut au festival de musique en Bourbonnais créé en 1966, consacré à la musique de chambre, qui a financé la réfection de la toiture avec les bénéfices générés par ses concerts exceptionnels.

encore visible à certains endroits du village, notamment les portes fortifiées du xii e siècle, comme celle de Varennes qui contrôle l’entrée nord, et a conservé une Vierge protectrice sous sa voûte, ou la porte de Gateuil, plus récente, qui surveille l’accès côté rivière, sous le château. Entre les deux, la vie s’écoule paisiblement derrière les belles façades xvi e et xvii e siècles auxmurs ocre et lourds vantaux de bois, décorées de fenêtres à meneaux ou de portes en ogive.

dotée d’un porche. Comme le château, il est en grès rose qui se pare de couleurs changeantes à l’heure du couchant. Autre clocher, autre église: Notre-Dame a remplacé Saint-Sauveur au xix e siècle dans un style néogothique. L’accès se fait par un escalier en fer-à-cheval, l’oc- casion d’admirer à l’intérieur quelques souvenirs de la collégiale, dont une cuve baptismale en grès du xii e siècle et un retable en bois polychrome du xvi e siècle. L’enceinte de Louis II de Bourbon est

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BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

CHÂTEAUNEUF

Au sud de l’Auxois, cette Bourgogne chantée par Vincenot, il est un bourg de poche qui longtemps somnola, à l’ombre de son fier château. Sa situation privilégiée, en éperon au-dessus du canal de Bourgogne et de l’autoroute du Sud, a fini par attirer l’attention des amoureux des belles pierres. CHÂTEAUNEUF : LA PERLE CACHÉE DE L’AUXOIS T E X T E D E S O P H I E D E N I S

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Depuis le canal de Bourgogne, à vélo ou à pied lors d’une balade bucolique sur les berges ou à bord d’une paisible embarcation sur l’eau, vous verrez apparaître Châteauneuf-en-Auxois coiffé de son château, sublime sur son promontoire rocheux, offrant un paysage majestueux.

Arnaud Chicurel / hemis.fr

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BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

CHÂTEAUNEUF

hâteauneufn’estpasqu’un château, mais il lui doit beaucoup, à commencer par sa renaissance, dans les années 1970. Depuis l’autoroute du Soleil, les candidats aux vacances dans le Sud découvrent la haute silhouette fortifiée qui les toise depuis sa col- line; idem pour les adeptes de la naviga- tion fluviale qui musardent sur le canal de Bourgogne et s’en émerveillent. C Les jolies rues pavées du village comptent de remarquables maisons de marchands aux façades décorées, construites pour la plupart à la fin du Moyen Âge avec la pierre traditionnelle de la région.

Denis Caviglia / hemis.fr x 2

UN DÉCOR DE CINÉMA Peu à peu, le village, durement frappé par l’exode rural depuis le début du siècle, se réveille de sa léthargie, les maisons rouvrent leurs volets, donnent un coup de jeune à leur façade, une association des Amis de Châteauneuf voit le jour et crée des événements. La vie revient, la population retrouve une certaine fierté à habiter le village d’Henri Vincenot (1912-1985) et s’étonne à peine de voir débarquer le monde du cinéma, notamment les caméras de

Jean-Paul Rappeneau pour Les Mariés de l’An II (1971) celles de Claude Lelouch pour Partir, revenir (1985) ou de Jacques Rivette pour Jeanne la Pucelle (1994). Cette célébrité naissante ne monte à la tête de personne! Ici on sait rester entre soi : 90 habitants, contre 500 dans les années 1820, juste avant le creuse- ment du canal de Bourgogne, qui mar- qua le début du déclin du village. Puisque le bourg lui doit sa renais- sance, commençons donc par le châ- teau. Il ne fut classé qu’en 1894 au titre des monuments historiques. L’engoue- ment pour les forteresses à la Viol- let-le-Duc commençant à passer de mode, il fut seulement consolidé. Et pourtant, quelle histoire ! Simple don- jon au xii e siècle, il s’arme à partir du xiv e siècle d’une enceinte et de tours, de courtines couronnées de galeries en bois, d’un fossé et d’un pont-levis. Les Écorcheurs, ces bandes de mer- cenaires désœuvrés, font alors rage dans la région. Un siècle plus tard, un drame frappe les lieux. La châtelaine

LE CHANTRE DE LA BOURGOGNE Né à Dijon, Henri Vincenot est presque un enfant du pays. Il venait en effet passer ses vacances chez son grand-père paternel, forgeron à Châteauneuf, quand il ne fréquentait pas la branche maternelle de Commarin, dont le grand-père était bourrelier. Une enfance heureuse dont il a fait le récit dans son roman La Billebaude. En 1976, dans son émission Apostrophes, Bernard Pivot fait découvrir à la France un romancier en veste de velours, tout en moustache et accent rocailleux, venu parler de son paradis, la Bourgogne des forêts et des rivières, des paysans et des artisans, de ces gens de peu qui habitent les petits villages de l’Auxois et sa nature généreuse.

Ulf Andersen / Aurimages

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Les authentiques ruelles pleines de charme et de verdure, passionnantes à arpenter et ponctuées de singulières découvertes architecturales, sont sublimées par la présence du château bâti à partir du xiv e siècle autour de son donjon du xii e siècle.

Hervé Lenain / hemis.fr x 2

Le château s’arme à partir du xiv e siècle d’une enceinte et de tours, de courtines couronnées de galeries en bois, d’un fossé et d’un pont-levis.

Ci-dessus : Le lavoir ancien cerné de pavés. Ci-contre : Une des superbes maisons médiévales bourgeoises du bourg.

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BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

CHÂTEAUNEUF

Installé à 475 mètres d’altitude, l’imposant château de Châteauneuf, forteresse de 75 mètres de long typique de l’architecture militaire bourguignonne du xv e siècle, domine toute la vallée du canal de Bourgogne.

duché – va transformer le château en lui adjoignant un logis de plaisance à la mode de la Renaissance. Acheté par la région en 2007, le château a conservé son dessinmédiéval,malgré les transformations successives de ses habitants pour le rendre plus confor- table. Logis des hôtes, appartements du Grand Logis, donjon… les siècles s’y côtoient sans heurts, tissant le décor touchant d’une vie à la campagne. Habillée de peintures murales du

Catherine, veuve d’un premier mari mort de la peste, est accusée d’avoir empoisonné le second pour vivre de coupables amours avec son intendant. Elle est brûlée vive à Paris tandis que Philippe le Bon confisque le château. LE GISANT AUX HUIT PLEURANTS Il l’offre à son filleul, négociateur et conseiller favori, Philippe Pot. Ce dernier – sénéchal de Bourgogne, un grand personnage du royaume et du

xv e siècle, la chapelle gothique abrite la copie du gisant de Philippe Pot, entouré de huit pleurants, dont l’original est au Louvre. Dans la grande salle du donjon, on observe des empreintes de pattes de loup, sanglier, chevreuil, sur les car- reaux d’argile. À l’époque, c’est un gri- gri pour chasser les mauvais esprits. La découverte du village commence par l’église voisine du château dédiée à saint Jacques et saint Philippe. De style gothique, elle est complétée par un clocher, bâti au xviii e siècle suite à un incendie. On ne le remarque pas au premier abord, mais le chœur et les chapelles sont légèrement désaxés sur la gauche, pour rappeler la position de la tête du Christ sur la croix. Elle pos- sède une belle statuaire du xv e siècle, notamment un saint Jean-Baptiste de l’école de Claus Sluter, sculpteur origi- naire des Pays-Bas.

En contrebas du village, l’église Saint-Philippe-et- Saint-Jacques, édifiée au xv e siècle sur un plan en croix latine, abrite, entre autres trésors, une statue en pierre polychrome de saint Jean-Baptiste ( xv e siècle).

Denis Caviglia / hemis.fr x 2

LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

UNE STATUE QUI A LA BOUGEOTTE En passant par la porte nord, offrez- vous une échappée par l’allée de la Chaume bordée de tilleuls jusqu’à la petite chapelleNotre-Dame-du-Chêne, bâtie au xviii e siècle pour commémorer une statue découverte dans le tronc d’un arbre, qui chaque fois qu’on la déplaçait, réapparaissait à sa place d’origine. Cette statue, dit-on, aurait arrêté les boulets des troupes d’Henri IV qui assiégeaient le village. Toujours au nord, l’ancienne voie romaine vous conduit jusqu’à un ermitage en ruines. Dédié à saint Julien, il fut le refuge de deux ermites, puis une léproserie, comme l’atteste l’existence d’un ancien cimetière. Vous aurez plus de mal à débusquer les restes de la chapelle Saint-Clément, enfouis sous la végétation à l’est du village. Elle aurait été construite par Catherine de Châteauneuf en hom- mage à son mari et son enfant tués par la peste en 1439. À moins qu’elle n’ait été édifiée en 1456, pour rappeler le supplice de celle qui assassina son second époux. + Office de tourisme, 1 rue de la Coopérative, 21230 Pouilly-en-Auxois. 0380907736; tourismepouillybligny.fr Mairie, Grande Rue, 21230 Châteauneuf. 0380492164; chateauneuf-cotedor.fr

Bertrand Rieger / Détours en France

Une chambre à tapisserie et colombage du Grand Logis ( xv e siècle), un des bâtiments gothiques qui, avec la chapelle et le logis d’hôte, complètent le château.

BLASON DE BICHE OU DE BREBIS La maison en face de l’église n’est pas la plus remarquable,mais elle est celle d’un enfant du pays, Jacques Blondeau (1766-1841), général et baron d’Empire. Ici, la tuile et la pierre sont reines et racontent l’histoire d’une architecture traditionnelle au fil des ruelles d’antan, qui n’ont pas pris une ride. Le nom des places – place des Cochons, des Mou- tons, des Chevaux – pose le cadre d’un bourg rural, les maisons cossues rap- pellent que la cité fut autrefois très commerçante. Au xv e siècle, se tenaient quatre foires annuelles, autour du blé de l’Auxois, du bois et du charbon des

forêts du Morvan et des vins de Beaune. Les marchands prospères ou l’entou- rage de Philippe Pot agrémentaient leurs façades de signes extérieurs de richesse, ici une tourelle, là un linteau gravé ou un blason. Certains nous renseignent sur le nomdes propriétaires, comme cette bre- bis couchée sous un cadran solaire fait allusion à la famille Berbisey; ou à côté de la place aux Bœufs, le blason d’une biche assise sur un os brisé désigne la maison des Bichot. À l’est du bourg, une sente suit une série de jardins, appelés ici courtils, clos de murs et dotés de portes surmontées d’un toit de lave, qui apparte- naient aux riches propriétaires du village.

Frontons et tourelles d’escalier datant des xv e et xvi e siècles agrémentent les belles demeures de pierre ocre, souvent décorées de sculptures et blasons, évoquant leurs riches propriétaires.

Hervé Lenain / hemis.fr

BRETAGNE L’ÎLE D’HOUAT

À l’extrême sud de la terre bretonne, en face de la presqu’île de Quiberon, il est un hameau blanc aux volets bleus dont l’histoire se confond avec le rocher battu par les vents qui l’héberge. « De la mer nous vivons » est la devise de ses îliens depuis des siècles : la terre aux femmes, la mer aux hommes, pêcheurs de homards et de poissons nobles. L’ÎLE D’HOUAT : VILLAGE EN MER T E X T E D E S O P H I E D E N I S

À la sortie du golfe du Morbihan, pleine de caractère et superbement préservée, l’île d’Houat est une destination de rêve pour les amoureux de la nature, qui se régaleront de ses paysages lors de balades iodées aux parfums de liberté.

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Hervé Ronné / Détours en France

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BRETAGNE

Au cœur du bourg, collées les unes aux autres, les charmantes maisons blanchies à la chaux et leurs volets bleus ont un petit air méditerranéen, mais leurs toitures typiques nous ramènent vite en authentique Bretagne.

uand on débarque sur le petit port de Saint- Gildas, une curiosité joyeuse nous saisit : la découverte d’une île est toujours une aventure. Car on ne saurait venir ici pour la seule commune de l’ île d’Houat, tant elle se confond intime- ment avec le gros rocher qui l’abrite, 3,3 kilomètres de long sur la moitié Q

voyage. Les maisons chaulées de blanc et parées de volets bleus lui donnent un petit air de hameau des Cyclades, si ce n’est leurs toitures pentues et recouvertes d’ardoises, plus adaptées à la météo bretonne, et le clocher de l’église qui hèle les bateaux. La vie sur l’ île est très ancienne, comme l’attestent les traces d’un campement préhistorique du quatrième millénaire à Er Yoc’h, à l’est. Les Romains l’appe- laient Siata, les Gaulois ont laissé des vestiges d’ateliers de bouilleurs de sel, une technique ancestrale pour récol- ter le sel en faisant cuire la saumure. C’est Gildas le Sage (vers 495-vers 570), ecclésiastique de Grande-Bre- tagne, fondateur de l’abbaye de Saint-Gildas-de-Rhuis, qui est venu évangéliser ce bout de terre rocheux, avant d’y finir paisiblement ses jours. Les chapelles qui ont été bâties plus

au plus large. Les petits bateaux de pêche colorés, sagement rangés en épi le long du môle et les voiliers des plaisanciers venus découvrir ce petit coin de paradis souhaitent la bienve- nue au visiteur. COMME UN AIR DES CYCLADES Depuis le bateau qui amène les tou- ristes de Port-Navalo, Vannes ou Quiberon, le premier contact avec le village est déjà une invitation au

Le monument aux morts, installé depuis 1922 sur la place entre la mairie et l’église, est coiffé d’une statue de fusilier marin décoré de la croix de guerre et de la médaille militaire 1914-1918.

Hervé Ronné / Détours en France x 2

tard à l’emplacement de son ermitage ont été détruites par les envahisseurs successifs, pirates, anglais, hollan- dais. Car, si petite soit-elle, Houat a attisé bien des convoitises, non pour ses richesses, mais pour son empla- cement stratégique face au continent et à Belle-Île. Du xvi e au xviii e siècle, elle est tombée plusieurs fois aux mains des Anglais et des Hollandais, récu- pérée par les Français et lorgnée par les Espagnols. Datée du xviii e siècle, l’église Saint-Gildas a remplacé une chapelle plus ancienne, et s’est agran- die avec le temps, de deux chapelles, bleus lui donnent un petit air de hameau des Cyclades. Le premier contact avec le village est une invitation au voyage. Les maisons chaulées de blanc et parées de volets

Petites maisons de pêcheurs, ruelles, places… à votre arrivée, prenez la température de l’ île en arpentant son village typique, en respirant son air iodé, en observant la tranquillité de ses habitants.

d’un transept et, un siècle plus tard, d’une sacristie. Sa tour-clocher date de 1856 et sert d’amer aux bateaux qui passent au large de ses côtes, dangereuses en raison de la pré- sence de rochers à fleur d’eau. L’inté- rieur recèle plusieurs curiosités, telle une maquette de bateau de la fin du xix e siècle, trois-mâts ou goélette, qui sort en procession le 15 août, fête de la mer, et le 29 janvier pour la Saint- Gildas ; une statue de la Vierge por- tant une ancre, Maris stella, « étoile de la mer » que l’on retrouve dans les églises des îles du Ponant ; un Christ du xvi e siècle récupéré dans l’ancienne chapelle. Derrière l’église, le cime- tière offre une belle vue sur l’entrée

du port. D’un côté l’église, de l’autre la mairie, et au milieu le monument aux morts, surmonté d’une inhabituelle statue de fusilier marin. Il a été inau- guré en 1922 et a sa réplique exacte dans l’ île jumelle d’Houat, Hoëdic. Entre l’église et la mairie, la place dite des Trois-Pouvoirs, pour les pouvoirs communal, médical et clérical, essen- tiels à la vie îlienne, tout comme la charte de 1822, qui régit la vie sur l’ île pendant quelques décades. UNE PETITE ÎLE OÙ TOUT LE MONDE SE CONNAÎT Il faut déambuler le nez au vent dans les ruelles du bourg pour se faire une idée du quotidien des Houatais. Les

Les façades chaulées habillées de roses trémières et les ruelles pittoresques sont, à l’image de l’île, joyeuses et douces.

Yvon Boëlle / Détours en France x 2

BRETAGNE L’ÎLE D’HOUAT

On arrive sur l’île par le port de Saint-Gildas, situé sur la côte nord, avec au bout de sa jetée, la tourelle blanche à sommet vert du feu à secteurs.

Hervé Ronné / Détours en France x 2

DES FORTS CONTRE LES ENVAHISSEURS

maisons ont beau arborer sur leurs façades un blanc et un bleu de style méditerranéen, elles sont blotties les unes contre les autres et font toit bas pour « faire tête au vent » comme on dit ici, soit pour se protéger du mau- vais temps. Il est vain de chercher un nom de rue sur une plaque ! Les 250 habitants à l’année n’en ont pas besoin, et ici, tout le monde connaît tout le monde. Dans les rues, les bicyclettes remplacent les voitures, les chaises sur le pas de la porte attendent leur occupant et les roses trémières saluent les passants. La pollution visuelle n’existe pas, les lignes électriques sont plus que dis- crètes – l’électricité n’est arrivée qu’en 1963. Il n’y a ni murets ni routes mais de bucoliques sentiers qui ser- pentent à travers l’ île et en font le tour en quatre ou cinq heures pour les visi- teurs les plus courageux. Ici, même s’il y a moins de marins que par le passé, casiers entassés sur les quais du port et bateaux colorés font toujours partie du paysage.

est, le fortin d’En Tal, ancienne caserne bâtie en 1857 pour prévenir un débar- quement britannique, accueillit des pri- sonniers allemands venus construire le port d’Er Beg en 1915; au nord-ouest, en face de la presqu’île de Quiberon, le fort du Béniguet ne reçut jamais de gar- nison. L’un et l’autre sont privés et ne se visitent pas, mais celui d’En Tal abrite des chambres d’hôtes. Le fort construit par Vauban en 1693 pour protéger Belle-

L’île a deux visages: au nord, le pay- sageestaustèreetgranitique, rocheux et fouetté d’écume; au sud, il est plat et ourlé de sable fin et blond, d’eaux tur- quoise dignes des mers du Sud. Ici et là, vestiges de l’occupationhumaine,méga- lithe, lavoir, fontaine, moulin au sud de l’île et deux forts encore debout, tous les deux du xix e siècle. À la pointe nord-

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Le sentier fait le tour de l’île où partout règne la nature, ce qui promet des randonnées pédestres ponctuées de vues enchanteresses, de criques aux eaux turquoise cernées de falaises sculptées et d’une végétation généreuse.

Philippe Renault / hemis.fr x 2

MISSION PATRIMOINE Depuis 2004, l’association Melvan s’attache à faire découvrir Houat et Hoëdic, les îles sœurs jumelles du Morbihan, leurs patrimoines naturel, historique, maritime et social à travers des publications comme La Revue des deux îles, des livres, des expositions thématiques, conférences et projections de films, des sorties sur le terrain accompagnées de spécialistes. Le nom est celui de l’ancienne île aux chevaux, située entre Houat et Hoëdic, trait d’union entre les deux populations d’ îliens, où les uns faisaient venir paître leurs chevaux, les autres récolter le foin. melvan.org

Île, qui repoussa trois ans plus tard avec une quinzaine d’hommes les 500 sol- dats anglais de l’amiral Berkeley, a été démoli. En 1795, 2000 soldats royalistes vinrent se réfugier sur l’île après le débarquement de Quiberon. Cadoudal lui-même vint en 1800 s’y isoler pour rencontrer des émigrés de Londres. Au sud, seul se visite L’Eclosarium. Ce lieu culturel propose à la fois une découverte de l’histoire des Houatais et une plon- gée dans l’infiniment petit du monde marin, à travers un parcours initiatique passionnant. L’Eclosarium est en effet le centre de recherche en biotechnolo-

+ Office de tourisme de l’île d’Houat 14 rue de Verdun, 56170 Quiberon. 0244845656 ; baiedequiberon.bzh Mairie, Le Bourg. 0297306804 ; mairiedehouat.fr

gie marine de la marque de cosmétique Daniel Jouvance. Après, il ne reste plus qu’à aller découvrir à l’est une des plus belles plages de Bretagne, Treac’h er Goured, langue de sable blanc aux eaux translucides, dignes de la Polynésie.

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CENTRE-VAL DE LOIRE

SANCERRE

Entre vallée de la Loire et campagne berrichonne, la cité médiévale des comtes de Sancerre est juchée sur une opulente colline au-dessus d’un méandre du fleuve. Plus connue pour ses vins que pour son patrimoine, elle offre pourtant de jolies découvertes au visiteur curieux, qui racontent un passé mouvementé. SANCERRE : BERRICHON ET FIER DE L’ÊTRE T E X T E D E S O P H I E D E N I S

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Situé à 300 mètres d’altitude, Sancerre domine la vallée de la Loire et 3000 hectares de vignes installées sur des collines et coteaux. Si les AOC dont bénéficient son vin et son crottin de Chavignol ont fait sa réputation, la jolie cité médiévale possède d’autres trésors, à découvrir au fil de ses charmantes ruelles.

Tuul et Bruno Morandi / Détours en France

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CENTRE-VAL DE LOIRE SANCERRE

Du haut de la tour des Fiefs, dernier vestige du château féodal ( xiv e siècle), vue sur l’hôtel particulier qui fut bâti au xix e siècle sur ses ruines.

V

Tuul et Bruno Morandi / Détours en France x 3

u en contrebas depuis la D920ou lecanal latéral à la Loire, Sancerre, juché sur son piton, a cet air de défi des sites qui ont su tenir tête à l‘Histoire et ses vicissitudes. La route en lacet, qui grimpe har- diment jusqu’à l’espla- nade centrale, confirme

est antérieur à la guerre des Gaules : un oppidum était déjà là entre 1200 et 500 av. J.-C. Quelques siècles plus tard, le lieu reçut les reliques de saint Satyrus, un martyr africain, et prit le nom de San Sayre, équivalent en ancien français du Satyrus en latin médiéval. Le cœur de ville est petit et bat entre la Nouvelle Place, autrefois place du Sou-

soupirer d’aise le visiteur : quelle force tranquille se dégage de ces paysages ! L’esplanade s’appelle Porte César, une allusion à l’étymologie, longtemps mise en avant, de Sancerre avec le pri- mat des Gaules : « Sacrum Caesaris », soit « César le sacré », puis « Saint César », devenu « Sancerre ». Un peu tiré par les cheveux, puisque le site

ce sentiment d’impertinence ; plus on se rapproche, plus Sancerre fait le fier. UN SITE ANTÉRIEUR À LA GUERRE DES GAULES Depuis l’esplanade ombragée de tilleuls, le panorama à 360° qui se livre sans aucune retenue sur les méandres de la Loire, le port fluvial de Saint-Satur et le moutonnement des collines viticoles du Sancerrois fait

Les vignes, situées sur la rive gauche de la Loire, sur des collines entre 200 et 400 mètres d’altitude, s’étendent sur 3000 hectares et 14 communes du Cher. Photo : les vendanges du vin de Sancerre au mois de septembre.

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LE VILLAGE PRÉFÉRÉ DES FRANÇAIS

Autre panorama du haut de la tour des Fiefs – seul donjon restant parmi les six du château féodal – pour observer les méandres de la Loire et les coteaux vallonnés.

grand argentier de Charles VII, elle fut récupérée par son fils, maître d’hôtel de Louis XI en 1463 avant de passer à son petit-fils, négociant en étoffes. Une belle tourelle, des fenêtres à meneaux et sous l’une d’elles, le bla- son familial, trois cœurs rouges et trois coquilles, qui atteste de l’iden- tité des propriétaires. En revanche, l’existence d’un souterrain sous la maison qui conduirait jusqu’au palais de Bourges est une légende ! La rue du Carroir-de-Velours (« car- refour » où on vendait des tissus) débouche sur la place du Connétable et la tour des Fiefs. Cette tour, remar- quable pour son histoire, est le seul vestige des six tours et du château du xiv e siècle édifié par les comtes de San- cerre. Il est possible de grimper à son faîte pour jouir de la vue sur l’enchevê- trement des toits et évoquer l’épisode terrible qui marqua l’histoire du vil- lage : le siège de 1573 par les troupes catholiques du gouverneur du Berry, le maréchal de La Châtre.

Hervé Lenain / hemis.fr

venir, métamorphosée en 1980 pour mieux accueillir boutiques d’artisans et terrasses, et la place de la Panneterie. Entre les deux, un entrelacs de ruelles tortueuses invite à la flânerie entre pla- cettes où la vie s’écoule, épicurienne et douce, et maisons anciennes, chargées de souvenirs. LA MAISON DE JACQUES CŒUR L’office de tourisme a déroulé un fil d’ariane tracé au sol en 28 points, dont les plus importants racontent Sancerre à livre ouvert. Pas de monu- ments remarquables, mais un patri- moine harmonieux et authentique, qui confère au village un charme bien à lui.

La rue Saint-Jean conduit le prome- neur jusqu’à l’église Notre-Dame, édifiée en deux temps : entre 1658 et 1660 où les travaux sont suspen- dus, puis après la destruction de la chapelle Saint-Jean par la chute de l’aiguille du beffroi voisin en 1725. Celui-ci, bâti un siècle plus tôt, com- prenait une chapelle, une salle des échevins (les magistrats de la ville) et une salle des cloches. Depuis la construction de l’église auquel il est adossé, le beffroi est devenu son clo- cher. Le laïc et le religieux font ici bon ménage ! À l’angle de la place, la mai- son Jacques Cœur est la plus ancienne du village ( xv e siècle) : confisquée au

Le sancerre est reconnu dès 1936 en AOC pour les blancs, puis en 1959 pour les vins rouges et rosés.

CENTRE-VAL DE LOIRE SANCERRE

La Nouvelle Place, aménagée sur les anciennes halles, est animée par les artisans, les galeries d’art, les nombreux cafés et restaurants.

Hervé Lenain / hemis.fr x 3

UN COCHON SUR LES REMPARTS Après les massacres de la Saint-Bar- thélémy en août 1572, les huguenots du Berry sont venus se réfugier dans la citadelle de Sancerre, vite encer- clée par les catholiques. 7000 hommes contre 2500 assiégés, auxquels se sont joints les catholiques de la ville, visible- ment plus attachés à leur cité qu’à leur religion. L’avantage est dans un premier temps aux protestants mais rapide- ment, le gouverneur décide d’affamer

rage et de morgue se paieront très cher, les murailles furent rasées, les éche- vins passés au fil de l’épée. Le siège fut si épouvantable qu’il fut comparé à celui de La Rochelle. DU COMMERCE ET DES VIGNES Difficile d’imaginer des moments si sanglants en flânant dans le vieux Sancerre d’aujourd’hui. Ornées de tours à escalier, de fenêtres à meneaux, les demeures de pierre qui bordent la place de la Panneterie, comme le Logis Clément ou l’hôtel de la Thaumassière ( xvi e siècle), nous parlent plutôt de douce vie provinciale, de marchés pros- pères et bavards, de réunions familiales autour de l’âtre. La pierre d’ici sent plus le commerce que la guerre, comme dans les ruelles pentues du quartier vigneron, autour de la rue Basse-des- Remparts, où les boutiques vendent À la Maison des Sancerre, créée par les 350 vignerons sancerrois dans une splendide bâtisse du xiv e siècle restaurée et entourée d’un jardin, découvrez les secrets du vignoble à travers un parcours passionnant.

les Sancerrois. Il faudra quand même 5000 boulets de canon et neuf mois de siège pour venir à bout des assiégés, qui meurent littéralement de faim, au point de manger des rats, de l’herbe, des pains de paille et d’ardoise pilée... Une famille tenta même de manger les restes de son enfant mort. Pourtant, les fiers Sancerrois n’ont pas hésité à se balader des jours durant sur les rem- parts avec un cochon en laisse pour narguer les catholiques! Tant de cou-

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