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82 CITY BREAK NANCY

Avec la réouverture de la Villa Majorelle, fleuron de l’Art nouveau, Nancy célèbre ce mouvement décoratif et architectural qui a laissé son empreinte dans la ville au tournant du xx e siècle. Les motifs végétaux et les lignes courbes essaimés sur les façades, les vitraux et le mobilier racontent également l’Histoire politique et industrielle de Nancy et de la Lorraine. AUX RACINES DE L’ART NOUVEAU Mobilier, boiseries,

luminaires, céramiques, vitraux, cuirs, textiles…: le musée de l’École de Nancy offre un large panorama des arts décoratifs revisités par l’Art nouveau. Photo: la salle manger Masson (1906) en acajou, créée par Eugène Vallin pour l’architecte Charles Masson, celui des maisons du parc Saurupt. Les panneaux de cuir sur les murs reprenant un thème de roses, ainsi que le décor plafonnier évoquant les cinq sens, sont l’œuvre de Victor Prouvé.

Avec sa haute tige, épaisse et striée, ses feuilles finement dentelées et ses fleurs en ombelle, la berce-des-prés frappe par ses qualités ornemen- tales. « Cette plante a fortement inspiré les maîtres de l’Art nouveau de Nancy, tout comme le nénuphar, l’orchidée, l’iris ou le lys », commente Valérie Thomas, la conservatrice du musée de l’École de Nancy. Dans le jardin de l’établis- sement installé au sein de la demeure du collectionneur Eugène Corbin, dans la Vieille-Ville, l’historienne rappelle la genèse du mouvement qui éclôt à la fin

du xix e siècle. « L’Art nouveau apparaît de manière concomitante dans plusieurs cités européennes: Barcelone, Helsinki, Glasgow… Il naît dans des villes qui reven- diquent une identité propre. Nancy n’est- elle pas devenue, après 1871, la capitale de l’Est de la France, soucieuse d’affir- mer l’identité lorraine par rapport à l’Al- lemagne? Il établit aussi un rapport fort avec l’industrie: il s’agit de fabriquer en série les pièces conçues par les artistes. L’École de Nancy fondée en 1901 désigne d’ailleurs l’Alliance provinciale des indus- tries d’arts ; elle rassemble verriers,

ébénistes, ferronniers, architectes… Par- tout, enfin, le mouvement impose une volonté de modernité, de rupture avec les arts décoratifs antérieurs. » UNE PATTE NATURALISTE Dans le jardin du musée, trône une folie architecturale: un aquarium en pierre, circulaire, coiffé d’une large ombrelle de verre. À l’intérieur, les motifs végétaux foisonnent sur les vitraux de Jacques Gruber, où quelques poissons louvoient parmi des plantes aquatiques. « L’École de Nancy se carac- térise par une forte patte naturaliste », insiste Valérie Thomas. Pourquoi une telle effervescence artistique ici, à la fin du xix e siècle? « L’annexion de la Moselle et de l’Alsace par l’Empire alle- mand, en 1871, a transformé le destin de Nancy : pour rester français, de nombreux habitants de ces régions se sont installés dans la ville avec, parmi eux, des artistes, des industriels… C’est un moment où la

Formée notamment à l’École du Louvre, Valérie Thomas est la conservatrice et directrice

du musée de l’École de Nancy, depuis 1996.

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