DET

Publication animée

A l s A c e e t l o r r A i n e M05681-222-5,95€-rD BIMESTRIEL-Avril2020-Francemétro:5,95€-BEL:6,95€-LUX:6,80€-DOM:8€-D:8,50€-ESP/ITA:6,95€-CH:11FS-CANADA:10,99$cad-NCAL/S:970CFP-POL/S:1010CFP-GR:7,10€-MAR:65,00MAD ARCHITECTURE CLASSIQUE, ART NOUVEAU… NANCY: LA VILLE OÙ S’ÉPANOUIT LE BEAU Sentiers de l’Histoire, nature préservée, patrimoine insolite… ALSACE LORRAINE V O Y A G E E N T R E VISITES GUIDÉES ET BONNES ADRESSES NANCY / METZ / STRASBOURG ET TERROIRS ATYPIQUES, VITICULTURE BIODYNAMIQUE, MÉTHODES TRADITIONNELLES RENCONTRE AVEC LES NOUVEAUX AMBASSADEURS DE LA ROUTE DES VINS

ÉDITION 2020

VOS ITINÉRAIRES AVEC LA CARTE MICHELIN DÉTACHABLE SPÉCIAL ALSACE- LORRAINE

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Salon Mondial Paris 12 > 15 MARS 2020 P O R T E D E V E R S A I L L E S tourisme du

A la découverte prochaine de votre destination

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Code invitation : DETOURS

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ÉDITO NUMÉRO 200 22

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Quartier de la Petite France, à Strasbourg. Une eau tranquille canalisée par Vauban, bordée de maisons anciennes et ombragée de saules pleureurs. Une carte postale? Non, une carte de visite: celle de toute une région.

L E G O Û T D E S B E A U X P A Y S

Bertrand Rieger / Détours en France

L’Alsace est un pays totalement à part et à part en- tière – ce qui est vrai pour le Pays basque, la Bre- tagne, la Corse, l’Auvergne et les autres… – mais sûrement un peu plus que les autres ! Gilles Pudlowski, Lorrain mosellan devenu Alsacien par amour, le clame dans son Dictionnaire amoureux de l’Alsace : « Longtemps, j’ai cru que l’Alsace était une région française. Avant de comprendre que cette terre si particulière et si particula­ riste – ce qui n’est pas la même chose – se suffisait à elle­ même. » Et, Roger Siffer, l’écolo gaucho-râleur, le combatif comédien-chansonnier-cabaretier de La Choucrouterie (Surkrut Stub) et défenseur de la langue alsacienne, d’y aller de son refrain: « (Notre) situation historique tragique et (notre) situation géographique ont fait que c’est un pays qui a le sens de la moquerie et de l’autodérision. C’est peutêtre un des traits de caractère les plus intéressants et les plus originaux de ces fameux Alsa­ ciensque jenesaispasdéfinir. » Alors, « Alsaceheureuse », conforme à la lourde imagerie patriotique de Hansi? À vous, visiteurs curieux, le soin de mesurer ce « BNB » (Bonheur national brut). Une chose est sûre, allez vous attabler dans une bonne winstub. Dans un de ces cocons cosy, où l’on respecte l’art consommé du bien-manger et du bien-vivre, bat le pouls de la ville et du pays. « Vous ai-je parlé du bonheur, puisqu’il s’agit de cela? Le bonheur sans éclat des pays dont l’âme s’éveille sous le regard qui s’attarde, ces pays que vous quittez mais qui ne vous quittent pas… », suggère le poète Jean-Claude Pirotte, telle une invite à découvrir une Lorraine qui a hérité son nom de son premier roi, Lothaire II de

Lotharingie. De ce voyage lorrain, compère qu’as-tu vu? Une terre tant de fois traversée par les guerres qu’elle demeurait toujours en veille, « terremémoire en alarme où, toujours, battait le sang de son passé ». Terre-fron- tière au carrefour de plusieurs civilisations qui, pour avoir été soumise à toutes les invasions, n’est pas seu- lement dépositaire d’une histoire souffrante. Elle s’est enrichie de tous les échanges, de tous les métissages. Il suffit de se laisser dériver au fil de la Meurthe, de la Moselle, de la Meuse pour débusquer un chapelet de cathédrales, d’abbayes, de châteaux. Metz, minérale et « allemande » jusque dans ses pierres, et Nancy, raffinée et presque italianisante: deux capitales où l’art, la culture, la création n’ont jamais manqué de panache ni d’audace . Quant à une prétendue monotonie paysagère… Pour penser cela, dites-moi, vous n’êtes jamais passé par la Lorraine ou alors, avec de bien gros sabots! Des pentes douces des collines et des étangs du plateau lorrain aux côtes de Toul, en passant par le Pays-Haut ou les forêts de la

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montagne vosgienne, la mélan- colie ne sera jamais votre com- pagne. Dans les lumières et les odeurs des frémissements prin- taniers, passez par la Lorraine, vous m’en direz des nouvelles…

P A R D O M I N I Q U E R O G E R RÉDACTEUR EN CHEF

Bertrand Rieger / Détours en France

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www.detoursenfrance.fr / Avril 2020 / 222

ALSACE ET LORRAINE S O M M A I R E N ° 2 2 2

P. 20 – STRASBOURG, DE L’ALSACE À L’EUROPE

6 LES RENDEZ-VOUS DE DÉTOURS : EXPOS, SORTIES ET COUPS DE CŒUR 12 ENTRE L’ALSACE ET LA LORRAINE, LES BONHEURS DU GRAND EST 14 PORTFOLIO 18 STRASBOURG, DE L’ALSACE À L’EUROPE 20 BALADE ARCHITECTURALE 24 CURIOSITÉS ET GOURMANDISES DANS LA GRANDE-ÎLE 28 DANS LES ARCANES DE NOTRE-DAME 38 LES VINS D’ALSACE 46 CE QUE L’ALSACE ET LA LORRAINE ONT APPORTÉ À LA FRANCE

P. 38 – LES VINS D’ALSACE

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DEUX BALADES DANS LES VOSGES

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METZ : CITY BREAK

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PETITE-ROSSELLE : LA MINE PATRIMOINE

P. 76 – NANCY : CITY BREAK

Bertrand Rieger / Détours en France x 5

LA CARTE DÉTACHABLE ALSACE – LORRAINE

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NANCY : CITY BREAK

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LE GOÛT DU TERROIR : LA MIRABELLE

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MEUSE : SUR LES TRACES DE LIGIER RICHIER

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QUIZ

Une partie de cette édition comprend pour les abonnés: une lettre de bienvenue et une lettre de réabonnement. Pour le kiosque: un encart jeté abonnements. Pour le kiosque et les abonnés: une carte Michelin « spécial Alsace-Lorraine », insérée entre les pages 98 et 99.

MOTS CROISÉS

222 / Avril 2020 / www.detoursenfrance.fr

LE SAILLANT DE SAINT-MIHIEL DE L’OCCUPATION À LA LIBÉRATION 1914-1918 EXPOSITION

8 rue du palais de justice 55300 saint-mihiEl ENTRÉE DE LA BIBLIOTHÈQUE BÉNÉDICTINE

6

T E X T E D E C L I O B A Y L E E T D O M I N I Q U E R O G E R L E S R E N D E Z - V O U S DETOURS DE

R É O U V E R T U R E

LE MUSÉE DE PICARDIE RÉNOVÉ ET AGRANDI

Classé monument historique depuis 2012, le Musée de Picardie vient de rouvrir ses portes après un vaste chantier de rénovation qui aura duré près de quatre années. Cette institution d’Amiens, ouverte en 1867 sous l’impulsion de la Société des antiquaires de Picardie, est l’un des plus anciens musées de France. Outre un nouveau visage et une nouvelle scénographie, signée des architectes Catherine Frenak et Béatrice Jullien, les visiteurs y découvrent une muséographie repensée, favorisant la rencontre entre les diverses collections. Objets archéologiques, sculptures, peintures, photographies et installations artistiques…: au total, 3000 œuvres ont retrouvé le devant de la scène, certaines l’ayant quitté il y a plusieurs décennies, faute d’espace d’exposition.

Musée de Picardie. Réouvert au public depuis le 1 er mars 2020. Tarif: 7 €. 2 rue Puvis-de-Chavannes, 80000 Amiens. 0322971400. amiens.fr/musee

Irwin Leullier

LA SEINE-SAINT-DENIS VOIT LA VIE EN JAZZ

Le jazz s’apprête à faire vibrer, un mois durant, le département de la Seine-Saint-Denis, avec des incursions dans le Val-d’Oise, les Hauts-de-Seine et à Paris. 25 soirées, une quarantaine de groupes, 16 villes… La programmation de cette 37 e édition s’annonce riche, très riche, avec, de nombreuses créations, des inédits, des découvertes… Pour ceux qui auraient manqué l’édition précédente, sachez qu’une série documentaire, en 6 épisodes, Dynamo – Le Courant continu, tournée pendant le festival 2019, sera diffusée à partir du 7 mars, sur la chaîne de télé viàGrandParis.

Festival Banlieues bleues – Jazz en Seine- Saint-Denis. Du 6 mars au 3 avril 2020. Tarif: 10 €. Pass Dynamo: 20 ou 24 € pour 4 concerts. 0149221010. Programmation détaillée: banlieuesbleues.org

F E S T I V A L

E. Rioufol

222 / Avril 2020 / www.detoursenfrance.fr

Villa Majorelle. Tarif: 6 €. 1 rue Louis- Majorelle, 54000 Nancy. 0383853001. musee-ecole- de-nancy. nancy.fr

S. Levaillant x 2

LA VILLA MAJORELLE EST REDEVENUE BELLE

Emblème de l’Art nouveau, à Nancy, la Villa Majorelle a rouvert ses portes au public après plusieurs mois de travaux. Elle faisait l’objet d’une ambitieuse campagne de rénovation, entamée en 2016. Cette œuvre d’art complète, commandée à l’architecte Henri Sauvage en 1901

A R T N O U V E A U

par l’ébéniste et décorateur Louis Majorelle, avait perdu son lustre depuis que son fils avait vendu la maison, à la fin des années 1920. Les décors d’origine et l’ameublement des pièces ont notamment pu être restitués le plus fidèlement possible grâce à des photographies d’époque. La Villa Majorelle invite désormais les visiteurs à une immersion esthétique dans le Nancy de 1900 et dans l’intimité familiale de l’artiste et de sa famille.

S’il y a un bouchon dans le coin, vous le saurez.

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H UMO U R

DR

25 PRINTEMPS POUR LE FESTIVAL DU RIRE

Durand-Ruel et Cie

PAUL DURAND-RUEL FAI T IMPRESSION À YERRES

25 printemps, ça se fête! Pour

Cinq figures du post-impressionnisme réunies pour une rétrospective. Pour la première fois, les œuvres d’Albert André, Georges d’Espagnat, Gustave Loiseau, Maxime Maufra

l’occasion, le festival humoristique de Haute-

P E I N T U R E

et Henry Moret seront réunies lors d’une exposition, à la Propriété Caillebotte de Yerres. Ils font partie de la « troisième génération » d’artistes soutenus par le célèbre marchand d’art Paul Durand-Ruel (1831-1922). À partir des années 1890, sur les conseils de Monet et Renoir, le galeriste décidait d’accorder à ces jeunes peintres le même soutien indéfectible qu’il apportait depuis presque vingt ans à leurs maîtres à peindre. Un pari qui s’avéra, là encore, payant. Paul Durand-Ruel et le post-impressionnisme. Du 8 avril au 20 septembre 2020. Tarif: 8 €. Propriété Caillebotte (Ferme Ornée). 8 rue de Concy, 91330 Yerres. 0180372061. proprietecaillebotte.fr

Garonne a vu les choses en grand, conviant plus d’une centaine d’artistes. Parmi eux, aussi bien des têtes d’affiche (Sophia Bigard) que des stars montantes (Jeanfi, Farah, Paul Mirabel). Dans le cadre du « off », on retrouvera Monsieur Fraize et Axel Lattuada. Aram, Anne Roumanoff, Jean-Marie

D É F I L É

SOLEIL ET FLEURS EN FÊTE AU LAVANDOU Au Lavandou, on sait accueillir le printemps dignement. Le 8 mars prochain, un flot de couleurs, de senteurs et de musique déferlera sur ce charmant village en front de mer, situé près de Bormes- fleuri: un défilé de plus d’une vingtaine de chars habillés de végétation naturelle. Cette année, la fête prend des accents sud-américains: l’Eldorado, l’insaisissable cité d’or, objet de tous les fantasmes. L’événement se clôturera, comme chaque année, par une grande bataille de fleurs. les-Mimosas, dans le Var. Au programme du Corso

Le Printemps du rire se fait

aussi dénicheur de talents: son « Gala » met en avant 6 jeunes artistes avec, pour marraine, Antonia de Rendinger. Printemps du rire. Du 6 mars au 5 avril 2020. Tarifs: de 5 à 50 €. 91 spectacles, 47 salles partenaires en Haute-Garonne. 0630295019. Programmation détaillée: leprintempsdurire.com

Corso fleuri du Lavandou. Le 8 mars 2020. Tarifs: 7 € au promenoir; 18 € en tribune; gratuit pour les enfants de moins de 12 ans. 0494004050. ot-lelavandou.fr DR

222 / Avril 2020 / www.detoursenfrance.fr

Collection privée x 2

G randes forêts, rivières et lacs, une histoire partout présente et qui se raconte, des loisirs sportifs et culturels. Découvrez une destination riche de nombreux trésors au coeur du Massif des Vosges NATURE, PATRIMOINE ET ART DE VIVRE !

UN COLLECTIONNEUR ACCROCHE SES RÊVES AU MUSÉE DE FLANDRE E X P O S I T I O N Il n’existe pas plus acharné qu’un collectionneur passionné. L’exposition Sacrée Architecture ! La Passion d’un collectionneur, actuellement présentée au musée de Flandre, à Cassel, le prouve encore s’il en était besoin. Elle réunit la cinquantaine de tableaux patiemment acquise par un seul homme qui rêvait d’être architecte. Toutes les œuvres ont le même sujet: les intérieurs d’églises, peints par des artistes flamands et hollandais des xvi e et xvii e siècles. En pleine fougue baroque, ces peintres initient une nouvelle manière de suggérer le divin, à travers les lignes du bâti et l’utilisation de la lumière.

Sacrée Architecture! La Passion d’un collectionneur. Jusqu’au 14 juin 2020. Tarif : 6 €. Musée de Flandre. 26 Grand’ Place, 59670 Cassel. 0359734559. museedeflandre.fr.

OFFICE DE TOURISME INTERCOMMUNAL SAINT-DIÉ-DES-VOSGES Tél : 03 29 42 22 22 tourisme@vosges-portes-alsace.fr www.vosges-portes-alsace.fr

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LES RENDEZ-VOUS DE DÉTOURS

LES COUPS DE CŒUR DE LA RÉDACTION

Notre sélection de livres et de guides

Q U A N D C ’ E S T B O N , C ’ E S T M E I L L E U R

Se mettre à table. L’expression offre deux lectures possibles: s’attabler autour de quelques mets seul ou entre amis, ou passer aux aveux. Avec ce pavé gourmand de 400 pages, petit bijou éditorial (maquette, approches thématiques, portraits…), Michelin soulève le couvercle des faitouts, cocottes, marmites, braisières et autres tajines, woks ou cuiseurs-vapeur des cuisines du monde entier (25 pays « passent à table »), de la street-food à la haute cuisine. Vous ne faites aucune différence entre pizza napolitaine et pizza romaine? Vous ignorez tout de ce qui distingue le gyoza de l’okonomiyaki? Le M replace les couverts au bon endroit. Au gré de ce voyage aux pays des saveurs, vous croiserez de grands chef(fe)s (Sophie Pic, Alain Passard, Gordon Ramsay…), qui vous révèlent les partitions secrètes de leur piano. Un art de bien se tenir à table sans fausse note… ou presque. En effet, alors que le Guide Michelin 2020, petit livre rouge de la géopolitique gastronomique, a pu surprendre par son palmarès étoilé, le M, lui, ne nous livre pas les critères de notation de ses inspecteurs... Tout juste apprenons-nous que ce sont des « globe-trotters du goût », qui parcourent en moyenne 30000 kilomètres par an. Mais l’amertume ne fait pas toujours le bonheur des papilles! Alors, terminons le repas en mentionnant les récompenses octroyées (pictogramme d’une feuille) aux chefs engagés dans la préservation de l’environnement, qui privilégient le locavore, les productions bio, la pêche artisanale…

M – Le Grand Livre du Guide Michelin, sous la direction de Philippe Toinard. Éditions de La Martinière; 384 pages, 39 €.

Les Éditions Hervé Chopin ont la passion de la France L’Alsace vue du ciel, de Gilles Pudlowski (préface) et Tristan Vuano (photographies). Éditions Hervé Chopin; 228 pages, 28,50 €.

GEOBook, 1000 idées de séjours en France – Bien choisir ses vacances. Éditions GEO; 400 pages, 29,95 €.

Vous aimez la France mais vous la connaissez qu’imparfaitement. Vous vous demandez où et quand partir? Qu’emmener? Que faire et voir? Ce guide, mis à jour et enrichi (photos, conseils…) par des voyageurs experts, devrait vous inspirer de nombreuses idées d’évasion. Pour chaque destination, les infos pratiques et les points d’intérêts à découvrir sur place. Des tableaux

chevillée à leur catalogue de beaux livres, notamment avec la collection « Images d’antan » ou « Terres d’outre-mer ». Cette fois, elles ont confié à Tristan Vuano le soin de nous faire découvrir l’Alsace. Une mission entre de bonnes mains puisque le photographe est natif d’Eschentzwiller, village d’un Sundgau méconnu. Toutes les photos ont été prises depuis un avion ou un ULM. Outre leur qualité esthétique, elles surprennent car elles révèlent d’infinis détails, alors que l’altitude privilégie la vue d’ensemble. « L’Alsace est-elle plus belle encore vue du ciel? », interroge le critique gastronomique et écrivain Gilles Pudlowski. Ce superbe ouvrage amorce une réponse.

pour choisir son voyage selon ses goûts, la distance, le coût et la durée de séjour. Et des focus sur les tendances des vacances: écoresponsables, GR mythiques, la France du bout du monde, hôtels de légende, méditation...

L’Or des marées – Tome 1: Les Moissonneurs de la mer, de François Debois et Serge Fino. Éditions Glénat; 48 pages, 13,90 €.

Suite au succès de la série Les Chasseurs d’écume (en 8 tomes, Glénat), le dessinateur de BD Serge Fino et son complice scénariste François Debois ont adapté le best-seller du Finistérien Joël Raguénès, Le Pain de la mer (Lattès). L’histoire? Yann Kerléo, gardien de phare léonard, rejoint le plancher des vaches pour célébrer ses épousailles avec Anne. Il devient pigoulier, soit goémonier.

Des pains de soude artisanaux concoctés à même la grève, à l’essor d’une industrie de l’algue, c’est le récit d’une Bretagne qui, pour être ancrée dans les traditions, lutte, crée, invente. Une saga historique, sociale et romanesque.

222 / Avril 2020 / www.detoursenfrance.fr

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Bertrand Rieger / Détours en France 12 PORTFOLIO

Quand on traverse la plaine d’Alsace, les villages se succèdent au rythme des millésimes viticoles. À Hunawihr, coquet village du Haut- Rhin, aux maisons à colombages ( xvi e - xviii e siècles), serti d’un océan de vignes, le soleil veille sur deux renommés cépages : le riesling et le gewurztraminer.

200 / avril 2017 / www.detoursenfrance.fr

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Toutes deux sont autant liées par l’Histoire, qu’elle les différencie. La Lorraine, convoitée, envahie, s’est nourrie au contact de plusieurs civilisations, jusqu’à forger sa belle personnalité, ouverte sur le monde. Des sites industriels qui firent la gloire de la sidérurgie à la grâce architecturale de Nancy, via les trésors artistiques de la vallée de la Meuse, la Lorraine n’est pas avare de surprises. Quant à l’Alsace, elle est heureuse depuis qu’Oncle Hansi lui accrocha une guirlande de dessins. Des clichés ? Devant une choucroute aussi haute dans l’assiette que les « montagnes » du massif des Vosges, sur la Route des vins ou dans les recoins de Strossburi, à vous de trouver la réponse… E N T R E L ’ A L S A C E E T L A L O R R A I N E DOSSIER RÉALISÉ PAR FLORENCE DONNAREL (TEXTE) ET BERTRAND RIEGER (PHOTOGRAPHIES) LES BONHEURS DU G AND EST

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Le monument américain de la butte de Montsec, dans la Meuse. Érigée en pierre d’Euville, la rotonde à ciel ouvert commémore les offensives menées par les Américains sur le saillant de Saint-Mihiel, lors de la Première Guerre mondiale. militaire entre la France et les États-Unis ayant permis la reconquête du secteur en 1918. Las, on le sait, la Grande Guerre ne fut pas comme Elle est, depuis 1932, le symbole de la coopération espéré « la Der des ders » : les lieux, investis par l’armée du Reich et endommagés, classé Monument historique, est en accès libre toute l’année. Vous observerez, depuis le sommet de cette butte isolée, un panorama très étendu: à l’ouest sur la Woëvre et les côtes de Meuse; au nord-est sur le lac de Madine et la retenue de Nonsard-Pannes. durent subir quelques ravalements. Le site,

Bertrand Rieger / Détours en France Détours en France 14

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Philippe Roy / Détours en France

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Boris Stroujko / Alamy / hemis.fr

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Faut-il qu’il soit exceptionnel! Eguisheim est l’un des villages les plus visités d’Alsace. Parce qu’il est l’un des plus beaux de cette très belle région? Bien sûr, avec ses façades Renaissance fleuries et ses cours dîmières, il a de quoi séduire les amateurs de « vieilles pierres ». Nulle désobligeance dans ces deux termes quand ils s’appliquent aux oriels, inscriptions sur les linteaux, écus gravés au-dessus des portes, fenêtres à meneaux, portes aux vantaux sculptés… Dans ce coin d’Alsace, les « pierres » sont surtout uniques. Eguisheim est aussi une étape prestigieuse de la Route des vins d’Alsace, et dispose de la plus importante de rues, les caves, aux portes grandes ouvertes, proposent à la dégustation deux grands crus locaux, bien fruités: l’eichberg et le pfersigberg. G’sundheit! (« Santé !») cave coopérative de la région. Ceci explique-t-il cela? À chaque angle

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Le Shadok, tête de pont de l’aménagement du môle Seegmuller, sur la presqu’île Malraux. Depuis 2015, le bâtiment industriel accueille un lieu de travail partagé et d’expérimentation créative autour des nouvelles technologies. Il a lancé le chantier d’un vaste programme: logements, commerces, école de management, bureaux…, signant la mutation immobilière de Strasbourg, capitale Européenne.

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Deux ouvrages monumentaux dessinent l’identité de Strasbourg. La cathédrale Notre-Dame, chef-d’œuvre de grès rose qui perce le ciel de sa flèche séculaire, et le Parlement européen, vaisseau de verre amarré au bord de l’eau de cette ville-carrefour. Autour de ces deux totems, un cœur médiéval, bastion de la gastronomie alsacienne, et de nouveaux quartiers, nés de la construction européenne et de la réappropriation des anciens docks. La promesse d’une déambulation à deux temps, éclairée et gourmande, dans la capitale du Grand Est. STR ASBOURG DE L’ALSACE À L’EUROPE C I T Y B R E A K

T E X T E D E F L O R E N C E D O N N A R E L – P H O T O G R A P H I E S D E B E R T R A N D R I E G E R

20 CITY BREAK

STRASBOURG

marques, il faut regarder au sol, où est indiquée la direction de la cathédrale de Strasbourg. Cela n’empêche pas les nouveaux députés d’être déboussolés à l’intérieur du bâtiment, cherchant leur chemin dans un labyrinthe de couloirs et une succession d’escaliers. Tous se retrouveront dans l’allée principale, sous la grande verrière et son ballet d’ascenseurs transparents menant à l’hémicycle. Micro et appareil photo en main, des journalistes bondissent vers les députés pour obtenir un commen- taire. Bientôt, une sonnerie annonce le début de la session. Les huissiers en queue-de-pie contrôlent d’un regard les élus à la couleur de leur badge. Toutes les langues européennes résonnent dans les couloirs, transformant l’édi- fice en tour de Babel du xxi e siècle. Dans la ville aussi, le Parlement imprime son rythme et ses idiomes. Tous les mois, ce sont jusqu’à 5000 personnes venues des 28 États-membres de l’Union euro- péenne (dont encore le Royaume-Uni, à l’heure où nous écrivons ces lignes)

Il y a plus de vingt ans, l’inauguration de l’actuel siège du Parlement européen amorçait le rayonnement international de la cité alsacienne. Portée par cet élan et une attractivité incontestée, la ville se métamorphose. BALADE ARCHITECTURALE

C’est le jour de la rentrée, au Parle- ment européen. Ce 2 juillet 2019, les nouveaux députés convergent vers le bâtiment Louise-Weiss pour la ses- sion inaugurale de l’assemblée dési- gnéeenmai. Aux abords de l’édifice, les élus et leurs assistants, badge autour du cou, doivent se frayer un passage parmi les milliers d’indépendantistes catalans drapés dans leur bannière colorée. Quelques députés britan- niques libéraux-démocrates attirent le regard avec leur T-shirt jaune et leur injonction « Stop Brexit ». À Strasbourg, le visiteur a rendez-vous avec l’Europe. TOUR DE BABEL DU XXI E SIÈCLE Au nord-est du centre historique, le bâtiment du Parlement européen dessine une longue courbe de verre, qui épouse les rives de l’Ill et du canal de la Marne au Rhin. Une tour circu- laire émerge. Son sommet inachevé symbolise le projet européen, en per- pétuelle construction. Au centre de la tour, une place, sorte d’agora fer- mée par de hautes façades, dont les centaines de fenêtres produisent un effet vertigineux. Pour reprendre ses

Ci-dessus : Le palais de l’Europe, entouré des drapeaux des États- membres. Inauguré en 1977, il est le siège du Conseil de l’Europe, organisation distincte de l’Union européenne. Photo du haut et ci-contre: Le bâtiment Louise-Weiss, siège du Parlement de l’Union européenne à Strasbourg.

222 / Avril 2020 / www.detoursenfrance.fr

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qui arrivent à Strasbourg pour la ses- sion plénière qui s’étale sur 4 jours, du lundi 17h au jeudi 14h. Les restaurants assurent jusqu’à trois services par soir, les hôtels affichent toujours complet. L’EUROPE ANCRÉE À L’ANNÉE Mais au-delà de ces quelques jours d’effervescence, l’Europe est bien présente toute l’année à Strasbourg. De l’autre côté de l’Ill, sur une pelouse taillée de près, le Conseil de l’Europe occupe un bâtiment moderne aux allures de forteresse. L’institution fondée en mai 1949 regroupe 47 pays et se distingue du Conseil européen, propre à l’Union européenne, qui siège à Bruxelles. Ses champs d’action? La protection des droits de l’homme, les affaires sociales, l’éducation, la culture et l’environnement. Plus de 2000 per- sonnes travaillent sur ces sujets, papil- lonnant entre six bâtiments du quartier rendu agréable par le foisonnement végétal du parc de l’Orangerie. Prisé des Strasbourgeois pour ses aména- gements classiques et son élevage de cigognes, l’espace vert réjouit les sens par sa fraîcheur et son parfum de chlo- rophylle. Tout près, l’édifice de la Cour européenne des droits de l’homme se démarque. Aux abords, des messages de colère de plaignants, placardés

Depuis le31 janvier 2020, l’UE compte 705 députés. Le bâtiment Louise-Weiss est conçu pour en accueillir un millier. Lors des séances plénières, le siège strasbourgeois est en ébullition, avec les journalistes qui s’invitent

dans les couloirs.

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22 CITY BREAK

STRASBOURG

PRÈS DU FLEUVE, LES ENTREPÔTS ET LES ANCIENS SILOS ONT ENTAMÉ UNE NOUVELLE VIE, SANS PERDRE LEUR ÂME INDUSTRIELLE. LA BIBLIOTHÈQUE ANDRÉ-MALRAUX, UNE RÉSIDENCE ÉTUDIANTE, DES LOGEMENTS ET DES COMMERCES OCCUPENT CES ESPACES RÉHABILITÉS AVEC SOIN.

Quelques infrastructures devenues emblématiques de Strasbourg: la médiathèque André-Malraux et les tours jumelles Black Swans (photo du haut); la tour Elithis (ci-dessus); le pont Beatus-Rhenanus (ci-contre).

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Ci-dessus : Le Shadok. Photo de

gauche: La tour Elithis perçant entre les Black Swans. Depuis 2017, ces tours signent la reconversion du site industrialo- portuaire en un quartier de centre-ville. Ci-contre: Le Palais des droits de l’homme (1995), qui abrite la Cour européenne du même nom.

sur des poteaux ou des espaces d’affi- chage, témoignent des espoirs placés dans cette Cour qui peut être saisie pour contester la justice de son État. La construction, inaugurée en 1995, est à l’opposé du Parlement, à la confluence de l’Ill et du canal de la Marne au Rhin. Deux vastes tambours métalliques sur pilotis captent l’attention. « Bien sûr, on peut y voir la balance de la Justice, confie Claude Bucher, le co-architecte avec Richard Rogers. Mais c’est surtout la symbolique d’un bateau amarré à Stras- bourg, ville de la réconciliation entre la France et l’Allemagne et siège des insti- tutions européennes qu’il faut retenir. » Depuis le pont Germain-Muller, laméta- phore s’impose, tant la longue façade en gradins penchée au-dessus de l’eau évoque les lignes d’un paquebot. C’est aussi au bord de l’eau que nous donne rendez-vous Éric Chenderow- sky, directeur de l’Urbanisme et des Territoires à l’Eurométropole. Plus exactement au sud-est de la Vieille- Ville, sur la presqu’île Malraux formée par une ancienne darse aménagée sur le canal du Rhône au Rhin. « L’agglomé- ration, avec ses 33 communes, compte 240 kilomètres de cours d’eau, précise- t-il pour souligner le lien fort entre la ville et l’élément aquatique. Ce passage 2000 NOUVEAUX STRASBOURGEOIS PAR AN

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photovoltaïques sur une de ses parois. Son allure déstructurée et sa grande terrasse partagée, au 16 e étage, la sin- gularisent. Elle marque l’entrée dans le nouveau quartier Danube auquel succède, plus loin, celui des Deux- Rives. « Strasbourg accueille 2000 nou- veaux habitants par an. La ville s’étend ici, sur des terrains portuaires ou indus- triels abandonnés près du Rhin. » Depuis 2017, le tram dessert la ville allemande de Kehl, de l’autre côté du fleuve. En lisière du port de Strasbourg, le « Projet Coop » participe de ce nouvel élan de l’urbanisme. Les bâtiments de l’ancienne Union des coopéra- teurs d’Alsace, un réseau de distribu- tion emblématique de la région, sont réaménagés pour accueillir, en 2024, logements, équipements culturels et espaces solidaires. « L’esprit coopé- ratif continuera de souffler en ville », se réjouit Éric Chenderowsky.

a d’ailleurs été percé en 1880 pour com- muniquer avec le canal de la Marne au Rhin. » Dans ce quartier désormais nommé Rivétoile, au sud-est du centre historique, deux grues restaurées rap- pellent le passé portuaire. Les entre- pôtset lesanciens silosont entamé, eux, une nouvelle vie, sans perdre leur âme industrielle. La bibliothèque André- Malraux, une résidence étudiante, des logements et des commerces occupent ces espaces réhabilités avec soin ces dernières années. Une certaine audace architecturale a fait pousser trois éton- nantes tours au fond de la darse. Les Black Swans, jumelles noires tout en l’élégance avec leurs garde-corps et brise-soleil au motif résille, font aussi claquer les couleurs avec des élé- ments de façade bleu roi et rouge vif. Derrière elles, la tour Elithis, inau- gurée en 2018, affiche un bilan éner- gétique positif grâce à des panneaux

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Des Ponts couverts à l’église Saint-Thomas, de la splendide maison Kammerzell à la cave des Hospices civils, le cœur historique de Strasbourg, enlacé par les bras de l’Ill, invite à une flânerie qui éveille les sens et l’esprit. CURIOSITÉS ET GOURMANDISES DANS LA GRANDE-ÎLE

Sud-Ouest de la Vieille-Ville. « Les Strasbourgeois n’aiment pas trop cette dénomination, souligne la sémillante Jeanne Loesch, 90 ans en avril!, connue pour sa passion de l’Histoire locale. Elle fait référence au mal français – la syphi- lis – qui se soignait par des plantes dans un hospice, fondé en 1520 dans l’ancienne commanderie de Saint-Jean de Jérusa- lem. C’est aujourd’hui le site de l’Ena, l’École nationale d’Administration, visible au bout de la rue du Bain-aux-Plantes. » Une voie bien nommée : au Moyen Âge, une corporation de tanneurs s’est ins- tallée dans ce quartier baigné de quatre canaux équipés de moulins. À l’angle de la place, une maison à colombages à deux étages a conservé la galerie extérieure où séchaient les peaux. Depuis plusieurs décennies, l’ancienne maison des Tanneurs abrite un restau- rant traditionnel fort réputé. Devant un foie gras alsacien ou un sandre sauce matelote, les amateurs de bonne chère y observent les bateaux-mouches Plutôt Neustadt ou Petite France? À Strasbourg, chaque quartier a son Histoire. La Neustadt (« nouvelle ville ») est née pendant l’annexion de la région, de 1871 à la Grande Guerre, à l’Empire allemand. Lequel a essaimé lycée, habitations, édifices religieux…, triplant la superficie de la ville. Quant à la Petite France, elle a gardé la marque d’un passé médiéval prospère mais laborieux.

Quelques vélos sont accrochés à la balustrade dressée au-dessus de l’eau. Deux grands platanes prodiguent leur ombre rafraîchissante à la terrasse

d’un café. Des maisons colorées à pans de bois alignent leur décor sur les quais. Nous sommes place Benjamin- Zix, dans la Petite France, à la pointe

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poteau d’angle d’une maison à pans de bois, rue des Dentelles: des ciseaux pour râper les peaux. Nous sommes bien dans le quartier des tanneurs! UNE VILLE D’ORGUES Tout près, place Saint-Thomas, l’église protestante éponyme abrite deux curiosités. L’orgue grandiose en bois blond, niché au-dessus de l’entrée, est le chef-d’œuvre du facteur stras- bourgeois Jean-André Silbermann, dont la famille réalisa treize instru- ments pour les églises de la cité au xviii e siècle. En 1778, Mozart exécuta son jeu virtuose sur cet orgue, tandis qu’Albert Schweitzer, grande figure strasbourgeoise, théologien protes- tant, philosophe, médecin et organiste, participa à le sanctuariser. Il y a 113 ans, il instaura dans l’église, la tradition des concerts-anniversaires pour la mort de Jean-Sébastien Bach, le 28 juillet. À l’opposé de l’orgue, au fond du chœur, le mausolée du maréchal de Saxe livre, quant à lui, une partition baroque orchestrée par Jean-Baptiste Pigalle. Une autre église réformée se cache dans le quartier, rue du Bouclier. « En 1787, à la suite de l’Édit de Tolérance qui autorise la paroisse protestante à reve- nir à Strasbourg, les nouveaux temples >

de l’architecte militaire de Louis XIV après le rattachement de Strasbourg au royaume, en 1681. En amont des Ponts couverts, il renforçait leur système défensif devenu obsolète en permet- tant d’inonder les fossés de Strasbourg en cas de siège. « Au cours du temps, les nationalités, les religions et les langues ont souvent changé dans notre région. Le ciment de notre identité reste le dia- lecte alsacien. » Avant de nous quitter, près de la place Benjamin-Zix, Jeanne Loesch désigne des sculptures sur le

franchir un pont tournant en direction des Ponts couverts proches. Là, trois tours médiévales fortifiées semblent toujours commander l’entrée de la ville, silhouettes fières au-dessus des canaux. Elles sont désormais reliées par des ponts en grès et non plus des passerelles en bois couvertes… À la confluence des canaux, les bateaux- croisières effectuent leur demi-tour devant un autre monument de la ville. Muraille de pierre portée par 13 arches, le barrage Vauban est bâti sur les plans

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L’église protestante Saint-Pierre-le-Jeune. La construction principale, avec sa somptueuse voûte sur croisée d’ogives, date du xiv e siècle; tout comme lejubé, surmonté d’un orgue Silbermann (1780).

sculptée et sa flèche ajourée. Avant d’apprivoisercedécorpresque irréel, on peut s’attarder sur le colombage riche- ment orné de la maison Kammerzell, bijou Renaissance de la ville, avec ses trois étages en encorbellement.

cette « Grande-Île », là où s’élèva, au Moyen Âge, la cathédrale. Un agréable étourdissement cueille le visiteur qui pénètre sur le parvis depuis la rue des Hallebardes, lorsque surgissent la monumentale façade de grès rose

doivent être discrets, bâtis sans clocher et à distance de la rue, explique le pas- teur Pierre Magne, dans la cour de l’église du Bouclier qui s’est conformée à ces principes . Aujourd’hui, Strasbourg compte la plus grande communauté de protestants en France. Près de 15 % de la population de la ville. » À quelques mètres de là, nous nous engageons dans la Grand’Rue et sa collection de maisons anciennes flanquées d’oriels. Certaines dissi- mulent des cours intérieures derrière de lourds portails en bois. Comme au numéro 120, occupé par la librairie Quai des Brumes, tout en moulures. Le tracé rectiligne de l’artère est la rémi- niscence de la voie militaire romaine qui, depuis Saverne, rejoignait le camp de légionnaires installé entre les deux bras de l’Ill. Plus loin, la rue des Halle- bardes suit l’ancien Decumanus. Nous voilà dans le secteur le plus haut de TAVERNES À VIN ET MAISONS DE LA CHOUCROUTE

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Le canal du Faux Rempart, qui entoure la Grande Île, est régulé par plusieurs écluses, dont celle de la Petite France, construite en 1765.

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Les 75 fenêtres à cives flattent le regard. La demeure abrite un fleu- ron gastronomique qui a remis au goût du jour Le clocheton en lanterne du bâtiment principal ( xviii e siècle, ci-dessus) des Hospices civils se place dans la perspective des clochers des églises avoisinantes. Dont la flèche ouvragée (1439, photos de droite) de la cathédrale Notre-Dame.

l’accès dans le vaste espace dévolu à la méde- cine depuis le Moyen Âge. Dans les entrailles du bâtiment baroque des Hospices civils, long de 150mètres, des colonnes gothiques trapues sou- tiennent les deux nefs d’une cave multisécu-

laire: elle a été créée… en 1395. L’hôpi- tal, propriétaire de nombreuses terres viticoles à la fin de Moyen Âge, y élevait son vin. Cette activité faillit bien dispa- raître au début des années 1990 mais, depuis, une association de vignobles a relancé ces chais. Point de nostal- gie donc, dans la galerie des foudres en chêne, avec des tonneaux et des vins historiques, dont un millésime de 1472! Le dernier à l’avoir goûté serait le général Leclerc, le libérateur de Stras- bourg, le 23 novembre 1944.

la choucroute de poissons. « Avec du flétan, du saumon et du haddock, nous composons un effet de crescendo », explique son chef Hubert Lépine. Rue des Sangliers, une autre table de la ville cultive la tradition. Chez Yvonne est une winstub, un bistrot à vin, depuis 1873. Tables, banquettes, décor mural, poutres apparentes… Tout est en bois dans cet écrin de convivialité, rehaussé de rideaux à carreaux rouges. « Après 1870, les Alsaciens se réunissaient autour d’un verre de blanc dans les winstubs. Ils parlaient en français dans le but de nar- guer l’occupant allemand et faisaient de la résistance culturelle en refusant de boire de la bière, pour consommer du vin. Ici, nous avons voulu garder l’âme de la winstub, avec une seule bière proposée sur notre carte », explique Marjolaine de Valmigere qui a repris, avec son frère Julien, l’affaire familiale en 2011. UNE CAVE HISTORIQUE DANS LES HOSPICES CIVILS Cet amour du vin suggère une autre escale strasbourgeoise. Au sud de la cathédrale, il faut emprunter une des

rues qui descendent vers l’Ill, fran- chir la rivière et, sur la rive opposée, prendre le temps de contempler la Vieille-Ville depuis le quai des Bate- liers, piéton depuis quelques mois. En fin de journée, alors que le soleil dore les façades des maisons à pans de bois, visiteurs et habitants flânent près de l’eau et pique-niquent sur un des quais flottants, dans la douceur de l’été. À quelques centaines de mètres au sud- ouest, la porte de l’Hôpital signale

La cave historique ( xiv e siècle) des Hospices deStrasbourg. Elle conserve sous sa voûte trois foudres datés de 1472, 1519 et 1525.

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Avec sa monumentale façade délicatement sculptée, ses nuances infinies de grès rose, sa tour octogonale sertie de quatre escaliers et sa flèche ajourée lancée vers le ciel, la cathédrale Notre-Dame n’en finit pas d’ensorceler les visiteurs et les habitants de la ville. Visite des coulisses de ce chef-d’œuvre de l’art gothique, aux côtés de ceux qui le préservent et le font vivre au quotidien. DANS LES ARCANES DE NOTRE-DAME

Le parvis de la cathédrale est désert. Une lumière douce révèle les reliefs ouvragés de la façade occidentale. Un peu avant 7h, nous savourons cette intimité rare avec l’édifice vedette de Strasbourg. Michel Bolli nous attend devant le portail Saint-Laurent, face

d’éclairage et la programmation du motif musical des cloches du jour. Nous croisons le père Louis Boschung à l’en- trée de la sacristie. « Ah! La cathédrale de Strasbourg!, s’exclame-t-il avec un grand sourire, quand on l’interroge sur sa relation au lieu. J’ai été ordonné ici et je reviens y officier à l’heure de la retraite, comme prêtre coopérateur. Cette cathé- drale, c’est d’abord la demeure de Dieu et un lieu de rencontres. J’apprécie de célébrer cette messe de 7h, à laquelle assistent les fidèles avant d’aller travail- ler. » Michel Bolli nous fait signe de le suivre dans la nef. Il faut acclimater son œil à l’espace, lever les yeux vers les vitraux, saisir l’éclectisme des styles, du chœur roman paré de fresques néo-byzantines aux voûtes en croisée d’ogives de la nef. « J’aime le silence

Nord. Il est l’un des quatre sacristains, chargé de préparer l’office de 7h, célé- bré chaque matin de la semaine dans la chapelle Saint-Jean. Il s’assure aussi de la bonne tenue de Notre-Dame. « Je suis une sorte de majordome », pré- cise-t-il, alors qu’il active le système

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Reconnaissable entre toutes par sa couleur – les murs, faits de grès des Vosges, sont roses ou bruns – et sa flèche, immense, aussi effilée qu’unique, la cathédrale strasbourgeoise attire, chaque année, quelque quatre millions de visiteurs.

de la cathédrale à cette heure matinale, confie le sacristain. Ce silence parle, il raconte l’Histoire du lieu, les peines et les joies déposées lors des prières. » L’HOMME ACCOUDÉ ET L’HORLOGE ASTRONOMIQUE Aux beaux jours, le rituel de Michel Bolli comprend aussi l’ouverture de la lourde porte métallique du portail central, pour aérer la cathédrale, pendant une heure. « Les visiteurs entrent par le portail de la tour Nord. Ils arrivent à 8h30 et n’ont qu’une phrase à la bouche: “où se trouve l’horloge astro- nomique?” », confie en souriant celui >

Le portail central, dit de la Vierge et des Prophètes, sur la façade occidentale de Notre-Dame de Strasbourg. Ces prophètes autour de la Vierge (placée au trumeau) ont prédit l'arrivée du Christ, ainsi que la souffrance qu'il devra endurer.

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DÈS LE MILIEU DU XIVE SIÈCLE, NOTRE-DAME S’ÉTAIT DOTÉE D’UNE PREMIÈRE HORLOGE. LES VISITEURS PRENNENT-ILS LE TEMPS D’OBSERVER, TOUT PRÈS, LA FINESSE DU PILIER DES ANGES, COLONNE GOTHIQUE REPRÉSENTANT LE JUGEMENT DERNIER?

À 12 heures 30, l’horloge astronomique Renaissance – le mécanisme actuel date de 1842 – s’anime sur plusieurs niveaux: les Apôtres saluent le Christ, le coq chante, les dieux païens défilent sur leur char. Outre l’heure, l’horloge indique les mouvements de la Lune et des planètes, calcule le calendrier liturgique…

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Vincent Cousquer (à gauche) et Nathalie

Masson (photos de droite) sont sculpteurs. Ils sont employés, comme une vingtaine d’autres artistes, techniciens et artisans par les ateliers de l’Œuvre Notre-Dame.

qui travaille depuis deux décennies dans le sanctuaire. Haute de 22 mètres, l’attraction se dresse contre un mur dans le bras Sud du transept. Les visi- teurs s’émerveillent de la précision de ses informations astronomiques, de l’iconographie inspirée de son buffet du xvi e siècle et de la parade de ses auto- mates qui font tinter les cloches tous les quarts d’heure. Son mécanisme a été rénové en 1842. Fier de l’Histoire de la cathédrale, Michel Bolli nous rappelle que, dès le milieu du xiv e siècle, Notre- Dame s’était dotée d’une première hor- loge élevée sur le mur d’en face. Les visiteurs prennent-ils le temps d’ob- server la finesse du pilier des Anges, tout près? Sur la statuaire de cette colonne gothique représentant le Juge- ment dernier, on distingue encore des traces de polychromie sur le Christ au sommet. En arrière-plan, l’ombre d’un profil se détache sur le mur. Le buste sculpté au xv e siècle d’un homme au bonnet rond, accoudé à la balustrade et fixant ledit pilier, ne représente pas un contempteur attendant la chute de la colonne, comme beaucoup le croient.

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La fondation de l’Œuvre Notre-Dame, mémoire du sanctuaire, consacre ses ressources et ses savoir- faire à la sauvegarde et au rayonnement de l’édifice. Ateliers, fonds documentaire et service administratif: 32 personnes, au total,

travaillent pour elle.

qui réalisa au xiv e siècle les trois por- tails du massif occidental et dessina la rosace, attend son diagnostic. Nous sommes dans la cour des ateliers de l’Œuvre Notre-Dame, fondation char- gée depuis le xiii e siècle du chantier de Notre-Dame. « Les intempéries, l’expo- sition à l’eau, le gel, la chaleur, la contami- nation par le sel produit par les activités humaines, sont les principales menaces. Lors de la dernière canicule, des blocs de grès ont fondu! », explique Frédéric Degenève, responsable des ateliers qui emploient 23 techniciens, tailleurs de pierres, sculpteurs, serruriers, menuisiers… À l’étage, les percussions des maillets et des ciseaux emplissent l’air dans le bourdonnement des tuyaux d’aspiration des poussières. « Le tail- leur de pierre opère dans le domaine de la construction. Il travaille sur des élé- ments du bâti comme les parements, les pinacles, les balustrades, réalisés à partir d’un dessin. Un sculpteur est plus dans le registre de la décoration : il crée des sta- tues, des chimères, des ornementations,

« C’est probablement une représentation d’un architecte admirant son œuvre ou une manière d’attirer l’attention sur le pilier », décrypte Michel Bolli. L’ŒUVRE NOTRE-DAME AUX PETITS SOINS Une rue au sud de la cathédrale. Erwin de Steinbach tient fermement sous son bras le plan de la façade du monument. La statue de l’architecte

LA CATHÉDRALE ET STRASBOURG, DÉCORS DE POLAR

Jacques Fortier a bien sa petite idée pour expliquer le mystère du double escalier de la tourelle Nord-Est de Notre-Dame. Il la développe dans Chapitre fatal à la cathédrale (Le Verger Éditeur). L’ancien journaliste aux Dernières Nouvelles d’Alsace écrit désormais des polars. « Mes romans se situent au début du xx e siècle. Ce qui m’intéresse, c’est de faire vivre le Strasbourg populaire et ouvrier de l’époque. Tout a commencé en 2009, avec Sherlock Holmes et le mystère du Haut-Kœnigsbourg. J’ai voulu donner à l’enquêteur une autre chance de revenir chez nous, alors qu’Arthur Conan Doyle mentionnait son passage pour quelques heures à Strasbourg. » De la brève Révolution rouge de novembre 1918 aux secrets de la cathédrale qu’il affectionne, Jacques Fortier fait aimer l’Alsace.

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Aymeric Zabollone (ci-dessus) et Jonathan Waag (à gauche) sont tailleurs de pierre. L’exercice de leur métier au sein de l’Œuvre Notre-Dame demande, certes, une grande dextérité, mais aussi des connais- sances en géométrie et en Histoire de l’art.

par la fondation, est précieux et exception- nel: il nous permet de réaliser un travail pointu », explique l’artiste. Aujourd’hui, des copies ont remplacé plus de la moitié des statues de la cathédrale, la plupart ayant été dégradées à la Révo- lution, tandis que les deux tiers des ornementations sont d’origine. Dans l’atelier voisin, Mathieu Baud se pré- sente comme un docteur en matériaux. « J’étudie leur état d’altération pour déci- der du traitement. On essaie toujours de favoriser la conservation qui limite les processus de dégradation, par exemple en injectant une silice liquide dans le doigt détérioré d’une statue. Si l’altération est trop avancée, on opte pour une restaura- tion, en remplaçant tout ou partie de la pièce par une copie. » Sur les étagères de l’atelier figurent plusieurs échan- tillons de grès aux couleurs variées et quelques remèdes: contenants de chaux, poudres d’oxyde de fer…

Une surprise attendait l’équipe du chantier de restauration du bras Sud du transept. Un pigeon a, en effet, trouvé son paradis au- dessus de la Jérusalem céleste.

à deux dents. « C’est un rêve de travail- ler à Notre-Dame de Strasbourg. Pendant plusieurs siècles, de talentueux artisans ont orné l’édifice d’une statuaire remar- quable! L’accès aux archives, conservées

à partir d’un modèle ou d’un moulage », précise Frédéric Degenève, avant de nous présenter Nathalie Masson. Elle œuvre sur le drapé d’une statue avec une gradine (un ciseau à bois très effilé)

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OLIVIER TAROZZI, CAMPANOLOGUE « Mon métier consiste à étudier les cloches sous tous leurs aspects : musicaux, juridiques, historiques et techniques, explique Olivier Tarozzi, campanologue diocésain. Avec 20 cloches, réparties dans la tour de croisée, la haute tour et le beffroi, la cathédrale de Strasbourg est dotée d’un des plus grands ensembles du genre en France, avec un motif musical très harmonieux. » Les cloches ont toujours été un support pacifique. Une cloche de la Paix, installée dans la tour Klotz, a d’ailleurs été offerte en 2004 par des communautés allemandes, pour les 60 ans de la Libération. Le beffroi qui vient, à la fin du xv e siècle, combler l’espace entre les deux tours occidentales et créer la plateforme, compte 10 cloches. Parmi elles, le bourdon de 1427 qui a survécu aux destructions de la Révolution.

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