Les Trophées de l'Excellence Bio

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Les Trophées de l’Excellence Bio

L E L I V R E D E S 1 0 A N S

L’ INNOVAT ION AU CŒUR DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE

Sommaire

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AVANT-PROPOS

8

LE CONCOURS

2012 2012

2010

Incorruptiblement verts

Côteaux nantais

16

22

Inovfruit

Ekibio

L AURÉATS

48

54

La Charrette bio

Épi bio

20

26

Botanic

Laiterie de St-Denis-de-l’Hôtel

MENTIONS SPÉCIALES

52

58

46

10

14

LES TRANSFORMATEURS LES D I STR I BUTEURS

AGR I CULTURE B I OLOG I QUE : ÉTAT DES L I EUX ET PERSPECT I VES

LES PRODUCTEURS

2016 2016

2014

2018

L’Atelier paysan

Terres libres – Buxor

Bergerie Les Sonnailles

28

34

40

Adapei-Aria 85

Germ’line

Les frigos de Croq’champs

60

66

72

Les Vignerons de Correns

Fleurs de Cocagne

Village de la Vergne

32

38

44

Biscru

Haute Loue Salaisons

La Marmite bretonne

64

70

76

AVANT-PROPOS

Dominique Lefebvre Président Crédit Agricole SA

Une filière plurielle et plus vivante que jamais

Le Crédit Agricole, en partenariat avec l’Agence Bio, lançait, il y a dix ans, l’organisation du concours « Les Trophées de l’Excellence Bio ».

nous sommes convaincus que ces choix sont ceux de femmes et d’hommes qui ont tous la passion de leur métier. Lorsque nous avions lancé ces Trophées de l’Excellence Bio, nous souhaitions souligner le fait que l’agriculture biologique était porteuse d’innovation et de promesses. commercialisation. Nous percevions, alors même que ce modèle commençait à émerger depuis quelques années, qu’il reposait sur de nouvelles attentes de la part des consommateurs. Le modèle promettait d’être exigeant, et obligatoirement innovant. L’agriculture biologique est diverse dans ses modes de production ou de

L’agriculture biologique était moins développée qu’aujourd’hui mais nous

cherchions déjà à valoriser et promouvoir l’excellence dans ce mode de production. Banquier de huit agriculteurs sur dix en France, c’est tout naturellement que nous accompagnons tous les agriculteurs. Dans la pratique, l’agriculture est très diverse. Nous devons permettre à chaque projet, à chaque entreprise de se développer quel que soit le marché auquel elle se destine, car

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O

Les éditions successives du concours ont effectivement montré le développement de nouveaux produits, de nouvelles formes de commercialisation. En écrivant ce livre, nous avons voulu retracer cette chronique pour que vous puissiez suivre cette évolution, tout comme nous même l’avons vécue. Sa lecture vous permettra de découvrir la diversité des innovations et la volonté d’un grand nombre d’agriculteurs, au-delà des innovations techniques, de dessiner un lien renouvelé à la nature et au vivant. Nous avons aussi souhaité montrer que l’agriculture est un vecteur de la biodiversité. La perte de la biodiversité, que la simple observation confirme, affecte les agriculteurs et leurs exploitations. Ils en sont conscients et veillent à adapter leurs pratiques pour limiter les impacts négatifs sur le milieu naturel. Cette perte est le résultat d’une équation complexe dont nous savons qu’elle est liée à l’activité humaine dans son ensemble, même s’il nous reste beaucoup à comprendre dans ce domaine. Nous sommes convaincus que la biodiversité doit être

protégée car elle constitue une richesse inestimable. Cette protection ne peut réussir qu’avec la participation active des agriculteurs qui dépendent plus que d’autres de ce milieu naturel. Pour pouvoir progresser dans cette voie, nous nous sommes associés au Muséum national d’histoire naturelle pour travailler, à partir d’une observation scientifique, sur l’influence des pratiques agricoles sur la biodiversité. Il est néanmoins essentiel que cette réflexion prenne en compte également le spectre beaucoup plus large de l’empreinte humaine dans toutes ses dimensions. L’agriculture c’est la vie. Elle est vitale pour notre planète qui continue à se peupler, ne l’oublions pas. Elle a su s’adapter au cours des siècles en faisant preuve, à chaque fois, d’innovation et d’imagination. Nous croyons avant tout à une agriculture adaptée aux territoires et multi-performante. C’est ce que nous confirmons tous les jours dans nos Caisses régionales de Crédit Agricole. Un grand merci à tous nos lauréats d’avoir su montrer par leur excellence des voies pour l’avenir.

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AVANT-PROPOS

Florent Guhl Directeur de l’Agence Bio

Des modèles inspirants, inscrits dans la modernité

« La transition vers le bio est irréversible et nous devons y aller » : ces mots sont de Didier Guillaume, quelques jours après sa nomination au poste de ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, en octobre 2018 1 . Cette déclaration nous conforte dans notre action. Elle fait aussi écho au « basculement médiatique » dont bénéficient l’agriculture et les produits biologiques depuis quelques années… En octobre dernier, sortait aussi la première étude épidémiologique française indiquant que les plus gros consommateurs d’aliments

issus de l’agriculture biologique avaient un risque de cancer réduit de 25 % par rapport à ceux qui en consomment le moins 2 . Les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation biologiques n’ont jamais reçu autant d’écho dans les médias. Pour autant, et c’est paradoxal, à mesure que le bio progresse dans l’assiette des Français, notamment via les rayons de la grande distribution, les consommateurs souhaitent en savoir toujours plus sur ce mode de production.

1 Au micro de France Inter le 29 octobre 2018. 2 Étude menée auprès de 70 000 volontaires suivis entre 2009 et 2016 et publiée le 22 octobre 2018 dans la revue JAMA Internal Medicine . « L’alimentation bio réduit significativement les risques de cancer », Pascale Santi et Stéphane Foucart, Le Monde , 22 octobre 2018.

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Dans un tel contexte, nous sommes fiers d’éditer ce livre qui met en lumière les 20 projets récompensés par les Trophées de l’Excellence Bio, mais aussi d’annoncer l’annualisation de ce concours que nous avons créé il y a dix ans avec le Crédit Agricole. L’existence même de ces Trophées est une réponse concrète aux débats actuels, puisque chacun des projets distingués s’inscrit dans l’innovation au sens le plus complet du terme. Loin des caricatures, la réalité de la bio aujourd’hui, ce sont toujours plus d’idées novatrices, d’exigence et de transparence. Et quand ces agriculteurs convaincus font le choix de revenir aux fondamentaux de l’agronomie, ils le font avec les outils de la modernité et en renouant le lien de confiance trop longtemps absent entre producteurs et consommateurs.

Ce concours a également eu le mérite de créer une dynamique entre acteurs professionnels à travers des exemples

reproductibles, qui sont autant de modèles inspirants tant pour l’agriculture de demain que pour la dynamisation des territoires. À bien des échelles, qu’ils émanent de petites entreprises ou de structures plus importantes, ils sont le signe qu’une transition agroécologique est en train de s’opérer. Alors que le programme Ambition Bio 2022 vient de démarrer, l’heure est à la mobilisation générale ! Même si les conversions sont chaque année plus nombreuses, l’information des consommateurs et la communication sont et resteront le nerf de la guerre. À nous, Agence Bio, et à tous les acteurs de la filière biologique, de faire en sorte que les enjeux de notre modèle

agricole et alimentaire interrogent et passionnent toujours plus de monde.

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LE CONCOURS

10 ans, 5 éditions, 20 lauréats

L ’Agence Bio et Crédit Agricole SA ont lancé, le 19 novembre 2018, la 6 e édition des Trophées de l’Excellence Bio. Celle-ci marque le passage à un nouveau rythme pour ce concours qui devient annuel. À l’heure où les surfaces agricoles engagées et l’emploi dans la production biologique connaissent un essor sans précédent, cette décision découle d’une évolution naturelle pour les Trophées. Pour le reste, leur vocation demeure inchangée : distinguer des projets exemplaires et des démarches innovantes au sein des filières biologiques. Bienvenue dans une nouvelle décennie d’excellence bio ! Les Trophées de l’Excellence Bio récompensent des innovations (techniques, sociales, économiques ou commerciales) menées par des professionnels de la filière biologique, soit : –– une nouvelle méthode de production ; –– l’ouverture de nouveaux débouchés, dans des conditions durables et rémunératrices pour les producteurs, accessibles pour les consommateurs ;

–– l’utilisation de nouvelles matières premières ; –– la mise en place d’une nouvelle organisation du travail ; –– la mise en place d’une nouvelle gouvernance (économie sociale et solidaire, holacratie…) ; –– la fabrication d’un produit nouveau dans le cadre : - - d’une création ou diversification de filière, - - d’une démarche environnementale (réduction du gaspillage, économie circulaire…), - - d’une démarche d’amélioration de la qualité nutritionnelle (moins de sel, de sucre…). professionnels des filières biologiques (certifiés et en conversion), qu’ils soient producteurs, transformateurs ou distributeurs. Ils peuvent se présenter a titre individuel ou collectif, y compris en coopération avec une ou plusieurs collectivités locales. Deux catégories pour concourir et deux trophées distincts : un pour les producteurs, un autre pour les transformateurs et les distributeurs. QUI PEUT PARTICIPER ? Le concours est ouvert à tous les acteurs

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O

Crédit Agricole SA participe aussi au jury à travers ses représentants des directions du développement durable et de l’agriculture. DE LA SÉLECTION DES DOSSIERS JUSQU’AU VOTE L’examen des dossiers de candidature permet de procéder à une première sélection en fonction des critères d’éligibilité, puis le jury se réunit pour étudier l’ensemble des dossiers et désigner les finalistes dans chaque catégorie (trois ou quatre par catégorie selon les éditions). La liste des candidats retenus est alors consultable sur les sites internes de l’Agence Bio et des Caisses régionales du Crédit Agricole. La phase finale du concours consiste en une présentation orale devant le jury. Les deux lauréats sont choisis à la majorité absolue. LA REMISE DES PRIX Depuis dix ans, chacune des éditions des Trophées de l’Excellence Bio crée l’événement sur le stand de l’Agence Bio au Salon international de l’agriculture. Les lauréats de chaque catégorie reçoivent chacun la somme de 6 000 euros.

QUELLES INITIATIVES SONT ÉLIGIBLES? Le concours ne s’applique qu’aux initiatives et démarches abouties, ayant donné lieu à une première expérimentation réussie au cours des deux années précédentes, et exclut donc les projets qui sont au simple stade de la réflexion ou du pilote. L’innovation doit pouvoir être reproductible – techniquement et économiquement – par d’autres acteurs de l’agriculture biologique. Une innovation déjà primée dans un autre concours national n’est pas recevable. QUI COMPOSE LE JURY ? Présidé chaque année par une personnalité différente, le jury des Trophées de l’Excellence Bio est parfaitement représentatif de la filière puisque composé des membres du conseil d’administration de l’Agence Bio, la fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab), Coop de France, l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (Apca), le Synabio, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, le ministère de la Transition écologique et solidaire, ainsi que de représentants de l’institut technique de l’agriculture biologique (Itab) et d’associations de consommateurs. En tant que coorganisateur,

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AGRICULTURE BIOLOGIQUE : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

Un engagement pour les générations futures

D epuis quelques années, la consommation de produits issus de l’agriculture biologique connaît un essor sans précédent. Du côté des producteurs, les filières se structurent et les professionnels se mobilisent pour répondre à la demande. Si les derniers chiffres et indicateurs 1 fournis par l’Agence Bio permettent de prendre la mesure de ce développement exponentiel, ils témoignent aussi d’un mouvement de fonds, résolument tourné vers l’avenir : à la fois accélérateur économique et levier d’action sociale et sociétale. IL ÉTAIT UNE FOIS… L’agriculture biologique est née dans les années 1920 d’un mouvement de pensée porté par des agronomes, médecins, agriculteurs et consommateurs qui ont initié un mode alternatif de production agricole reposant sur des principes éthiques et écologiques. L’agriculture biologique est progressivement

Encadré par une réglementation européenne depuis 1991, le mode de production et de transformation biologique a pour objectif le respect de l’environnement, de la biodiversité et du bien-être animal. Seuls les produits qui en sont issus peuvent porter le logo bio européen et la marque AB, signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine. DES CONSOMMATEURS PLUS NOMBREUX ET PLUS AVERTIS En 2017, plus de 92 % des Français déclarent avoir consomme des produits biologiques au cours des douze derniers mois et près des trois quarts (73 %) au moins une fois par mois. 16 % en consomment même tous les jours (vs 10 % en 2015). Si les consommateurs de produits bio sont à la fois plus nombreux et plus réguliers, ils sont aussi mieux informés, connaissent les logos officiels et les grands principes fondamentaux de l’agriculture biologique.

devenue, à partir des années 1980, une question centrale de société.

L A CONSOMMATION DE PRODUITS BIO PÈSE 8,3 MILLIARDS D’EUROS (+ 17 % VS 2016).

1 Chiffres clés Agence Bio/AND et baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France Agence Bio/CSA Research (février 2018).

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O

LES 5 PROFILS DE CONSOMMATEURS DE PRODUITS BIOLOGIQUES ET LEURS MOTIVATIONS (Baromètre Agence Bio/CSA 2018)

LES VIGIL ANTS consomment bio pour leur santé et celle de leurs enfants.

78%

69% Préserver sa santé

LES SÉLECTIFS consomment des produits bio bien particuliers.

67%

61 % Veiller à la

LES PRAGMATIQUES consomment des produits bio quand ils en trouvent.

préservation de l’environnement

60%

LES ENGAGÉS le font pour soutenir l’agriculture bio.

53%

60 % Pour la qualité et le goût des produits

LES HÉDONISTES le font par plaisir.

41%

UN EMPLOYEUR DYNAMIQUE, DU CHAMP À L’ASSIETTE

de progresser, de même que la part en conversion, notamment la viticulture qui a connu un élan notoire en 2017. Parmi les motivations de ces agriculteurs, les enjeux environnementaux et de santé restent la priorité. Se convertir en bio est bien souvent un choix de vie en plus d’un engagement professionnel et ces métiers attirent d’ailleurs de plus en plus de néo-ruraux. ET DEMAIN? Compte tenu des surfaces en conversion fin 2017, les exploitations certifiées bio devraient continuer à se développer rapidement : de l’ordre de + 23 % en surface en 2018 (vs 2017), et de + 13 % en 2019 (vs 2018).

Les emplois générés par les filières bio contribuent au dynamisme des territoires français, apportant une valeur ajoutée a la vie économique et sociale locale. C’est vrai aussi bien dans les fermes et exploitations (12,5 % du total des emplois agricoles) que dans l’aval de la filière où l’emploi a connu la plus forte croissance (17 353 emplois dans la transformation, le conditionnement et la distribution import/export, soit + 58 % depuis 2012). 6,6 % DE LA SURFACE AGRICOLE UTILE FRANÇAISE Pour l’ensemble des productions, la part des surfaces certifiées bio continue

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AGRICULTURE BIOLOGIQUE : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

134 500 EMPLOIS DIRECTS avec une croissance annuelle moyenne de + 9,5 % depuis 5 ans.

1,8 MILLION D’HECTARES

soit la 3 e surface de l’UE et la 7 e dans le monde (+ 13,4% par rapport à 2016, + 350% en 10 ans).

36 691 EXPLOITATIONS (+ 14 % par rapport à 2016).

17 353 ENTREPRISES (+ 17 % par rapport à 2016).

LE FONDS AVENIR BIO

Depuis 2008, l’Agence Bio gère le fonds Avenir Bio, pour le compte du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Ce fonds contribue a la structuration des filières biologiques, en soutenant financièrement des démarches partenariales durables entre groupes de producteurs et entreprises de conditionnement, transformation ou distribution. Il a vocation à développer et promouvoir des productions biologiques de qualité et créatrices d’emplois dans les territoires.

Le fonds Avenir Bio doté de 4 millions d’euros par an, est, à partir de 2019, augmenté à 8 millions par an.

LES CHIFFRES CLÉS 2008-2016 DU FONDS AVENIR BIO : 26,3 MILLIONS D’EUROS ALLOUÉS AUX PROGRAMMES. 89 PORTEURS DE PROJETS POUR UN TOTAL DE 490 PARTENAIRES ASSOCIÉS ET BÉNÉFICIAIRES. 47 PROGRAMMES COFINANCÉS (CONSEILS RÉGIONAUX ET FONDS EUROPÉENS). 22 % DES INVESTISSEMENTS AIDÉS EN MOYENNE.

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Le programme Ambition Bio 2022

L ’État a dévoilé en juin 2018 le programme Ambition Bio 2022, fruit d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés par la production biologique. Il est doté de 1,1 milliard d’euros et porte notamment l’ambition de parvenir à 15 % de la surface agricole utile française conduite en agriculture biologique en 2022.

LES 7 AXES MAJEURS 1 DÉVELOPPER L A PRODUCTION →→ Inciter, accompagner, aider, maintenir 2 STRUCTURER LES FILIÈRES →→ Accompagner les filières pour un développement équilibré du bio 3 DÉVELOPPER L A CONSOMMATION →→ Promouvoir les produits bio 4 RENFORCER L A RECHERCHE →→ Développer des programmes de recherche et développement 5 FORMER LES ACTEURS →→ Accorder une place plus importante au bio au sein des formations 6 ADAPTER L A RÉGLEMENTATION

→→ Veiller à disposer d’une réglementation propice au développement du bio 7 IMPULSER UNE DYNAMIQUE DE CONVERSION DANS LES OUTRE-MER →→ Des filières biologiques qui restent peu développées, malgré un potentiel à exploiter

LES MOYENS MIS EN ŒUVRE Trois leviers financiers seront particulièrement mobilisés :

–– Le renforcement des moyens consacrés aux aides à la conversion : 200 millions d’euros de crédits d’État ; 630 millions d’euros de fonds Feader, auxquels s’ajouteront les autres financements publics et, à compter de 2020, un apport de 50 millions d’euros par an venant de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) ; –– Un doublement du fonds de structuration « Avenir Bio » géré par l’Agence Bio ; –– Une prolongation et une revalorisation du crédit d’impôt bio de 2 500 à 3 500 euros jusqu’en 2020.

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LES PRODUCTEURS

Vers une agriculture

biologique innovante et solidaire

Que de chemin parcouru depuis la naissance de la « biodynamie » en Allemagne dans les années 1920! L’histoire de l’agriculture biologique a été marquée par une succession d’innovations mises en œuvre par des agronomes et des producteurs passionnés, convaincus des bienfaits d’une agriculture sans produits chimiques ni pesticides de synthèse. Fin 2017, 36691 producteurs étaient engagés en agriculture biologique, soit 13,7 % de plus qu’en 2016. Au regard de l’emploi agricole en général qui tend à diminuer, c’est une performance qui témoigne de l’attrait grandissant des modèles de production biologiques. En plus de préserver l’environnement et le bien-être animal, ils sont une voie économique d’avenir car garants de produits à plus forte valeur ajoutée, en phase avec la demande croissante des consommateurs. Découvrez les innovations des dix producteurs lauréats et mentions spéciales des Trophées de l’Excellence Bio.

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L AURÉAT 2010

Incorruptiblement verts La Grenouillère, 39240 Fétigny Entente bio, 635, rue du Levant, 39000 Lons-le-Saunier

Rapprocher éleveurs locaux bio et restauration collective À Lons-le-Saunier, la volonté politique de mettre du bœuf bio dans la restauration collective a entraîné la mise en place d’une filière de proximité. Portée à l’origine par le Gaec Incorruptiblement verts, cette démarche a permis de valoriser des vaches de réforme 1 locales et entières. Depuis le Trophée de l’Excellence Bio attribué en 2010, elle se poursuit entre la municipalité et le collectif d’éleveurs élargi au sein de l’Entente bio.

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1 Jugée inapte pour la production de veau et/ou de lait et désormais apte à être engraissée et abattue.

L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

↖ Francis Charrière, éleveur de vaches laitières. ↑ Didier Thévenet, directeur de la cuisine centrale de Lons-le-Saunier, entouré de son équipe.

D epuis les années 1990, Lons- le-Saunier s’illustre par un soutien appuyé au développe- ment de l’agriculture biologique. C’est d’abord pour préserver la qualité de son eau potable que la municipalité a poussé les agriculteurs situés à proximité de la zone de captage, à se convertir. Afin de soutenir les filières bio locales nais- santes, l’idée de la Ville de Lons-le- Saunier est de leur offrir un débouché via sa propre restauration collective. Ainsi, une première convention avec un circuit court bio « agriculteur-meu- nier-boulanger » est signée en 1999. Quelques années plus tard, c’est au tour des produits laitiers, avant que le

directeur de la cuisine centrale, Didier Thévenet, ne lance par voie de presse un appel à tous les producteurs locaux. On pourrait presque dire que l’aventure a commencé par hasard, parce que, ce jour-là, Francis Charrière, éleveur de vaches laitières montbéliardes, achète exceptionnellement le journal… Très vite, il rencontre la municipalité et dit « banco ! ». « C’était un sacré défi, mais c’était aussi plus facile de se lancer avec, face à soi, une telle volonté poli- tique, celle du maire Jacques Pélissard et de son adjoint Jacques Lançon… Je travaille en bio depuis 1984 et je n’avais jamais connu ça auparavant », s’étonne encore Francis Charrière.

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L AURÉAT 2010

↑ Alain Bourgeois, président de l’Entente bio. ↗→ Cuisine centrale de Lons-le-Saunier.

Lons-le-Saunier. Une diversification des débouchés est par la suite devenue nécessaire. « Le restaurant municipal a fait beaucoup d’effort pour valoriser la bête entière, mais ils ont rapidement été débordés par les pièces nobles », reconnaît Francis Charrière. Il a donc été convenu que les éleveurs repre- naient ces morceaux pour les commer- cialiser d’une autre manière. Un par- tenariat a ensuite été conclu avec un magasin HyperU de Lons-le-Saunier et les éleveurs fournissent aussi occa- sionnellement bouchers indépendants et restaurateurs.

VALORISER LA BÊTE ENTIÈRE À la tête du Gaec Incorruptiblement verts, Francis Charrière se rapproche alors de trois autres éleveurs pour ser- vir la demande de la cuisine centrale. « Il a fallu deux ans pour travailler notre cahier des charges, avec des critères pré- cis tant sur l’origine que l’alimentation des bêtes, l’âge minimum… », détaille- t-il. Dès 2008, ils commencent à fournir deux bêtes par mois à la cuisine centrale. Spécificité de l’accord : les vaches de réforme sont achetées sur pied et les services de la Ville gèrent ensuite l’abat- tage, la découpe et la transformation de la totalité des morceaux. « C’était aussi une aventure côté cuisine ! Didier Thévenet a investi dans de nouveaux fours et les équipes ont été formées aux cuissons lentes à basse température », raconte Christine Combe, chargée de mission environnement pour la ville de

D’INCORRUPTIBLEMENT VERTS À L’ENTENTE BIO

Le cas de cette filière de proximité, organisée par les producteurs eux- mêmes pour développer les produits bio dans la restauration collective,

« Plus qu’un collectif, l’Entente bio est une philosophie qui repose sur la confiance et l’entraide entre paysans. »

Francis Charrière, éleveur de vaches laitières montbéliardes

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

reste néanmoins exemplaire. Après le Trophée de l’Excellence Bio, la démarche s’est même élargie pour répondre à la demande. En 2010, des éleveurs en reconversion rejoignent encore le mouvement, ce qui aboutit à la création de l’association Entente bio. « Un système tel que le nôtre, sans contrat et sans intermédiaire entre le producteur et le client, je ne crois pas que cela existe ailleurs ! », lance Francis Charrière, son président jusqu’en 2016. Moyennant une cotisa- tion annuelle, chaque adhérent profite en effet d’achats groupés et du circuit de commercialisation mis en place avec la ville de Lons-le-Saunier. Des responsables de groupe ont été dési- gnés pour centraliser les données des exploitations et annoncer une fois par mois le nombre de bêtes proposées. Les commandes sont ensuite réparties, les livraisons programmées et chaque éleveur facture en direct la cuisine centrale. Désormais présidée par Alain Bourgeois, l’Entente bio fédère actuel- lement près de 50 agriculteurs et un

changement de statut – d’association à structure coopérative – est en cours de réflexion. Quant à la municipalité de Lons-le- Saunier, elle garde le cap! Dernière ini- tiative en date pour soutenir les filières locales : la création d’une légumerie bio en 2015. Christine Combe constate : « Avec la crise sur les prix agricoles, les aléas climatiques plus fréquents, les exploitants, en particulier ceux qui ont des petites surfaces, prennent conscience que l’agriculture biologique peut être une voie pour s’en sortir. Mais c’est compliqué et les collectivités ont donc un rôle essentiel à jouer en créant par exemple des outils avals de trans- formation pour aider des filières à se monter et permettre des créations d’emplois... »

40 ÉLEVEURS ET 7 MARAÎCHERS ADHÈRENT À L’ENTENTE BIO. 180 VACHES PAR AN SONT FOURNIES À L A RESTAURATION COLLECTIVE DE LONS-LE-SAUNIER.

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MENTION SPÉCIALE 2010

Pré Borel, 38210 Tullin www.lacharrettebio.fr La Charrette bio

Quand le panier paysan devient ambulant

Un contenu au choix, pas d’abonnement et un camion aménagé qui sillonne la zone pour assurer les livraisons au plus près des clients : avec l’association La Charrette bio, des producteurs ont fait le pari de lancer un concept proche de l’esprit d’une Amap 1 tout en s’affranchissant de ses inconvénients.

1 Association pour le maintien d’une agriculture paysanne.

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

E n 2009, ils sont quelques pro- ducteurs et maraîchers isérois à se poser collectivement la ques- tion: quelle serait la meilleure façon de commercialiser nos produits ? Jean- Noël Roybon, producteur de noix et autres fruits et légumes bio (La Ferme du May) est de ceux-là : « À l’époque, nous faisions tous des marchés et col- laborions avec des Amap. Les paniers de produits locaux sur abonnement, ça a le mérite d’exister, mais nous trou- vions quand même que le système était trop contraignant tant pour les clients que pour nous. » Dépasser les inconvénients d’une Amap pour être accessible à davantage de per- sonnes : telle était l’ambition première de La Charrette bio. Aucun engagement dans le temps n’est demandé : le client commande d’une semaine sur l’autre sur le site Web, compose son panier avec les produits qui l’intéressent et paie à la livraison. L’autre originalité du concept est de mutualiser la collecte et la livraison des paniers. Pour cela, l’as- sociation a investi dans un camion et embauché un salarié qui se rend chaque semaine sur sept lieux de distribution autour de Grenoble. « Cela nous permet d’avoir plus de souplesse dans l’orga- nisation de notre travail, puisque nous n’avons pas à livrer nous-même », souligne Jean-Noël Roybon.

10 ANS, ÇA SE FÊTE ! Récompensée par les Trophées de l’Excellence Bio 2010 pour ce sys- tème de vente collective et ambulante, La Charrette Bio a su trouver son public tout en diversifiant son offre : les fruits et légumes restent la base, mais ils proposent également viande, volaille, fromages, miel, confitures… Elle réunit aujourd’hui vingt pro- ducteurs et a multiplié par deux son volume hebdomadaire de commandes depuis ses débuts. Autre effet ver- tueux : avec La Charrette bio, ce sont huit nouveaux agriculteurs qui se sont installés ou reconvertis en agriculture biologique. Après presque une décennie d’exis- tence, quels sont les projets ? « Nous souhaitons avant tout nous concentrer sur la fidélisation de nos clients actuels, confie modestement Jean- Noël Roybon. Et pourquoi pas célébrer avec eux notre 10 e anniversaire pour les remercier de la confiance et du sou- tien qu’ils nous témoignent par leur acte de consommation. »

20 PRODUCTEURS. 200 COMMANDES PAR SEMAINE.

« Nous souhaitons avant tout nous concentrer sur la fidélisation de nos clients actuels. »

Jean-Noël Roybon, producteur

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L AURÉAT 2012

3, place Pierre-Desfossé, 44120 Vertou www.coteaux-nantais.com Côteaux nantais

Des pommes, des poires et des idées

Après avoir converti l’intégralité de leur verger en bio à l’orée des années 1970, les Côteaux nantais n’ont jamais cessé d’aller de l’avant pour garantir une production toujours plus durable. En récompensant leur procédé de thermothérapie en 2012, les Trophées de l’Excellence Bio ont autant salué l’innovation elle-même que sa contribution à l’amélioration des performances de toute une filière.

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

D es premières approches d’une agriculture sans pesticides au passage à la biodynamie, c’est un peu l’histoire de l’arboriculture biologique qui se dessine à travers le parcours de Côteaux nantais… Il faut d’abord remonter en 1943 : la famille Moreau est à la tête d’un verger de 2 hectares avant de s’associer, dans les années 1960, à René Delhommeau. « Très vite, mon père a commencé à s’intéresser à des méthodes de produc- tion plus naturelles », raconte Michel Delhommeau, l’actuel directeur géné- ral. Premier pas majeur en 1970 : les deux associés décident d’appliquer à

toute leur production la méthode cultu- rale Lemaire-Boucher, qui exclut tout engrais et produit chimique de synthèse. Pari audacieux, mais risqué, avec envi- ron 80 % de fruits véreux dans les pre- mières récoltes ! Pas découragés pour autant, ils cherchent un moyen de lutter contre le papillon carpocapse, principal ravageur des pommes et des poires. Ils sont les premiers au monde à pratiquer la confusion sexuelle 1 , un procédé toujours très utilisé en arbori- culture et viticulture. L’étape suivante sera la conversion à la biodynamie en 1995, consacrée par la certification Demeter deux ans plus tard.

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1 Technique de lutte contre les parasites, notamment les insectes, en perturbant leur système hormonal de reproduction.

L AURÉAT 2012

une même vision de l’agriculture biolo- gique : « Au bout d’une heure, on a su qu’on allait faire des choses ensemble… Et ça fait vingt ans que ça dure! » Fort d’un regard neuf, le nouveau PDG décide d’investir dans les vergers et de développer la gamme de produits transformés. Son objectif est autant de rentabiliser davantage l’exploitation que de consolider l’équipe, en main- tenant une activité de transformation toute l’année : « Nous avions tout à gagner à fidéliser nos employés en leur donnant la possibilité de travailler pour nous 12 mois sur 12 », confie Benoit Van Ossel. Ainsi, au fil des années 2000, ils passent à 64 puis 100 hectares et les effectifs en CDI ne cessent de croître.

SE TRANSFORMER POUR PROGRESSER Entre temps, en 1978, Michel Delhommeau intègre l’entreprise fami- liale après ses études agricoles et déve- loppe, trois ans plus tard, une petite unité de transformation pour fabriquer jus, compotes, gelées, etc., ce qui contri- bue à stabiliser un peu plus l’activité de Côteaux nantais. Ce qui leur manque alors, de l’aveu de Michel Delhommeau, c’est une stratégie commerciale. Le hasard le met sur la route de Benoit Van Ossel, expert en développement des entreprises. Celui qui allait deve- nir en 1999 l’actionnaire majoritaire de Côteaux nantais partage avec ses futurs associés, Michel Delhommeau et le res- ponsable d’exploitation Robert Dugast,

« Rechercher à tout prix l’extinction des maladies et des ravageurs crée forcément des déséquilibres. Il faut rester à la fois humble et tenace car il n’y a pas de méthode bonne une fois pour toutes. Pour s’améliorer, il faut sans cesse s’adapter. »

Michel Delhommeau, directeur général de Côteaux nantais

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

une température précises, adaptées a chaque variété. Résultat : cela retarde le développement du champignon de deux à trois mois et prolonge d’au- tant la durée de commercialisation des fruits. Après huit années d’essais, cette innovation est appliquée à grande échelle, puis remporte le Trophée de l’Excellence Bio en 2012. « Nous avons choisi de laisser la thermothérapie dans le domaine public afin que tout le monde puisse en profiter », précise Michel Delhommeau. De fait, d’autres producteurs s’en sont emparés pour l’appliquer notamment au litchi, à la mangue, à certaines variétés de man- darines et d’avocats. En parallèle, Côteaux nantais a continué à affiner le procédé, refaisant chaque année des essais. La transmission des savoir-faire est d’ailleurs une valeur forte pour le groupe nantais qui accompagne depuis plus de quinze ans des arbori- culteurs du grand Ouest souhaitant orienter leur production vers l’agri- culture biologique. À ces partenariats qui leur permettent d’augmenter régulièrement leurs capacités de pro- duction, s’est ajoutée en 2017 l’ouver- ture d’une nouvelle unité de transfor- mation à Remouillé. De quoi envisager l’avenir avec autant de sérénité… que d’ambition !

QUAND LE « VERT » EST DANS LE FRUIT… De son côté, fidèle à l’approche pros- pective qui anime Côteaux nantais depuis son entrée dans l’agriculture biologique, Michel Delhommeau a toujours poursuivi ses recherches en matière de lutte préventive contre les maladies et les ravageurs. « Le gleos- porium, un champignon qui se déve- loppe pendant la période de conserva- tion, entraînait beaucoup de pertes sur certaines variétés comme la Pinova, la Délice d’or ou encore la Falstaff. » En partenariat avec l’université Pierre-et-Marie-Curie – Paris VI, ils mettent au point la thermothéra- pie, qui consiste à passer les fruits a l’eau chaude, pendant une durée et à « Nous avons organisé l’entreprise techniquement, commercialement et humainement pour qu’elle puisse faire face aux défis des années à venir. »

103 HECTARES DE VERGERS. 130 EMPLOYÉS EN CDI. 18,3 MILLIONS D’EUROS DE CHIFFRE D’AFFAIRES (2017).

Benoit Van Ossel, PDG de Côteaux nantais

← Michel Delhommeau et Benoit Van Ossel.

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MENTION SPÉCIALE 2012

Le Bourg, 24110 Léguillac-de-l’Auche www.epi-bio.fr Épi bio

100 % bio aux champs, au fournil et au moulin

La boulangerie Épi bio de Léguillac-de-l’Auche approvisionne en pain bio la restauration collective et des magasins spécialisés de Dordogne. Cette activité 1 a permis la mise en place d’une filière locale maîtrisant toute la chaîne, depuis la production de blé, jusqu’à la fabrication des pains, en passant par la transformation en farine.

D epuis 2011, les 45 enfants qui fréquentent l’école de Saint- Aquilin ont du pain bio tous les jours à la cantine. Comme eux, plusieurs structures de restauration collective des environs de Léguillac-de-l’Auche, notamment les collèges et lycées de Périgueux, ont fait des baguettes savoureuses d’Épi bio leur pain quoti- dien. La production du fournil est aussi

vendue dans des magasins de produc- teurs et au sein du réseau Biocoop. À l’origine, ce projet collectif rassemble un boulanger, Cédric Dazin, et trois agriculteurs producteurs de blé biolo- gique : Jules Charmoy de Saint-Aquilin, Florence Chabaud de Montagrier et Benoît Delage de Saint-Aulaye. Ce der- nier transforme aussi le blé en farine type 80 sur un moulin à meule de

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1 Un projet qui associe la Ferme des Charmes (Saint-Aquilin), le Gaec BioNoixLim (Montagrier) et le Gaec Tanemaki Niko (Saint-Aulaye).

L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

« Nous aimerions lancer pour nos clients de Dordogne une offre de gâteaux régionaux de producteurs, réalisés à partir de nos farines bio. »

Jules Charmoy, producteur

pierre. « Le boulanger était un ancien journaliste en reconversion profession- nelle. Son credo était que les enfants doivent absolument avoir accès au bio à la cantine et d’autant plus pour un aliment aussi essentiel que le pain », se souvient Jules Charmoy. PRIVILÉGIER LES RESSOURCES LOCALES Production de blé panifiable, minoterie et boulangerie artisanale : la filière née de cette démarche n’est pas seulement 100 % bio, elle s’illustre aussi par un ancrage local, qu’ont salué les Trophées de l’Excellence Bio en 2012. L’adhésion à une Cuma (coopérative d’utilisation de matériel agricole) leur donne accès à une camionnette de livraison et des liens étroits ont été développés avec les collectivités publiques qui représentent 80%des débouchés de la boulangerie. À noter qu’ils utilisent aussi un combus- tible un peu particulier pour faire fonc- tionner le four à pain: « On a suivi une formation à l’IUT de Périgueux pour faire de l’estérification, un procédé qui permet de transformer les huiles de friture usagées en biocarburant »

explique Jules Charmoy. Les huiles et graisses de canard sont récupé- rées auprès des restaurateurs du coin et surtout des cantines… bel exemple d’économie circulaire ! Au final, même si cette « boulangerie de producteurs » pratique assez peu la vente directe aux particuliers (uniquement sur com- mande), elle est donc identifiée comme un acteur très engagé sur son territoire. En sept ans, cette initiative a déjà per- mis la création de trois emplois dans la boulangerie. Si les associés d’Épi bio envisagent de dupliquer leur modèle à Bordeaux, un autre projet les anime à plus court terme : « En 2019, nous aimerions lancer pour nos clients de Dordogne une offre de gâteaux régio- naux de producteurs, réalisés à partir de nos farines bio selon des recettes de toutes les régions de France. » Comme quoi, l’ancrage local n’empêche pas l’ouverture et la curiosité !

200 KG DE PAIN PAR JOUR, 6 JOURS PAR SEMAINE.

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L AURÉAT 2014

L’Atelier paysan

ZA Les Papeteries, 38140 Renage www.latelierpaysan.org

Rendre aux agriculteurs leur souveraineté technique L’Atelier paysan s’adresse à tous les agriculteurs inscrits dans une démarche d’installation, de conversion ou de progrès, qu’il accompagne dans la conception et la fabrication de machines et de bâtiments adaptés à une agriculture biologique et paysanne. Par la réappropriation et le partage des savoir- faire, cette coopérative entend défendre « l’art et la manière » d’être un paysan bio au xxi e siècle.

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↑↗ Chantier de conversion d’un parc de machines agricoles à l’attelage « triangle », Gaec La Amapola, Moirans (38), 2014.

L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

C onstituer une vaste encyclopédie libre et participative des savoir- faire des agriculteurs, afin de leur permettre de retrouver collective- ment leur souveraineté technique: cette initiative vertueuse et unique en France a été récompensée par les Trophées de l’Excellence Bio en 2014. L’idée avait germé en 2009 au sein d’ADABio, association pour le développement de l’agriculture biologique en Savoie, Haute-Savoie, Isère et dans l’Ain. Elle s’est concrétisée en 2011 par une plate- forme à la fois physique et numérique qui a d’abord pris le nom d’ADABio Autoconstruction, avant de se rebapti- ser L’Atelier paysan trois ans plus tard en passant du statut d’association à celui de coopérative (SCIC Sarl).

LE GESTE ET L’OUTIL : UNE TRADITION SÉCULAIRE

« C’est la manière qui est innovante, car pour le reste on n’a rien inventé ! » insiste Fabrice Clerc, cogérant de la coopérative. « De tout temps, les pay- sans ont “bricolé” leurs machines agricoles. C’était naturel d’être souve- rain de son outil de travail… Il n’y a que depuis une quarantaine d’années que la recherche et développement autour des technologies agricoles a commencé à être confisquée par le secteur privé. » En réintégrant la profession paysanne au cœur du processus d’innovation et d’adaptation des machines agricoles, L’Atelier paysan revendique aussi la légitimité et la force du terrain, à l’op- posé des machines « hors sol » telles

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L AURÉAT 2014

L AURÉAT

↑ Formation autoconstruction, 2011. ↗ Perçage d’une pièce lors d’une formation autoconstruction, 2015.

qu’elles sont majoritairement conçues dans l’industrie : « On n’a encore rien trouvé de mieux qu’un paysan pour parler à un autre paysan d’une tech- nologie appropriée à son métier ! » Derrière la machine, se profile aussi la question du modèle agricole et alimen- taire qui en découle : « les machines ne sont pas neutres, car elles permettent de s’inscrire dans tel ou tel modèle d’agronomie. Dans l’idéal, chaque ferme devrait même avoir son propre “écosystème technique” au service de son projet et de son environnement », poursuit Fabrice Clerc.

UNE COMMUNAUTÉ DE DÉVELOPPEMENT

Au-delà de l’engagement militant qui a présidé à sa création, L’Atelier paysan s’illustre par des actions concrètes au service du monde agricole en général et de la filière biologique en particulier. Sa mission de « R&D participative » à proprement parler passe d’abord par le recensement des innovations pay- sannes et par le codéveloppement de nouvelles solutions techniques adap- tées. Ces connaissances sont ensuite librement diffusées sous forme d’ar- ticles, de tutoriels et de plans sur leur site internet et en version papier dans

« Considérer les machines agricoles et plus largement les savoir-faire paysans comme des biens communs, librement diffusables et modifiables, c’est contribuer à un renouvellement radical dumodèle agricole en France. »

Fabrice Clerc, cogérant de la coopérative

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

014

↑ Formation « charpente à la tronçonneuse », Madière (09), 2018. ↗ Chantier « triangle », ferme de Gilbert Perrin, Planaise (73), 2015.

le Guide de l’autoconstruction 1 . En plus de ces outils pédagogiques, L’Atelier pay- san propose des commandes groupées pour les matériaux, ce qui, pour un pro- ducteur en installation ou en conver- sion vers l’agriculture biologique, per- met de diminuer considérablement le budget nécessaire à son équipement. Enfin, pour ceux qui ont besoin d’un réel accompagnement à la conception de machines et/ou de bâtiments, la coopérative dispense des formations à l’autoconstruction. Ses formateurs salariés sont basés en Rhône-Alpes ainsi que dans le Morbihan. De plus, six camions transportant machines, maté- riaux et consommables leur permettent d’organiser sur demande des ateliers de formation éphémères à la ferme. L’une des principales réussites à porter au crédit de la coopérative est, selon Fabrice Clerc, d’avoir créé une large « communauté de développement », qui sert bien plus que l’intérêt de ses 75 sociétaires actuels. Signe que « les

lignes bougent » et que la notion de souveraineté technologique des pay- sans progresse, la structure est de plus en plus sollicitée, y compris à l’inter- national : « Nous avons des contacts avec des groupements de producteurs étrangers qui viennent voir comment on organise concrètement la collecte et la diffusion des savoirs… À eux ensuite d’imaginer comment reproduire la démarche dans leur propre contexte. » À moyen terme, leur projet serait aussi de faire émerger un centre national de formation aux technologies appro- priées, autrement dit une école pour leurs futurs formateurs. 75 SOCIÉTAIRES. 13 SAL ARIÉS, 3 GÉRANTS. 600 AGRICULTEURS FORMÉS CHAQUE ANNÉE. 18 700 VISITEURS/MOIS SUR LE SITE INTERNET EN 2018 ( + 20 % /AN, EN MOYENNE, DEPUIS 2016). 1,45 MILLION D’EUROS DE CHIFFRE D’AFFAIRES (2018).

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1 Ce guide compile en 250 pages les plans de 16 outils adaptés au maraîchage biologique.

MENTION SPÉCIALE 2014

35, chemin de l’Église, 83570 Correns www.vigneronsdecorrens.fr Les Vignerons de Correns

À Correns, l’agriculture biologique grandeur nature ! Le vent de la conversion a soufflé dans les années 1990 sur une cave coopérative viticole du Var, puis a atteint tout le village au point d’en faire un modèle d’exemplarité. Correns est la preuve vivante qu’un passage en agriculture biologique peut offrir aux territoires ruraux les clés d’une attractivité durable, qu’elle soit sociale, économique ou environnementale.

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

C ela fait plus de vingt ans que Correns croit en l’agriculture biologique et elle le lui rend bien: dans ce village varois de 900 habitants, elle a permis le renouveau de la viti- culture, de l’agriculture, de l’emploi et du lien social. Voilà qui méritait bien la mention spéciale des Trophées de l’Excellence Bio, décernée en 2014 à la cave coopérative à l’origine de cette dynamique. En 1995, voyant dans l’agricul- ture biologique une opportunité de sortir de la crise, les adhé- rents de la cave coopérative et quelques vignerons indépendants se convertissent et créent l’asso- ciation « Les maîtres-vignerons bio de Correns ». Cette dernière regroupe aujourd’hui, autour des Vignerons de Correns (nou- veau nom de la cave coopérative), le château Miraval, la Grande Pallière et le domaine des Aspras. Témoin de la vitalité retrouvée de ces viticulteurs, une demande de dénomination géographique complémentaire « Blancs de Correns » pour l’AOC côtes-de-provence est en cours. « Nous n’avons pas encore assez de volumes pour revendiquer l’appel- lation », prévient Fabien Mistre, pré- sident de la coopérative. À terme, elle permettra de valoriser la spécificité du 32 ADHÉRENTS ET 8 SAL ARIÉS. 170 HECTARES DE VIGNOBLES. 10 000 HECTOLITRES DE VINS ROUGES, ROSÉS ET BL ANCS AOC ET IGP. 2,5 MILLIONS D’EUROS DE CHIFFRE D’AFFAIRES (2017).

terroir de Correns : une terre blanche, très calcaire, associée à une climatologie particulière en raison de l’altitude. « 1 ER VILLAGE BIO DE FRANCE » À Correns, l’engagement des vignerons dans l’agriculture biologique a généré un formidable effet d’entraînement. Par la suite, d’autres agriculteurs bio se sont installés ou reconvertis: oléicul- teurs, maraîchers, apiculteurs, fro- magers, éleveurs de volailles, pro- ducteurs de plantes aromatiques… Le mouvement a été tel qu’il a fait de Correns le « 1 er village bio de France », un titre qui témoigne d’une réalité indiscutable : 95 % de la surface agricole utile en bio. Du reste, la communemultiplie les actions en matière de développe- ment durable, à l’image des pan- neaux photovoltaïques dont l’élec- tricité produite « équivaut aux besoins des 900 habitants de Correns », selon FabienMistre, qui est par ailleurs adjoint à la mairie. Forte de son ancienneté dans l’agricul- ture biologique, Correns a rejoint Les éco maires 1 . Dans ce cadre, Michaël Latz, son maire depuis 1995, se rend régulièrement dans toute l’Europe et des échanges de bonnes pratiques ont été noués avec des communes d’Allemagne et d’Italie notamment. Enfin, l’association corren- soise Lou Labo a lancé en 2017 les « Entretiens de Correns », des confé- rences et débats autour du développe- ment durable dans la région Provence verte. En 2018, le thème était: «Au-delà du bio. Comment le respect de la terre contribue à la transition sociale ? »

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1 Association nationale et internationale des maires et des élus locaux pour le développement durable.

L AURÉAT 2016

Hameau du Coulet, 34520 Saint-Maurice-Navacelles www.terres-libres.fr Terres libres – Buxor

Vivant, le sol a des ressources et de l’énergie à revendre ! Pour son élevage, Nicolas Brahic a imaginé une boucle vertueuse, inspirée par la nature et les méthodes ancestrales d’utilisation des ressources locales. Dictée à l’origine par la nécessité de surmonter les contraintes du milieu forestier, sa démarche est la preuve grandeur nature qu’un sol vivant est la clé d’une agriculture prospère, saine et durable.

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L E S T RO P H É E S D E L’ E X C E L L E N C E B I O L E S P RO D U C T E U R S

« Il y a urgence à remettre de la vie dans nos sols ! Ils sont la clé de voûte d’un bien-être humain durable. » Nicolas Brahic, éleveur

L e quotidien de Nicolas Brahic, éleveur dans le Larzac, sert de fil rouge au documentaire Juste devant nous . Un premier long-mé- trage 1 , dont la vidéaste Céline Beauquel résume le propos en ces termes : « Un regard enthousiaste, optimiste, qui nous invite à voir que toutes les solu- tions à nos enjeux écologiques sont là, “juste devant nous”. » Aux côtés d’autres intervenants, le fondateur de Terres libres y exprime ses convictions en matière d’agroécologie, forgées par plus de dix ans de pratique de l’éle- vage extensif de cochons et d’ovins bio en milieu forestier. Et si sa démarche globale a été récompensée par les Trophées de l’Excellence Bio en 2016, il se défend pourtant du qualificatif d’innovant, assurant au contraire faire « comme autrefois ». Quelques milliers d’hectares pour une centaine d’habitants à l’année: c’est cet aspect quasi sauvage du Larzac méri- dional qui a séduit Nicolas Brahic pen- dant ses études agricoles. « Incroyable quand on pense que, depuis le néo- lithique, le Larzac a constamment été peuplé et exploité par l’homme, avant de subir un exode rural massif depuis le début du xx e  siècle », rappelle-t-il.

Avant même de mettre en place son propre élevage sur les 250 hectares qu’il a acquis en 2007, il a donc mené l’enquête auprès des « anciens », pour tenter de retrouver les clés d’un équi- libre ancestral. L’ENJEU DE L’AUTONOMIE ALIMENTAIRE « La problématique, c’est l’autono- mie. J’ai donc cherché une solution en local pour être moins exposé aux fluc- tuations du marché des céréales bio pour les bêtes. » Enjeu d’autant plus crucial que son exploitation est consti- tuée de zones boisées à plus de 85 %. Dégager plus d’espace nutritionnel sur ce territoire envahi par les broussailles apparaît donc comme une première étape indispensable. Pour cela, il crée en 2012 la société d’exploitation fores- tière Buxor et conçoit une pince-séca- teur qui permet de couper les arbustes et de les broyer sur site. Cette solution s’avère idéale pour ouvrir le milieu forestier. Pour valoriser une partie du broyat, Nicolas Brahic se rapproche en 2014 de l’association Kermit qui met en place un élevage expérimental d’insectes, des cétoines dorées, en se servant du broyat fermenté comme substrat.

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1 Sortie prévue en juin 2019. Plus d’infos sur Facebook : justedevantnousfilm.

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